C’est en Argentine qu’on sera initié au sympathique maté. « El tema » est l’expression la plus courante ici. A chaque tournant de phrase on l’entend. On pourrait le comparer avec « le fait est que ». D’ailleurs la langue parlée est quelque peu différente. L’accent des argentins ajoute des ch partout et est plus chanté. C’est peut être dû à la pipette de leur fétiche thème du maté.
Bon j’y viens. De quoi s’agit-il? C’est une petite calebasse vide et séchée, ornée ou non, décorée de cuir ou d’alpaca (un métal ressemblant à de l’argent) pour les plus sophistiquées. Dans celle-ci de l’herbe appelée yerba maté, cultivée ici, un peu de sucre, de l’eau bouillante et une pipette en alpaca aussi, dont le bout ressemble à une petite passoire. Et voilà on aspire ce thé vert qui jaunit un peu les dents, mais on est heureux!
Déjà à Buenos Aires, nous sommes intrigués par cette mode. Tous se promènent maté en main et thermos sous le bras. On les surnomme d’ailleurs les sippeux de maté. Dans les guides touristiques, on raconte que si on a la chance de se faire offrir du maté en partageant la pipette c’est un signe d’amitié et de confiance. Une opportunité à ne pas manquer!
Ce sera donc à Embalse, petite ville rencontrée un peu tard sur notre route. On avait loué une voiture à Cordoba pour se rendre dans la région des vins fameux d’Argentine, à Mendoza. Toujours est-il, il est tard, nous trouvons un hôtel dans ce patelin et sortons pour y souper. Trois choix, trois restaurants dans la ville. On aura ouvert la porte du plus sympathique, par hasard. Des gens aimables nous accueillent. Le resto est vide, c’est dimanche soir et en saison morte. Par chance car avec notre gang, cela déplace beaucoup d’air. Les enfants dansent, crient, rient, pleurent, se chicanent tout enfin pour rendre des parents confus, mais pas ici! On danse plutôt avec eux.
On se lève pour la facture. Puis au comptoir, on se met à placoter, de leurs histoires et des nôtres, comme des amis. Et voilà qu’arrive le moment si attendu, l’invitation au maté! La chaleureuse Karina nous initie au rituel du maté, ponctué de ces fameux « el tema es que ».
Les enfants adorent, mais ici c’est réservé aux adultes. On se passe la calebasse et on continue à jaser. Soirée magique!
Dès le lendemain, au supermarché, les calebasses, les pipettes et la yerba sont achetées. On aura plaisir à se fondre à ce rituel datant des ancêtres indiens du Paraguay, d’Uruguay
et d’Argentine. Dans le nord du pays, dans la province de Misiones, cette coutume est encore plus pratiquée, car c’est là qu’est principalement cultivée la yerba maté. On la vend aromatisée, thérapeutique, organique avec ou sans paton, enfin pour tous les goûts. El tema es que tout le monde aime sipper son maté!
Qui a l’habitude de voyager sait qu’il arrive toujours un moment où il faut partir. (Paolo Coelho)
15.6.05
5.6.05
Buenos Aires
Mathilde sur la place du Congrès 

De Puerto Iguazu
Par hasard, c’est à trois portes du grand café Tortoni que nous a laissés le chauffeur de taxi. En fait, c’est nous qui l’avons laissé poliment quelque part au centre ville ne pouvant plus l’endurer C’était un de ses chauffeurs qui vous emmène partout, sauf là où vous souhaitez aller. Il connaissait, disait-il, des hôtels pour nous (devinez un grosse gang)…Toujours est-il que la chance nous ouvrait les portes du Gran Hotel Hispano, sur la digne Avenida de Mayo. On allait y passer presque deux semaines et profiter de sa situation idéale dans le Grand Buenos Aires. C’est un dimanche après-midi d’automne, tout gris. Il doit faire entre 10 et 15 degrés. La nuit a été longue, on dormira jusqu’à sept heures pm.
Bien réveillés on part souper, goûter à notre première « parilla » argentine. La viande ici, principalement celle du boeuf est à l’honneur. Pas trop loin, après avoir traversé la célèbre avenue « 9e de Julio », la plus large au monde (20 voies), on trouve celle suggérée par l’hôtel. Dans la vitrine, le feu vif qui grille les bêtes en spectacle. La chaleur et les décors de Gauchos (cowboys argentins) nous convainquent. On y a eu droit à nos premières surprises culinaires. Un petit vin de Xérès en apéro, les légumes qui nous ont tant manqué depuis 8 mois, des viandes si tendres et goûteuses, de grands vins… Ouf! C’était beaucoup pour un premier soir. Ajoutez à cela une facture surprenante par son prix si bas (moins de 30usd pour les six). Nous rentrons joyeux vers 10h30 heures ne sachant pas encore que cela allait devenir notre routine quotidienne dans ce pays. Avant 21 heures, ici les restaurants sont vides! Tous les soirs, on aura bien mangé à Buenos Aires. Souvent dans des parillas, mais aussi deux soirs magiques au café Tortoni (1856). Sur le modèle et avec la classe d’un grand café parisien, ce café qui aurait un peu le rythme de l’Express à Montréal, plein de fumée (les argentins fument comme des cheminées) et de bruits nous a tellement charmés. Sur les murs pleins de toiles de peintres inconnus, de photos de célébrités qui sont passées, comme nous, au Tortoni pour y manger un bon repas et voir le meilleur du Tango.
Le lendemain puis les jours qui ont suivis, ont eu des petits matins semblables; petit-déjeuner vers 9h30 aux croissants (medialunas) et au bon café, un peu d’école et puis le début de longues marches dans cette ville si belle. Parmi nos premiers plaisirs, celui de se retrouver incognitos dans les foules. Ici, on ne fait pas différents. Nous passons presque inaperçus. Enfin autant que puisse le faire une famille avec quatre enfants dans un pays occidental! L’architecture nous rappelle l’Europe avec surtout des influences espagnoles, italiennes et françaises. Déjà midi! Même si Victor n’est pas d’accord, avec ses « J’ai faim » qui sont devenus les deux mots les plus entendus du voyage, on ne dîne pas ici avant 14h de toutes façons. De petites rues étroites, pleines de personnes pressées. On appelle les habitants de Buenos Aires les Porteños. Tiens, on croise une manifestation qui tambours battants revendique la justice qui, parait-il, manque dans ce pays autrefois plein de promesses. Puis, on se trouve dans une grande place pour quelques minutes le temps que Mathilde essaie de filer des coups de pied aux pigeons. Devant la Casa Rosada (Palais présidentiel), on explique aux filles qu’ici, de ce balcon, Evita Perron a soulevé tant de patriotisme. Le temps est arrêté, le ciel est d’un bleu si pur et propre à l’automne ici. Le soleil du début de l’après-midi nous suggère d’enlever nos polars. Quelques coins plus loin, on perçoit les premiers sons d’un nouveau tango, quel bonheur que Buenos Aires danse toujours! On s’arrête pour voir un couple jeune de cœur, les yeux dans les yeux, gagner leur vie jambe en l’air à faire la joie des Porteños (pas seulement des touristes, il y en a très peu en mai).
Nos lunchs auront été tous aussi bons, sympathiques et économiques. Peu importe le café qu’on choisissait, les sandwichs, les tartes aux légumes, les salades auront plu au goût de six bouches biens différentes. On se sera souvent accrochés les pieds fatigués dans un café appelé la Brioche dorée situé derrière une magnifique librairie, profitant du temps à bouquiner, à écouter des disques, activités qu’on ne fait pas très souvent chez-nous.
Bien nourris et reposés, on dépose la tasse de l’expresso noir et on sort du café du jour. Les quartiers sont différents à chaque fois, selon que les taxis ou les métros (1910, vieux wagons en bois sur rails) nous aient laissés à la Recoleta, à Puerto Madero, à Boca, à Tigre ou à San Telmo. Nos après-midi auront tous été composés de longues marches remplies d’arrêts. Parmi les plus beaux, celui à Boca; quartier du vieux port fondé par des immigrants surtout italiens avec des murs et des toits de tôles où le tango se dansent encore dans les places publiques (Musée de Quinquela). Celui de le Recoleta aussi, où l’on s’est promené dans des grands parcs qui n’ont rien à envier au parc du Luxembourg ou à Central Park. Que dire aussi d’un après-midi du dimanche à l’opéra au grand Théâtre Colon (le plus beau et le plus vieux d’Amérique) pour entendre et voir Don Quijote de Massenet. Quelle chance nous avons eu de voir ce spectacle à portée d’enfants d’un balcon tout de velours! Ils ont adoré. Le snob international qui fréquente l’opéra aura bien un peu froncé les sourcils envers Mathilde et Victor, mais bon, ils ont été sages, selon nous et la majorité de nos voisins spectateurs. Quelques après-midi ont pris fin plus tôt que d’autres, leçons de tango obligeant. Eh oui, Geneviève et les filles ont fait leur premiers pas à l’académie nationale du tango (située au dessus du Tortoni). Marie et Florence n’avaient pas la grâce et le style de leur mère (c’est un peu difficile quand on regarde le ventre de son partenaire, et non ses yeux), mais elles auront appris avec joie les premiers mots de cette langue aux accents de charme qui se nomme le tango.
Voilà donc brièvement pourquoi Buenos Aires prendra sa place dans le haut des tops 10 de notre voyage. Ah oui! En terminant, on vous partage un secret; seulement à condition que vous ne le disiez jamais, ni aux enfants et ni à la DPJ (Direction de la protection de la jeunesse du Québec)! Je vous disais que notre hôtel était à trois portes du Tortoni. Et bien voilà, un soir juste avant minuit, Geneviève et moi sommes descendus clandestinement pour y voir un spectacle de tango savoureux; un des rares moments romantiques volé à la famille! Pendant deux heures, nos enfants chéris dormaient, on les a presque oubliés le temps de se sentir jeunes et libres; aussi complices qu’un couple de danseurs de tango inspirés par la musique du piano, de la contrebasse et de l’accordéon dans la fumée et les vapeurs du bon vin argentin.
Épisode terminé, c’est en bus q’on a quitté cette ville, nos batteries citadines bien chargées. Le bus quittant à 22h30 en direction de Cordoba. Un trajet d’une dizaine d’heures nous attendait. Les distances entre les villes sont immenses ici et les routes presque toujours monotones (près de 90% des argentins vivent dans des villes), freinant parfois notre enthousiasme face à tout voir! Il aura été difficile de faire des croix sur la Patagonie et la Terre de feu, à cause du froid, de la distance et des coûts. On allait donc se réveiller vers 7 heures le lendemain au centre du pays dans la plus vielle ville d’Argentine fondée au milieu du seizième siècle.


De Puerto Iguazu
Par hasard, c’est à trois portes du grand café Tortoni que nous a laissés le chauffeur de taxi. En fait, c’est nous qui l’avons laissé poliment quelque part au centre ville ne pouvant plus l’endurer C’était un de ses chauffeurs qui vous emmène partout, sauf là où vous souhaitez aller. Il connaissait, disait-il, des hôtels pour nous (devinez un grosse gang)…Toujours est-il que la chance nous ouvrait les portes du Gran Hotel Hispano, sur la digne Avenida de Mayo. On allait y passer presque deux semaines et profiter de sa situation idéale dans le Grand Buenos Aires. C’est un dimanche après-midi d’automne, tout gris. Il doit faire entre 10 et 15 degrés. La nuit a été longue, on dormira jusqu’à sept heures pm.
Bien réveillés on part souper, goûter à notre première « parilla » argentine. La viande ici, principalement celle du boeuf est à l’honneur. Pas trop loin, après avoir traversé la célèbre avenue « 9e de Julio », la plus large au monde (20 voies), on trouve celle suggérée par l’hôtel. Dans la vitrine, le feu vif qui grille les bêtes en spectacle. La chaleur et les décors de Gauchos (cowboys argentins) nous convainquent. On y a eu droit à nos premières surprises culinaires. Un petit vin de Xérès en apéro, les légumes qui nous ont tant manqué depuis 8 mois, des viandes si tendres et goûteuses, de grands vins… Ouf! C’était beaucoup pour un premier soir. Ajoutez à cela une facture surprenante par son prix si bas (moins de 30usd pour les six). Nous rentrons joyeux vers 10h30 heures ne sachant pas encore que cela allait devenir notre routine quotidienne dans ce pays. Avant 21 heures, ici les restaurants sont vides! Tous les soirs, on aura bien mangé à Buenos Aires. Souvent dans des parillas, mais aussi deux soirs magiques au café Tortoni (1856). Sur le modèle et avec la classe d’un grand café parisien, ce café qui aurait un peu le rythme de l’Express à Montréal, plein de fumée (les argentins fument comme des cheminées) et de bruits nous a tellement charmés. Sur les murs pleins de toiles de peintres inconnus, de photos de célébrités qui sont passées, comme nous, au Tortoni pour y manger un bon repas et voir le meilleur du Tango.
Le lendemain puis les jours qui ont suivis, ont eu des petits matins semblables; petit-déjeuner vers 9h30 aux croissants (medialunas) et au bon café, un peu d’école et puis le début de longues marches dans cette ville si belle. Parmi nos premiers plaisirs, celui de se retrouver incognitos dans les foules. Ici, on ne fait pas différents. Nous passons presque inaperçus. Enfin autant que puisse le faire une famille avec quatre enfants dans un pays occidental! L’architecture nous rappelle l’Europe avec surtout des influences espagnoles, italiennes et françaises. Déjà midi! Même si Victor n’est pas d’accord, avec ses « J’ai faim » qui sont devenus les deux mots les plus entendus du voyage, on ne dîne pas ici avant 14h de toutes façons. De petites rues étroites, pleines de personnes pressées. On appelle les habitants de Buenos Aires les Porteños. Tiens, on croise une manifestation qui tambours battants revendique la justice qui, parait-il, manque dans ce pays autrefois plein de promesses. Puis, on se trouve dans une grande place pour quelques minutes le temps que Mathilde essaie de filer des coups de pied aux pigeons. Devant la Casa Rosada (Palais présidentiel), on explique aux filles qu’ici, de ce balcon, Evita Perron a soulevé tant de patriotisme. Le temps est arrêté, le ciel est d’un bleu si pur et propre à l’automne ici. Le soleil du début de l’après-midi nous suggère d’enlever nos polars. Quelques coins plus loin, on perçoit les premiers sons d’un nouveau tango, quel bonheur que Buenos Aires danse toujours! On s’arrête pour voir un couple jeune de cœur, les yeux dans les yeux, gagner leur vie jambe en l’air à faire la joie des Porteños (pas seulement des touristes, il y en a très peu en mai).
Nos lunchs auront été tous aussi bons, sympathiques et économiques. Peu importe le café qu’on choisissait, les sandwichs, les tartes aux légumes, les salades auront plu au goût de six bouches biens différentes. On se sera souvent accrochés les pieds fatigués dans un café appelé la Brioche dorée situé derrière une magnifique librairie, profitant du temps à bouquiner, à écouter des disques, activités qu’on ne fait pas très souvent chez-nous.
Bien nourris et reposés, on dépose la tasse de l’expresso noir et on sort du café du jour. Les quartiers sont différents à chaque fois, selon que les taxis ou les métros (1910, vieux wagons en bois sur rails) nous aient laissés à la Recoleta, à Puerto Madero, à Boca, à Tigre ou à San Telmo. Nos après-midi auront tous été composés de longues marches remplies d’arrêts. Parmi les plus beaux, celui à Boca; quartier du vieux port fondé par des immigrants surtout italiens avec des murs et des toits de tôles où le tango se dansent encore dans les places publiques (Musée de Quinquela). Celui de le Recoleta aussi, où l’on s’est promené dans des grands parcs qui n’ont rien à envier au parc du Luxembourg ou à Central Park. Que dire aussi d’un après-midi du dimanche à l’opéra au grand Théâtre Colon (le plus beau et le plus vieux d’Amérique) pour entendre et voir Don Quijote de Massenet. Quelle chance nous avons eu de voir ce spectacle à portée d’enfants d’un balcon tout de velours! Ils ont adoré. Le snob international qui fréquente l’opéra aura bien un peu froncé les sourcils envers Mathilde et Victor, mais bon, ils ont été sages, selon nous et la majorité de nos voisins spectateurs. Quelques après-midi ont pris fin plus tôt que d’autres, leçons de tango obligeant. Eh oui, Geneviève et les filles ont fait leur premiers pas à l’académie nationale du tango (située au dessus du Tortoni). Marie et Florence n’avaient pas la grâce et le style de leur mère (c’est un peu difficile quand on regarde le ventre de son partenaire, et non ses yeux), mais elles auront appris avec joie les premiers mots de cette langue aux accents de charme qui se nomme le tango.
Voilà donc brièvement pourquoi Buenos Aires prendra sa place dans le haut des tops 10 de notre voyage. Ah oui! En terminant, on vous partage un secret; seulement à condition que vous ne le disiez jamais, ni aux enfants et ni à la DPJ (Direction de la protection de la jeunesse du Québec)! Je vous disais que notre hôtel était à trois portes du Tortoni. Et bien voilà, un soir juste avant minuit, Geneviève et moi sommes descendus clandestinement pour y voir un spectacle de tango savoureux; un des rares moments romantiques volé à la famille! Pendant deux heures, nos enfants chéris dormaient, on les a presque oubliés le temps de se sentir jeunes et libres; aussi complices qu’un couple de danseurs de tango inspirés par la musique du piano, de la contrebasse et de l’accordéon dans la fumée et les vapeurs du bon vin argentin.
Épisode terminé, c’est en bus q’on a quitté cette ville, nos batteries citadines bien chargées. Le bus quittant à 22h30 en direction de Cordoba. Un trajet d’une dizaine d’heures nous attendait. Les distances entre les villes sont immenses ici et les routes presque toujours monotones (près de 90% des argentins vivent dans des villes), freinant parfois notre enthousiasme face à tout voir! Il aura été difficile de faire des croix sur la Patagonie et la Terre de feu, à cause du froid, de la distance et des coûts. On allait donc se réveiller vers 7 heures le lendemain au centre du pays dans la plus vielle ville d’Argentine fondée au milieu du seizième siècle.
23.5.05
Cartes postales des Galapagos


On se les gardait pour le dessert; comme des profiteroles après un grand repas bien arrosé. Voilà, nous sommes donc au dessert de ce grand voyage au pays de l’Équateur, en train de savourer ce dernier plat…
Le dernier paradis
28 mai


Nous flottons sur la grande bleue! Sur le pacifique à 1000 kilomètres au large du continent, à la hauteur de l’Équateur. Cet après-midi nous poserons le pied, tout comme Charles Darwin, sur une première île de l’archipel des Galápagos. Notre bateau est grand et confortable; les enfants y ont trouvé leur compte (gentil équipage, grand resto, jeux, minuscule piscine). Il fait beau et chaud…
Nous revenons de l’île de Bartolomé, avons nagé avec nos premiers poissons multicolores et vu des dizaines d’otaries. De la pure magie pour émerveiller les enfants (petits et grands). Île volcanique aux paysages lunaires, avec la mer turquoise cela compose un curieux mélange …
Bonne nuit… Nous écrivons cette carte à la lumière d’un ciel si beau. La croix du Sud est bien en vue, tout comme Orion. Dernier coup d’œil aux tortues marines et aux lions de mer qui viennent danser sous les projecteurs du Legend. Il lèvera l’ancre sous peu pour bercer notre nuit durant huit heures jusqu’à Fernandina.
Le vent se lève…


Les jours qui suivent à bord…
Du 29 avril au 2 mai


Surpris par un banc d’une cinquantaine de dauphins, nous serons ce matin en retard pour le petit déjeuner… Chaque jour nous descendons deux fois sur des îles tellement différentes. Un zodiac nous transporte du bateau jusqu’à ce derniers paradis. On débarque sur ses plages, parfois noires, ocres ou de sable blanc. Les iguanes marins et les crabes rouges tapissent les côtes souvent de lave. Les fous à pattes bleues, les cormorans qui ne volent plus, le grand héron et plein d’autres espèces d’oiseaux y nichent…
Après une balade pour explorer un tunnel de lave ou des cratères tout juste endormis, nous sautons à l’eau. Là, devant nos masques défilent des poissons au bec jaune, aux nageoires rose et bleue ou à la queue fluo. Un pingouin vient de nous surprendre. « Tiens, cette tortue de mer est sur pellicule ».
Mathilde vient de s’endormir sur le pont, sous les étoiles, aux souffles des otaries.
Bonne nuit


Isabela
15 mai


13 Îles et 42 îlots forment l’archipel des Galapagos, Isabela est la plus grande. Nous y sommes pour une semaine à la charmante casa de Marita. Notre chambre donne sur une plage d’un sable aussi blanc que fin. Des palétuviers (mangroves) tracent des passages secrets pour les enfants. Des récifs de lave noire forment des piscines où Florence a enfin mis son masque. Les pélicans sont fidèles et saluent Mathilde chaque matin. Les vagues usent les journées de Victor sur sa planche à surf.
Nos journées sont pleines; entre la visite d’un lit où dorment les requins aux pointes blanches, la baignade au lagon bleu de Concha de Perla, la randonnée à cheval jusqu’au cratère du Cerro Negro (parmi les plus grands cratères au monde), la marche au quai du village pour assister au spectacle des otaries. Pas le temps de se reposer!
15 ans déjà. Ce soir on fête notre mariage avec des amis naufragés sur l’île des grands volcans…


Entre Isabela et Santa-Cruz : La peur…
10 mai


6h du matin, on prend des vagues de trois, quatre ou cinq mètres. En tout cas, trop grandes pour notre petit bateau. À bord pour 3 heures d’une traversée qu’on n’oubliera jamais! Mathilde souffre déjà du mal de mer. Elle n’est pas la seule, trois ou quatre autres passagers sont malades. La mer est dure. Marie pleure, tient ma main avec son angoisse. Nous sommes tous trempés jusqu’aux os. Heureusement, il ne fait pas froid. Florence et Victor se sont endormis comme pour se défendre contre la peur.
Un capitaine, deux équipiers, deux moteurs 75 forces contre la mer… Dire que ces marins montent chaque jour dans cette galère. Elle paraissait interminable, on en rit désormais. On comprend mieux la grandeur de la nature, de la mer et notre chance d’être sains et saufs.


Bahia de tortuga…
11 mai


Dernier jour sur les îles. Santa Cruz est de loin la plus développée; boutiques, restos et la station Charles Darwin qui protège les tortues géantes. Elles pèsent plus de 250kg et vivent au-delà de 200 ans! Nous marchons dans un sentier qui rappelle le décor enchanteur du Magicien d’Oz; des cactus géants, des lézards à gorge rouge, des vagues de lave saisie, des pierres colorées et des bruits d’oiseaux (merle moqueur, le canari, le pinson Darwin). « On voit la mer! »
La plage est vierge, sans fin… Un pique-nique dans les mangroves avec le spectacle de l’envolée des grands hérons, la pêche fructueuse des pélicans et la montée de la marée. Dernière baignade dans les vagues chaudes du Pacifique, sans vouloir sortir comme pour y étirer l’adieu à ce paradis des Galapagos!
Snif!


20.5.05
17.5.05
Buenos Aires
Holà!
Un tout petit mot pour vous dire que nous sommes dans cette magnifique ville de l'Argentine. Après une courte petite période d'ajustement, au décalage horaire (trois heures de moins qu'aux Galápagos), au froid (quand nous sommes arrivés, il faisait 11 degrés) et au changement de mode vie (très européen), nous voici les yeux et les sens grands ouverts...
Ne vous en faites pas, la beauté de Buenos Aires, de ses habitants, le goût de son café et de sa nourriture raffinée nous aident à s'acclimater.
On sent qu'on rentre un peu vers la maison...
la famille qui a quitté désormais l'équateur
Un tout petit mot pour vous dire que nous sommes dans cette magnifique ville de l'Argentine. Après une courte petite période d'ajustement, au décalage horaire (trois heures de moins qu'aux Galápagos), au froid (quand nous sommes arrivés, il faisait 11 degrés) et au changement de mode vie (très européen), nous voici les yeux et les sens grands ouverts...
Ne vous en faites pas, la beauté de Buenos Aires, de ses habitants, le goût de son café et de sa nourriture raffinée nous aident à s'acclimater.
On sent qu'on rentre un peu vers la maison...
la famille qui a quitté désormais l'équateur
11.5.05
Le début de la fin…
Santa Cruz, Galápagos
Cette longue halte à Guayaquil est donc terminée. Les soirées des dernières semaines dans cette ville auront à peine suffit à organiser la suite de notre aventure. L’organisation du voyage à Galápagos, d’où je vous écris maintenant, s’est faite sans trop de difficultés. La seule difficulté réelle fut celle d’accepter le coût d’une telle aventure pour six. On a eu beau avoir négocié très fort, réussit à payer le prix des nationaux, fait oublier quelques enfants malgré cela, la facture avait le goût de l’eau de la mer. Nous savons cependant que la chance que nous ayons d’y être n’a pas de prix.
Non, le plus compliqué dans toute cette préparation fut de décider la direction vers où aller terminer ce grand voyage. Allions-nous en profiter pour visiter le sud de l’Amérique Latine où encore remonter doucement en traversant l’Amérique centrale? On a plusieurs fois cru être certains et d’accord, avant de rechanger d’idée. Les deux avenues avaient des atouts importants. Nous sommes si près de l’Argentine et du Brésil, comment ne pas s’y rendre? Buenos Aires, le Tango, la Patagonie, les chutes d’Iguazu (les plus grande au monde), la Bossa Nova, l’amazone du Brésil. Bien sûr, l’hiver y commence, mais ce n’est pas un peu de fraîcheur qui nous arrêtera. Par contre, les distances sont immenses, comment ferons-nous sans voiture? Au nord, la voiture serait restée avec nous (je commençais à m’y attacher), au moins jusqu’au Mexique. Mon idée était de la ramener jusqu’au Canada; de mettre la voiture sur un bateau de Guayaquil jusqu’à Panama et par la suite traverser le Costa Rica, le Nicaragua, l’Honduras, le Guatemala jusqu’au Mexique (pour aller embrasser Jimena plus rapidement). Ce voyage aurait conservé les mêmes parfums culturels (civilisations anciennes), alors qu’au Sud, à Buenos Aires notamment, c’est un peu l’Europe, l’occident… On a bien essayé pourtant, j’ai pris contact avec des agents de douanes, des entreprises de transport maritime, des personnes qui ont déjà fait ce périple, avec des agents de transports Canada, pour me rendre compte, non sans déceptions, que d’importer une voiture qui n’est pas conforme aux normes américaines, que de traverser tout ces frontières, que d’accumuler tous ces coûts et ces kilomètres devenait franchement une mauvaise option. J’avais d’ailleurs déjà commencé à m’obstiner avec un fonctionnaire canadien sur l’interprétation d’une exception dans le règlement d’importation des voitures au Canada… On a pas besoin de cela en voyage!
C’est enfin décidé! Nous avons d’ailleurs vendu la voiture à six heures du soir la veille de quitter pour les Galápagos. Nous partons donc le 14 mai vers Buenos Aires sur un vol de nuit (Lan Chile), avec un arrêt à Santiago où il est possible que nous passions quelques jours. Geneviève voulait un cours de tango pour sa fête (1er juin)! La seule question qui demeure est en rapport au partenaire, serais-je celui qui lui cognera la tête et lui pilera sur les pieds, ou aura-t-elle la chance de côtoyer les gestes romantiques d’un séduisant argentin? C’est elle qui choisira! L’économie actuelle de l’Argentine est très favorable à ce voyage. La valeur du dollar face au Peso argentin est très élevée. Nous sommes tous excités à l’idée de s’approcher autant du Pôle sud. Nous voyagerons principalement en bus ou en train. Peut-être louerons-nous un voiture, ici et là, le moins possible. Après l’argentine où nous séjournerons environ un mois, nous remonterons vers le Brésil, en passant sans aucun doute par les chutes d’Iguazu. Nous verrons peut-être l’Amazone de ce côté. Voilà, si tout va bien, c’est probablement d’un vol en provenance de Sau Paulo (16 heures) que nous rentrerons à la maison. Les enfants ont tellement hâte!
La famille qui voudrait écrire plus souvent
Mil besos de Galápagos
lafamilleenequateur
Cette longue halte à Guayaquil est donc terminée. Les soirées des dernières semaines dans cette ville auront à peine suffit à organiser la suite de notre aventure. L’organisation du voyage à Galápagos, d’où je vous écris maintenant, s’est faite sans trop de difficultés. La seule difficulté réelle fut celle d’accepter le coût d’une telle aventure pour six. On a eu beau avoir négocié très fort, réussit à payer le prix des nationaux, fait oublier quelques enfants malgré cela, la facture avait le goût de l’eau de la mer. Nous savons cependant que la chance que nous ayons d’y être n’a pas de prix.
Non, le plus compliqué dans toute cette préparation fut de décider la direction vers où aller terminer ce grand voyage. Allions-nous en profiter pour visiter le sud de l’Amérique Latine où encore remonter doucement en traversant l’Amérique centrale? On a plusieurs fois cru être certains et d’accord, avant de rechanger d’idée. Les deux avenues avaient des atouts importants. Nous sommes si près de l’Argentine et du Brésil, comment ne pas s’y rendre? Buenos Aires, le Tango, la Patagonie, les chutes d’Iguazu (les plus grande au monde), la Bossa Nova, l’amazone du Brésil. Bien sûr, l’hiver y commence, mais ce n’est pas un peu de fraîcheur qui nous arrêtera. Par contre, les distances sont immenses, comment ferons-nous sans voiture? Au nord, la voiture serait restée avec nous (je commençais à m’y attacher), au moins jusqu’au Mexique. Mon idée était de la ramener jusqu’au Canada; de mettre la voiture sur un bateau de Guayaquil jusqu’à Panama et par la suite traverser le Costa Rica, le Nicaragua, l’Honduras, le Guatemala jusqu’au Mexique (pour aller embrasser Jimena plus rapidement). Ce voyage aurait conservé les mêmes parfums culturels (civilisations anciennes), alors qu’au Sud, à Buenos Aires notamment, c’est un peu l’Europe, l’occident… On a bien essayé pourtant, j’ai pris contact avec des agents de douanes, des entreprises de transport maritime, des personnes qui ont déjà fait ce périple, avec des agents de transports Canada, pour me rendre compte, non sans déceptions, que d’importer une voiture qui n’est pas conforme aux normes américaines, que de traverser tout ces frontières, que d’accumuler tous ces coûts et ces kilomètres devenait franchement une mauvaise option. J’avais d’ailleurs déjà commencé à m’obstiner avec un fonctionnaire canadien sur l’interprétation d’une exception dans le règlement d’importation des voitures au Canada… On a pas besoin de cela en voyage!
C’est enfin décidé! Nous avons d’ailleurs vendu la voiture à six heures du soir la veille de quitter pour les Galápagos. Nous partons donc le 14 mai vers Buenos Aires sur un vol de nuit (Lan Chile), avec un arrêt à Santiago où il est possible que nous passions quelques jours. Geneviève voulait un cours de tango pour sa fête (1er juin)! La seule question qui demeure est en rapport au partenaire, serais-je celui qui lui cognera la tête et lui pilera sur les pieds, ou aura-t-elle la chance de côtoyer les gestes romantiques d’un séduisant argentin? C’est elle qui choisira! L’économie actuelle de l’Argentine est très favorable à ce voyage. La valeur du dollar face au Peso argentin est très élevée. Nous sommes tous excités à l’idée de s’approcher autant du Pôle sud. Nous voyagerons principalement en bus ou en train. Peut-être louerons-nous un voiture, ici et là, le moins possible. Après l’argentine où nous séjournerons environ un mois, nous remonterons vers le Brésil, en passant sans aucun doute par les chutes d’Iguazu. Nous verrons peut-être l’Amazone de ce côté. Voilà, si tout va bien, c’est probablement d’un vol en provenance de Sau Paulo (16 heures) que nous rentrerons à la maison. Les enfants ont tellement hâte!
La famille qui voudrait écrire plus souvent
Mil besos de Galápagos
lafamilleenequateur
Un peu d’avril…
C’est grâce aux Sœurs de la miséricorde si nous avons aujourd’hui des visas de volontaires valides en Équateur. Sans ces papiers, il aurait été compliqué de séjourner dans ce pays pour plus de trois mois. En septembre dernier à Montréal, on s’était vu quelques fois, rue St-Hubert, le temps de se connaître un peu, de s’expliquer nos projets respectifs. Le leur est celui de quatre femmes un peu folles (aujourd’hui on peut le dire) et dans la soixantaine avancée qui ont décidé un bon matin, il y aura dix ans bientôt, d’occuper leur retraite et de fonder en Équateur, un centre pour femmes et une garderie; plus précisément à Pascuales dans un quartier pauvre de Guayaquil. Quant à nous, on cherchait à trouver une âme pour un grand voyage qu’on allait s’offrir… De Montréal, on s’était laissé sans promesse de part ou d’autre… A priori, ce n’était pas évident pour elles de penser accueillir une famille de six (dont quatre jeunes enfants) durant à peine deux mois et de penser que cela pouvait vraiment aider! De notre côté, nous avions de forts doutes sur la faisabilité d’une expérience de travail avec quatre accaparent petits rejetons dans les pattes. La dernière chose qu’on souhaitait, c’était de recréer le modèle où papa part au travail le matin, laissant à maman la charge familiale. On voulait bien que les filles fassent quelques mois d´école en Amérique latine, mais, était-ce vraiment réaliste? Comment allions-nous faire pour s’installer dans une ville aussi grande? Était-ce ce que nous cherchions? Quoiqu’il en soit, leur folie, couplée à la nôtre, nous a conduit dans coin du monde qu’on n’oubliera jamais.
Quelques mots d’abord sur Guayaquil, cette grosse bonne femme qui est toujours en sueur. Elle est brute et parle trop fort. Bien sûr, elle n’a plus la taille ni la beauté de sa jeunesse, c’est pourtant elle qui tient la maison et qui met le pain sur la table dans ce pays. Dans les montages et à Quito plus particulièrement, c’est la mal aimée! On dit qu’elle est vulgaire et inculte. Tiens, je me rappelle d’une formule qu’avait employée Foglia, il y a longtemps, dans une chronique pour exprimer toute la condescendance des habitants du nord de l’Italie envers ceux du sud, de la Sicile notamment : « Les italiens du sud ont le cul plus bas que leurs voisins du Nord » disait-il! Ici c’est pareil, les bons créoles habitant la Sierra et les nobles indiens au Poncho sur leurs montagnes (même les agences de coopération internationale) regardent de bien haut ceux qui transpirent sur la côte.
Guayaquil compte près de trois millions d’habitants. Elle est effectivement dangereuse et pleine d’injustices (près d’une centaine d’assauts à mains armées durant le mois d’avril) Heureusement, on y aura vécu deux mois dans le quartier de la Kennedy Norte sans grandes mésaventures, y vivant même un coup d’état qui n’était pas, celui-là, un poisson d’avril! On aura aussi eu le bonheur de s’enfuir à la mer quelques week-ends (Playa, Puerto Lopez, Alandaluz), de déjeuner souvent au délicieux café de l’hôtel Oro Verde, d’entendre un magnifique concert de guitare classique, de se voisiner avec des gens gentils, de passer de nombreuses heures au Malecon dans une des plus sympathique place publique au Monde. L’obligation aussi de transiger dans les rues avec les mille petits métiers; les vendeurs de cartes d’appel déguisés en personnel de F1, les vendeurs d’eau ou de limonade à vélo, les camelots, ceux qui doublent les clés, les autres qui vendent des agendas cette semaine alors qu’ils vendaient des tue-mouches la semaine dernière et finalement, le devoir de transiger avec ceux qui vendrait leur sort... Ah oui oubliais, la joie de célébrer avec les équatoriens trois victoires de leur équipe nationale contre le Brésil, le Pérou et le Paraguay, les rapprochant ainsi d’une participation si importante pour leur identité au Mondial 2006 en Allemagne. Par dessus tout, on aura pris le temps d’observer et de vraiment sentir le pouls d’un autre peuple.
Pascuales, elle, se lève tôt tous les matins. Il fait trop chaud pour y flâner au lit, trop chaud pour se lever d’ailleurs! Avril, c’est le fort mois de la pluie. Les rues et les terrains sont souvent inondés. C’est aussi la saison des grippes, du paludisme… Il y a eu cette saison plusieurs centaines de cas de dengue dont au moins une dizaine hémorragique (mortelle). On aura même eu peur pour notre grande Marie durant quelques jours. Fausse alerte heureusement!
C’est donc dans cette ville qu’on aura trouvé l’âme de notre voyage. Dans la marge d’un projet qu’on aura aidé à lancer; dans les rues qu’on aura marché pour y acheter ce qu’il fallait pour le projet (terre, bambous, outils, etc.), en traversant la vie de personnes qui ne l’ont pas facile. On aura eu la chance de pénétrer leur chez-soi en installant des jardins dans leur cour arrière, avec entre les jambes les poules, les chiens et les chats. De leur côté, les filles rapporteront aussi de précieux souvenir de l’école de ce village. Elles y seront entrées un peu à reculons au début. Mais, il fallait les voir danser le jour du départ durant la petite fête, organisée par leur enseignante en leur honneur, pour se rendre compte qu’on venait de réussir un volet important de notre voyage. Il n’y avait pas que les petites latino-américaines qui pleuraient à l’idée de se séparer peut-être pour toujours. Durant cette période, Victor et Mathilde auront également été aimés et dorlotés par des femmes aussi différentes et généreuses. Quels souvenirs conserveront-ils de ce passage en terre étrangère? On dit que l’odorat a une longue mémoire; leur petit nez, qui le plus souvent coulait, aura fouillé dans les coins les plus précieux.
Nous quitterons bientôt ce pays avec beaucoup de souvenirs heureux, avec un brin de tristesse aussi. Nous nous souviendrons d’un coin de terre d’une richesse et d’une diversité incroyable. Nous garderons encore trop de pourquoi quant aux causes de cette situation si difficile pour ses habitants. Notre choix d’élire l’Équateur comme pays principal de notre aventure aura été heureux; son climat, sa taille saisissable, ses habitants généreux nous auront permis comprendre un peu mieux notre monde et nos frères qui y habitent.
Quelques mots d’abord sur Guayaquil, cette grosse bonne femme qui est toujours en sueur. Elle est brute et parle trop fort. Bien sûr, elle n’a plus la taille ni la beauté de sa jeunesse, c’est pourtant elle qui tient la maison et qui met le pain sur la table dans ce pays. Dans les montages et à Quito plus particulièrement, c’est la mal aimée! On dit qu’elle est vulgaire et inculte. Tiens, je me rappelle d’une formule qu’avait employée Foglia, il y a longtemps, dans une chronique pour exprimer toute la condescendance des habitants du nord de l’Italie envers ceux du sud, de la Sicile notamment : « Les italiens du sud ont le cul plus bas que leurs voisins du Nord » disait-il! Ici c’est pareil, les bons créoles habitant la Sierra et les nobles indiens au Poncho sur leurs montagnes (même les agences de coopération internationale) regardent de bien haut ceux qui transpirent sur la côte.
Guayaquil compte près de trois millions d’habitants. Elle est effectivement dangereuse et pleine d’injustices (près d’une centaine d’assauts à mains armées durant le mois d’avril) Heureusement, on y aura vécu deux mois dans le quartier de la Kennedy Norte sans grandes mésaventures, y vivant même un coup d’état qui n’était pas, celui-là, un poisson d’avril! On aura aussi eu le bonheur de s’enfuir à la mer quelques week-ends (Playa, Puerto Lopez, Alandaluz), de déjeuner souvent au délicieux café de l’hôtel Oro Verde, d’entendre un magnifique concert de guitare classique, de se voisiner avec des gens gentils, de passer de nombreuses heures au Malecon dans une des plus sympathique place publique au Monde. L’obligation aussi de transiger dans les rues avec les mille petits métiers; les vendeurs de cartes d’appel déguisés en personnel de F1, les vendeurs d’eau ou de limonade à vélo, les camelots, ceux qui doublent les clés, les autres qui vendent des agendas cette semaine alors qu’ils vendaient des tue-mouches la semaine dernière et finalement, le devoir de transiger avec ceux qui vendrait leur sort... Ah oui oubliais, la joie de célébrer avec les équatoriens trois victoires de leur équipe nationale contre le Brésil, le Pérou et le Paraguay, les rapprochant ainsi d’une participation si importante pour leur identité au Mondial 2006 en Allemagne. Par dessus tout, on aura pris le temps d’observer et de vraiment sentir le pouls d’un autre peuple.
Pascuales, elle, se lève tôt tous les matins. Il fait trop chaud pour y flâner au lit, trop chaud pour se lever d’ailleurs! Avril, c’est le fort mois de la pluie. Les rues et les terrains sont souvent inondés. C’est aussi la saison des grippes, du paludisme… Il y a eu cette saison plusieurs centaines de cas de dengue dont au moins une dizaine hémorragique (mortelle). On aura même eu peur pour notre grande Marie durant quelques jours. Fausse alerte heureusement!
C’est donc dans cette ville qu’on aura trouvé l’âme de notre voyage. Dans la marge d’un projet qu’on aura aidé à lancer; dans les rues qu’on aura marché pour y acheter ce qu’il fallait pour le projet (terre, bambous, outils, etc.), en traversant la vie de personnes qui ne l’ont pas facile. On aura eu la chance de pénétrer leur chez-soi en installant des jardins dans leur cour arrière, avec entre les jambes les poules, les chiens et les chats. De leur côté, les filles rapporteront aussi de précieux souvenir de l’école de ce village. Elles y seront entrées un peu à reculons au début. Mais, il fallait les voir danser le jour du départ durant la petite fête, organisée par leur enseignante en leur honneur, pour se rendre compte qu’on venait de réussir un volet important de notre voyage. Il n’y avait pas que les petites latino-américaines qui pleuraient à l’idée de se séparer peut-être pour toujours. Durant cette période, Victor et Mathilde auront également été aimés et dorlotés par des femmes aussi différentes et généreuses. Quels souvenirs conserveront-ils de ce passage en terre étrangère? On dit que l’odorat a une longue mémoire; leur petit nez, qui le plus souvent coulait, aura fouillé dans les coins les plus précieux.
Nous quitterons bientôt ce pays avec beaucoup de souvenirs heureux, avec un brin de tristesse aussi. Nous nous souviendrons d’un coin de terre d’une richesse et d’une diversité incroyable. Nous garderons encore trop de pourquoi quant aux causes de cette situation si difficile pour ses habitants. Notre choix d’élire l’Équateur comme pays principal de notre aventure aura été heureux; son climat, sa taille saisissable, ses habitants généreux nous auront permis comprendre un peu mieux notre monde et nos frères qui y habitent.
Passages d'avril
Tous les jours je vous parle et vous écris en pensée, vous racontant ce que l’on voit, entend et perçoit. Mais voilà bien peu se rend jusqu’à vous. Le temps! Ce fichu temps qui inhibe même et surtout nos bonnes intentions.
Quelques paragraphes pour vous parler de ce mois d’avril et pourtant, tant resterait à dire.
Première semaine d’avril
Ce fut une grosse semaine remplie d’émotions et de grosses gouttes de sueur. Ici on côtoie la chaleur, de 36 à 40 degrés, ensoleillé ou nuageux peu importe il fait toujours chaud! Seule la pluie réussit à influencer le thermomètre, alors on la célèbre quand elle vient. Mais pas partout car des inondations détruisent des demeures, des écoles, des villages, et des routes plus au nord (Manabi).
Lundi dernier, était jour d’entrée scolaire dans les villes côtières du pays. Tout comme chez nous, la frénésie de ce jour spécial animait enfants, parents et professeurs. Pascuales, la ville où nous travaillons avec les sœurs de la Miséricorde ne faisait pas exception. L’école San Juan Batista recevait ses petits et grands. L’accueil se faisait à l’extérieur dans la cour. Les enfants, tous en uniforme placés en rang et entourés des parents écoutaient respectueusement le mot d’entrée de la directrice, Senora Norma, même malgré la pluie, un évanouissement et les pleurs de Florence. Après le chant national, les enfants sont entrés dans leur petite classe sombre. Seule la peau et les cheveux pâles des deux petites canadiennes démarquaient des groupes uniformes. Elles portaient aussi le costume; chemise blanche et jupe à carreaux.
Le ciment fissuré, le toit de tôle à plusieurs endroits percés, le tableau défraîchi et les petits pupitres doubles en bois qui portaient les traces des anciens recevaient malgré tout joyeusement leurs protégés. D’un côté, le mur ajouré en guise de fenêtres où le bruit des véhicules de la rue éteignait la voix du professeur et des élèves qui tentaient de se présenter. Florence et Marie sur le même banc, dépassaient d’une tête ou deux les compagnes et compagnons de la classe de quatrième année. Rosa Maria, l’enseignante, une gentille dame menue et dynamique égayait les élèves par des chants et des jeux. Tous souriaient même Florence. Il était donc temps pour moi de les laisser entre bonnes mains.
Sur le petit chemin de terre, j’ai croisé Sœur Céline qui travaille au dispensaire avec une femme médecin, puis Robert le chauffeur et l’homme à tout faire du centre des femmes Madre Rosalia dans la camionnette rouge qui m’a emmenée au centre. On entendait encore les pleurs de Mathilde à la petite école. Tous les matins pourtant elle demande à voir ses amis. Mais une fois rendue elle aimerait reculer et rester blottie dans nos bras. Son petit chat gris et son biberon l’aident à traverser la porte. Les monitrices sont si gentilles. Elles la câlinent et la chouchoutent!
Victor lui rentre confiant et retrouve son groupe. Son copain à lui c’est Bryan qu’il a longtemps appelé « celui qui rit toujours » puis Piaya jusqu’à ce qu’on s’informe de la vraie identité du petit bonhomme aux sourires. A la maison, il chantonne souvent les chansons de la petite école et alors Mathilde le suit dans ce dialecte qu’eux seuls comprennent. Ils sont complices et rieurs.
Yves et moi, s’attablons avec Jacqueline et Wilma pour poursuivre la planification et toute la paperasse pour mettre en œuvre le projet de jardins en boîte. Elles aiment moins! Une fois dehors les deux mains dans la terre ou à scier le bambou elles sont rieuses et plus décontractes malgré la sueur qui transperce nos vêtements.
A côté du centre, on vient d`acquérir un petit terrain et une maisonnette de briques, ce qui deviendra le patio modèle. Vite tout se met en branle, la main d’œuvre ne manque pas, pour « reniper » ce lopin de terre piteux; trois camions de terre et de roches, clôture de bambou, jardins en boîte, semis, arbustes, peinture de la maison et décoration par des dessins d’enfants.
Le projet pilote est en branle. On ira installer les jardins dans les semaines prochaines, mais avant quelques rencontres sont fixées pour sensibiliser les femmes et donner l’information nécessaire.
Puis c’est le retour à la maison dans cette chaleur accablante. Après le dîner, l’école se poursuit cette fois en français. Ça fait de longues journées! Mais quand on n’est pas trop claqués, il y a un parc pas loin que les enfants aiment bien pour jouer au foot, pousser les balançoires, tenir les petits singes aux bras tendus aux échelles et profiter des fins de journées équatoriennes avec les autres parents et petits copains.
Seconde semaine d’avril
Semaine de haute fièvre pour tous les enfants Poiré-Bleau, un à la suite de l’autre. Déjà qu’il fait chaud, le thermomètre monte plus rapidement. Ici les fièvres ne sont pas prises à la légère surtout que de nombreux cas de dengue ont été rapportés dans la région ces dernières semaines. Le médecin de Pascuales a vu les enfants et des examens sanguins ont été faits, rien à signaler pour l’instant! Que deux plus petites journées sans école espagnole. Florence s’en réjouit malgré ses joues rouges et petits yeux vitreux.
Le virus a vite passé et les disputes entre frèrot et soeurettes ont vite repris! La vie de famille bien dynamique, quoi!
Et tout reprend son cours normal. Départ précipité de la maison tôt le matin avec les trop nombreux sacs et toutous. Puis on compte une demie heure pour se rendre à Pascuales croisant ces énormes centres d’achat chics et de bon goût, ces hauts édifices, ces chauffeurs dangereux, ces quêteurs et vendeurs au coin des rues, puis enfin la simplicité du pueblo de Pascuales nous ouvre son chemin de terre et les gens qui le bordent nous permettent de laisser sortir un dernier soupir de stress.
Toutefois la pauvreté des gens d’ici, leurs petites maisons de bambou nichées et leurs chemins inondés d’eau et de boue nous laissent pensifs, questionnés et si découragés pour eux. Tant d’injustices se côtoient à si peu de km de distance. C’est bien à Guayaquil qu’on l’aura le plus ressentie et perçue, cette injustice sociale. On comprend presque les gens de baisser les bras et d’attendre…
Le temps passe si vite… fin avril
Les quinze familles du projet pilote ont déjà leur jardin en bambou installé. C’est vraiment un procédé génial. En moins de quinze minutes, à quatre on montait la boîte de bambou déjà taillé à l’avance, qu’importe le lieu ; dans un poulailler (les poules étant gardées à l’extérieur), entre un palmier et un bananier, à travers les petites culottes et soutien-gorge de madame, et toute la brassée encore dégoulinante étalée sur de la broche), sur des briques et même dans de la merde à chien (Yves vous en parlera!). On a ainsi visité plusieurs quartiers de Pascuales. La pauvreté et le sourire des gens s’y mêlaient. Les rues boueuses, les vidanges étalées, les chiens partout et toutes ces joyeuses cordes à linge meublaient le décor de nos matinées.
De retour, les pinceaux devenaient alors mes outils de travail afin de réaliser les murales du patio modèle. Puis, assise avec les femmes, on remplissait de petits sacs pour les semis et on placotait. Plus on s’approche d’eux et plus on touche de près à leurs blessures et leurs cicatrices. Ainsi encore plus d’injustice, d’inégalité, de désespoir, de trahison et d’autres blessures m’étaient contés.
A l’école, Marie et Florence sont heureuses. Elles ont leurs copines qui les attendent pour sauter à la corde et leurs cahiers déjà bien remplis, n’ayant pas de livre tout doit être écrit.
Les petits aussi rentrent et s’amusent avec leurs copains et les maigres jouets effilochés. Ils chantonnent beaucoup. C’est joyeux de les voir à la queue leu leu, deux petits blonds dans un petit train tout noir grouillant de vie.
Et comme tout allait si bien, le temps du départ nous surprend tous. Les aurevoirs se font joyeux et tristes à la fois. Ma Marie entourée de cinq copines suspendues à elle pleuraient toutes comme des Madeleine. Florence si heureuse de son nouveau chandail de l’Équateur offert gentiment par la directrice se contente d’accolades amicales. Ils leurs ont fait une fête d’adieu. Tous dansaient avec la grosse chique de gomme à la bouche ou le suçon coloré. Garçons et filles sont vraiment doués à la danse. Ainsi les rires et les taquineries complices avaient devancé les larmes d’adieu.
A la petite garderie, les enfants ont fait une petite représentation de comptines et de chansonnettes. Des cartes, des câlins, des photos et tout plein de bisous humides.
Puis ce fut le grand repas d’adieu avec les religieuses et les employés. Sœur Jeannine nous avait concocté avec Cointa un formidable buffet aux accents québécois. Les enfants ont chanté "Andar con migo" de Julieta Venega, une mexicaine, même la Mathilde chantait! Puis se fut à notre tour de rendre notre petit discours espagnol après celui si chaleureux de Sœur jeannine. Puis ce fut un au revoir moins tristounet cette fois car on savait qu’on se reverrait après notre expédition des Galápagos.
Demeurait un étrange sentiment d’abandon. On laissait des gens, des amis dans des situations difficiles, dans toute cette vulnérabilité qui les habitait, dans toute cette injustice et ce désordre social … Un peu comme lors du départ brusqué du Rwanda, moins tragique bien sûr, mais avec la même impression de lâcheté et d’impuissance.
Les conditions difficiles de leur système d’éducation m’ont vraiment préoccupée durant ce séjour en Équateur. Tout en comprenant qu’il devrait être le cheval de bataille des prochains gouvernements, j’ai demandé à Sœur Jeannine s’il y avait un moyen d’aider dans ce sens. Elles organisent déjà un projet de parrainage scolaire, de la petite école à l’université. Elles ont une banque de nom de jeunes défavorisés qui sans bourse d’études ne peuvent aller à l’école. Il y a de ces projets humanitaires en qui l’on peut faire confiance, tout va directement à l’école, donc à l’enfant qui un jour deviendra grand et aura en main les atouts pour faire changer les choses. Je lui ai dit qu’on en parlerait à nos amis.
Quelques paragraphes pour vous parler de ce mois d’avril et pourtant, tant resterait à dire.
Première semaine d’avril
Ce fut une grosse semaine remplie d’émotions et de grosses gouttes de sueur. Ici on côtoie la chaleur, de 36 à 40 degrés, ensoleillé ou nuageux peu importe il fait toujours chaud! Seule la pluie réussit à influencer le thermomètre, alors on la célèbre quand elle vient. Mais pas partout car des inondations détruisent des demeures, des écoles, des villages, et des routes plus au nord (Manabi).
Lundi dernier, était jour d’entrée scolaire dans les villes côtières du pays. Tout comme chez nous, la frénésie de ce jour spécial animait enfants, parents et professeurs. Pascuales, la ville où nous travaillons avec les sœurs de la Miséricorde ne faisait pas exception. L’école San Juan Batista recevait ses petits et grands. L’accueil se faisait à l’extérieur dans la cour. Les enfants, tous en uniforme placés en rang et entourés des parents écoutaient respectueusement le mot d’entrée de la directrice, Senora Norma, même malgré la pluie, un évanouissement et les pleurs de Florence. Après le chant national, les enfants sont entrés dans leur petite classe sombre. Seule la peau et les cheveux pâles des deux petites canadiennes démarquaient des groupes uniformes. Elles portaient aussi le costume; chemise blanche et jupe à carreaux.
Le ciment fissuré, le toit de tôle à plusieurs endroits percés, le tableau défraîchi et les petits pupitres doubles en bois qui portaient les traces des anciens recevaient malgré tout joyeusement leurs protégés. D’un côté, le mur ajouré en guise de fenêtres où le bruit des véhicules de la rue éteignait la voix du professeur et des élèves qui tentaient de se présenter. Florence et Marie sur le même banc, dépassaient d’une tête ou deux les compagnes et compagnons de la classe de quatrième année. Rosa Maria, l’enseignante, une gentille dame menue et dynamique égayait les élèves par des chants et des jeux. Tous souriaient même Florence. Il était donc temps pour moi de les laisser entre bonnes mains.
Sur le petit chemin de terre, j’ai croisé Sœur Céline qui travaille au dispensaire avec une femme médecin, puis Robert le chauffeur et l’homme à tout faire du centre des femmes Madre Rosalia dans la camionnette rouge qui m’a emmenée au centre. On entendait encore les pleurs de Mathilde à la petite école. Tous les matins pourtant elle demande à voir ses amis. Mais une fois rendue elle aimerait reculer et rester blottie dans nos bras. Son petit chat gris et son biberon l’aident à traverser la porte. Les monitrices sont si gentilles. Elles la câlinent et la chouchoutent!
Victor lui rentre confiant et retrouve son groupe. Son copain à lui c’est Bryan qu’il a longtemps appelé « celui qui rit toujours » puis Piaya jusqu’à ce qu’on s’informe de la vraie identité du petit bonhomme aux sourires. A la maison, il chantonne souvent les chansons de la petite école et alors Mathilde le suit dans ce dialecte qu’eux seuls comprennent. Ils sont complices et rieurs.
Yves et moi, s’attablons avec Jacqueline et Wilma pour poursuivre la planification et toute la paperasse pour mettre en œuvre le projet de jardins en boîte. Elles aiment moins! Une fois dehors les deux mains dans la terre ou à scier le bambou elles sont rieuses et plus décontractes malgré la sueur qui transperce nos vêtements.
A côté du centre, on vient d`acquérir un petit terrain et une maisonnette de briques, ce qui deviendra le patio modèle. Vite tout se met en branle, la main d’œuvre ne manque pas, pour « reniper » ce lopin de terre piteux; trois camions de terre et de roches, clôture de bambou, jardins en boîte, semis, arbustes, peinture de la maison et décoration par des dessins d’enfants.
Le projet pilote est en branle. On ira installer les jardins dans les semaines prochaines, mais avant quelques rencontres sont fixées pour sensibiliser les femmes et donner l’information nécessaire.
Puis c’est le retour à la maison dans cette chaleur accablante. Après le dîner, l’école se poursuit cette fois en français. Ça fait de longues journées! Mais quand on n’est pas trop claqués, il y a un parc pas loin que les enfants aiment bien pour jouer au foot, pousser les balançoires, tenir les petits singes aux bras tendus aux échelles et profiter des fins de journées équatoriennes avec les autres parents et petits copains.
Seconde semaine d’avril
Semaine de haute fièvre pour tous les enfants Poiré-Bleau, un à la suite de l’autre. Déjà qu’il fait chaud, le thermomètre monte plus rapidement. Ici les fièvres ne sont pas prises à la légère surtout que de nombreux cas de dengue ont été rapportés dans la région ces dernières semaines. Le médecin de Pascuales a vu les enfants et des examens sanguins ont été faits, rien à signaler pour l’instant! Que deux plus petites journées sans école espagnole. Florence s’en réjouit malgré ses joues rouges et petits yeux vitreux.
Le virus a vite passé et les disputes entre frèrot et soeurettes ont vite repris! La vie de famille bien dynamique, quoi!
Et tout reprend son cours normal. Départ précipité de la maison tôt le matin avec les trop nombreux sacs et toutous. Puis on compte une demie heure pour se rendre à Pascuales croisant ces énormes centres d’achat chics et de bon goût, ces hauts édifices, ces chauffeurs dangereux, ces quêteurs et vendeurs au coin des rues, puis enfin la simplicité du pueblo de Pascuales nous ouvre son chemin de terre et les gens qui le bordent nous permettent de laisser sortir un dernier soupir de stress.
Toutefois la pauvreté des gens d’ici, leurs petites maisons de bambou nichées et leurs chemins inondés d’eau et de boue nous laissent pensifs, questionnés et si découragés pour eux. Tant d’injustices se côtoient à si peu de km de distance. C’est bien à Guayaquil qu’on l’aura le plus ressentie et perçue, cette injustice sociale. On comprend presque les gens de baisser les bras et d’attendre…
Le temps passe si vite… fin avril
Les quinze familles du projet pilote ont déjà leur jardin en bambou installé. C’est vraiment un procédé génial. En moins de quinze minutes, à quatre on montait la boîte de bambou déjà taillé à l’avance, qu’importe le lieu ; dans un poulailler (les poules étant gardées à l’extérieur), entre un palmier et un bananier, à travers les petites culottes et soutien-gorge de madame, et toute la brassée encore dégoulinante étalée sur de la broche), sur des briques et même dans de la merde à chien (Yves vous en parlera!). On a ainsi visité plusieurs quartiers de Pascuales. La pauvreté et le sourire des gens s’y mêlaient. Les rues boueuses, les vidanges étalées, les chiens partout et toutes ces joyeuses cordes à linge meublaient le décor de nos matinées.
De retour, les pinceaux devenaient alors mes outils de travail afin de réaliser les murales du patio modèle. Puis, assise avec les femmes, on remplissait de petits sacs pour les semis et on placotait. Plus on s’approche d’eux et plus on touche de près à leurs blessures et leurs cicatrices. Ainsi encore plus d’injustice, d’inégalité, de désespoir, de trahison et d’autres blessures m’étaient contés.
A l’école, Marie et Florence sont heureuses. Elles ont leurs copines qui les attendent pour sauter à la corde et leurs cahiers déjà bien remplis, n’ayant pas de livre tout doit être écrit.
Les petits aussi rentrent et s’amusent avec leurs copains et les maigres jouets effilochés. Ils chantonnent beaucoup. C’est joyeux de les voir à la queue leu leu, deux petits blonds dans un petit train tout noir grouillant de vie.
Et comme tout allait si bien, le temps du départ nous surprend tous. Les aurevoirs se font joyeux et tristes à la fois. Ma Marie entourée de cinq copines suspendues à elle pleuraient toutes comme des Madeleine. Florence si heureuse de son nouveau chandail de l’Équateur offert gentiment par la directrice se contente d’accolades amicales. Ils leurs ont fait une fête d’adieu. Tous dansaient avec la grosse chique de gomme à la bouche ou le suçon coloré. Garçons et filles sont vraiment doués à la danse. Ainsi les rires et les taquineries complices avaient devancé les larmes d’adieu.
A la petite garderie, les enfants ont fait une petite représentation de comptines et de chansonnettes. Des cartes, des câlins, des photos et tout plein de bisous humides.
Puis ce fut le grand repas d’adieu avec les religieuses et les employés. Sœur Jeannine nous avait concocté avec Cointa un formidable buffet aux accents québécois. Les enfants ont chanté "Andar con migo" de Julieta Venega, une mexicaine, même la Mathilde chantait! Puis se fut à notre tour de rendre notre petit discours espagnol après celui si chaleureux de Sœur jeannine. Puis ce fut un au revoir moins tristounet cette fois car on savait qu’on se reverrait après notre expédition des Galápagos.
Demeurait un étrange sentiment d’abandon. On laissait des gens, des amis dans des situations difficiles, dans toute cette vulnérabilité qui les habitait, dans toute cette injustice et ce désordre social … Un peu comme lors du départ brusqué du Rwanda, moins tragique bien sûr, mais avec la même impression de lâcheté et d’impuissance.
Les conditions difficiles de leur système d’éducation m’ont vraiment préoccupée durant ce séjour en Équateur. Tout en comprenant qu’il devrait être le cheval de bataille des prochains gouvernements, j’ai demandé à Sœur Jeannine s’il y avait un moyen d’aider dans ce sens. Elles organisent déjà un projet de parrainage scolaire, de la petite école à l’université. Elles ont une banque de nom de jeunes défavorisés qui sans bourse d’études ne peuvent aller à l’école. Il y a de ces projets humanitaires en qui l’on peut faire confiance, tout va directement à l’école, donc à l’enfant qui un jour deviendra grand et aura en main les atouts pour faire changer les choses. Je lui ai dit qu’on en parlerait à nos amis.
8.4.05
Nos photos de mars…
Guayaquil, la chaude! 

Notre cinquième mois de voyage est déjà derrière nous… Le temps file ici aussi vite qu’à la maison… Les grands-parents sont repartis essoufflés et heureux de leur voyage en Équateur… On se plait à l’appartement bien climatisé. Guayaquil est plus chaude qu’on est capable de l’écrire. Heureusement, la mer nous rafraîchit les week-ends… Le travail et l’école nous rappellent les petits tracas de la vie normale…
Et j'oubliais... Une fâcheuse situation automobile! Quelques photos dédiées aux amateurs de chroniques automobiles (drôles a posteriori)
Pour voir nos photos, cliquez sur le titre du post ou sur « Photo de mars » dans la section des liens (marge plus bas à gauche).
Lafamilleenequateur


Notre cinquième mois de voyage est déjà derrière nous… Le temps file ici aussi vite qu’à la maison… Les grands-parents sont repartis essoufflés et heureux de leur voyage en Équateur… On se plait à l’appartement bien climatisé. Guayaquil est plus chaude qu’on est capable de l’écrire. Heureusement, la mer nous rafraîchit les week-ends… Le travail et l’école nous rappellent les petits tracas de la vie normale…
Et j'oubliais... Une fâcheuse situation automobile! Quelques photos dédiées aux amateurs de chroniques automobiles (drôles a posteriori)
Pour voir nos photos, cliquez sur le titre du post ou sur « Photo de mars » dans la section des liens (marge plus bas à gauche).
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A beau mentir qui écrit d’aussi loin!
Poisson d'avril! 

Hé oui, avec une très longue ligne à pêche, et une histoire à demie crédible, nous avons pêché de nombreux poissons le premier avril dernier. D’accord, c’était plutôt facile; D’aussi loin, l’odeur du poisson est moins forte… Ceux qui se sont fait prendre avaient de bonnes excuses. La meilleure : vous n’avez pas lu ce post le jour du premier avril. Certains diront même, c’est quoi un poisson d’avril. Et qui, de toute façon, porte attention aux dates de publication situées juste au-dessus des titres?
Pourtant, depuis quand une manifestation de pêcheurs peut-elle faire tomber un régime politique? Non, nous n’avons pas eu à nous dépêcher cette nuit-là. Pas non plus de filets qui se sont tendus sur notre fictive route vers le Pérou… Les pêcheurs qui chantaient sur le bord des routes ne criaient pas leur joie face au départ de Lengado (Sole) Gutierrez. Désolé, mais les Sœurs ne se sont jamais rendues à Mero (autre poisson très consommé ici). Malheureusement l’Équateur n’est toujours pas dirigé par une dénommée Sra Concha Camarones (Coquille de Crevettes). Et finalement, nous n’avons pas mangé de la délicieuse céviche (plat de poisson célèbre au Pérou) d’Alberto. Mais je vous jure, tout le reste était vrai. Enfin presque!
Voilà! Il y a déjà quelques jours que je voulais déprendre ce poisson de l’hameçon qui vous a piqué, certains plus que d’autres. Le serveur de blogue était inaccessible depuis quelques jours. En retard, je m’excuse donc formellement ici auprès d’au moins trois mères; premièrement à la mienne qui a passé une très mauvaise nuit (elle ne m’a pas encore complètement renié), ensuite à ma belle-mère qui s’est fait prendre jusqu’au milieu du coup de fil qu’elle nous a passé dimanche dernier (c’est pour les rassurer rapidement que je laissais savoir que mon téléphone fonctionnait) et finalement à la Mère Supérieure de la congrégation des Sœurs de la Miséricorde jusqu’à qui s’est rendue la fausse nouvelle (heureusement que j’avais averti dimanche les sœurs du sujet de mon dernier post). Désolé aussi pour ceux qui ont pu s’en faire quelques secondes. Estaba una broma!
Malheureusement, je finirai en vous disant que le pays traverse actuellement une crise politique. Ce n'est pas sa première, ni sûrement sa dernière. Le président actuel ainsi que le chef de la cour suprême du pays sont actuellement très contestés, et ce, depuis plusieurs mois. Rappelons que plus de trois présidents ont été chassés du pouvoir durant la dernière décennie (toujours pacifiquement). La situation a empiré la semaine dernière lorsque la cour suprême a annulé les nombreuses accusations qui pesaient contre trois anciens présidents ou vice-présidents en exil. Depuis, ces derniers sont déjà revenus et contribuent à générer un mauvais climat politique malheureusement néfaste aux habitants de ce pays. Hier à Quito, il y a eu des manifestations. Pour le 12 avril prochain, le préfet de la Province de Pichincha (Quito) ainsi que le maire de Quito ont appelé les citoyens à manifester; les entreprises et les organismes gouvernementaux pourraient donc être paralysés. Les routes et l'aéroport seraient, semble t-il, également fermés. Après le 12, on ne sait trop ce qui adviendra.
Ok. Je cesse de parler de corruption, de mauvais gouvernements et de situations politiques sans avenir… Ce n’est pas très exotique au Canada par les temps qui courent. De plus, je sens que je mettrais l’assiduité de nos amis-lecteurs à risque.
A bientôt
Lafamillerestéeenequateur


Hé oui, avec une très longue ligne à pêche, et une histoire à demie crédible, nous avons pêché de nombreux poissons le premier avril dernier. D’accord, c’était plutôt facile; D’aussi loin, l’odeur du poisson est moins forte… Ceux qui se sont fait prendre avaient de bonnes excuses. La meilleure : vous n’avez pas lu ce post le jour du premier avril. Certains diront même, c’est quoi un poisson d’avril. Et qui, de toute façon, porte attention aux dates de publication situées juste au-dessus des titres?
Pourtant, depuis quand une manifestation de pêcheurs peut-elle faire tomber un régime politique? Non, nous n’avons pas eu à nous dépêcher cette nuit-là. Pas non plus de filets qui se sont tendus sur notre fictive route vers le Pérou… Les pêcheurs qui chantaient sur le bord des routes ne criaient pas leur joie face au départ de Lengado (Sole) Gutierrez. Désolé, mais les Sœurs ne se sont jamais rendues à Mero (autre poisson très consommé ici). Malheureusement l’Équateur n’est toujours pas dirigé par une dénommée Sra Concha Camarones (Coquille de Crevettes). Et finalement, nous n’avons pas mangé de la délicieuse céviche (plat de poisson célèbre au Pérou) d’Alberto. Mais je vous jure, tout le reste était vrai. Enfin presque!
Voilà! Il y a déjà quelques jours que je voulais déprendre ce poisson de l’hameçon qui vous a piqué, certains plus que d’autres. Le serveur de blogue était inaccessible depuis quelques jours. En retard, je m’excuse donc formellement ici auprès d’au moins trois mères; premièrement à la mienne qui a passé une très mauvaise nuit (elle ne m’a pas encore complètement renié), ensuite à ma belle-mère qui s’est fait prendre jusqu’au milieu du coup de fil qu’elle nous a passé dimanche dernier (c’est pour les rassurer rapidement que je laissais savoir que mon téléphone fonctionnait) et finalement à la Mère Supérieure de la congrégation des Sœurs de la Miséricorde jusqu’à qui s’est rendue la fausse nouvelle (heureusement que j’avais averti dimanche les sœurs du sujet de mon dernier post). Désolé aussi pour ceux qui ont pu s’en faire quelques secondes. Estaba una broma!
Malheureusement, je finirai en vous disant que le pays traverse actuellement une crise politique. Ce n'est pas sa première, ni sûrement sa dernière. Le président actuel ainsi que le chef de la cour suprême du pays sont actuellement très contestés, et ce, depuis plusieurs mois. Rappelons que plus de trois présidents ont été chassés du pouvoir durant la dernière décennie (toujours pacifiquement). La situation a empiré la semaine dernière lorsque la cour suprême a annulé les nombreuses accusations qui pesaient contre trois anciens présidents ou vice-présidents en exil. Depuis, ces derniers sont déjà revenus et contribuent à générer un mauvais climat politique malheureusement néfaste aux habitants de ce pays. Hier à Quito, il y a eu des manifestations. Pour le 12 avril prochain, le préfet de la Province de Pichincha (Quito) ainsi que le maire de Quito ont appelé les citoyens à manifester; les entreprises et les organismes gouvernementaux pourraient donc être paralysés. Les routes et l'aéroport seraient, semble t-il, également fermés. Après le 12, on ne sait trop ce qui adviendra.
Ok. Je cesse de parler de corruption, de mauvais gouvernements et de situations politiques sans avenir… Ce n’est pas très exotique au Canada par les temps qui courent. De plus, je sens que je mettrais l’assiduité de nos amis-lecteurs à risque.
A bientôt
Lafamillerestéeenequateur
1.4.05
Sortie d’urgence côté Pérou
Durant la nuit dernière, environ vers 4h, nous avons reçu l’appel de Sœur Jeannine. On pouvait s’y en attendre un peu, mais jamais aussi rapidement. Bien sûr, le pouvoir du Président de l’Équateur était en péril depuis quelques semaines; les marches de protestation se succédaient. Après Guayaquil et Quito, c’était au tour des habitants de Cuenca de prendre la rue avant-hier. Il semble par contre que ce soit les foules du Manabi, notamment les pêcheurs de la côte qui aient réussi à provoquer la fuite du président, tard hier en soirée.
« Yves, il faut partir vers la plus proche frontière. Je viens de recevoir l’appel du consul canadien, le pays traverse une crise et il y a de potentielles violences, surtout à Guayaquil. Ce dernier nous conseille fortement de joindre le convoi de canadiens qui prend la route vers Tumbes, au Pérou. Rien de grave semble t-il! Mais, vaut mieux être prudents » Sœur Jeannine venait donc de me réveiller brusquement. « Merde, il faut vraiment quitter vers le Pérou » dis-je à Geneviève, inquiète à côté de moi. » Dépêchons-nous!
Deux heures plus tard, alors que le soleil venait à peine de se lever, sont arrivées les sœurs dans leur petite voiture rouge. Robert, leur chauffeur,était au volant. Avec elles se trouvaient trois autres voitures, toutes pleines d’autres expatriés. Notre voiture était déjà chargée de l’essentiel. L’habitude de faire les valises aussi souvent nous aura bien servi ce matin. Quand même, un peu d’angoisse nous habitait au moment de quitter l'appartement. Après deux arrêts, pour que se joignent au convoi d’autres voitures nous sommes sortis de Guayaquil vers le Sud : Direction Pérou. Le consul faisait parti du groupe. Il avait avec lui un fax envoyé de Quito par l’ambassadeur canadien; un genre de sauf-conduit qui allait nous faciliter la vie aux douanes.
Les enfants étaient tiraillés entre l’excitation de vivre un film d’aventure et une certaine peur de ce qu’ils comprenaient de la situation. Notre explication optimiste de ce qu’est un coup d’état ne les avait visiblement pas tout à fait rassuré. Nous avions 5 heures de route à faire avant de quitter le pays. Les dernières nouvelles faisaient état d’un calme relatif. Certains barrages allaient devoir être traversés, mais avec le drapeau canadien bien en vue, sur la première voiture du convoi, peu de problèmes étaient à prévoir, nous disait-on. Heureusement, tout c’est bien passé, tellement bien qu’on questionnait la pertinence de fuir comme ça, presque en peureux! Nous avons croisé, durant le voyage, au moins une dizaine de petites manifestations, toutes scandant la joie causée par le départ de Lengado Gutierrez, le président déchu (Il s’agit du troisième en moins de cinq ans qui se fait ainsi sortir). "Quelle chance nous avons eue de passer aussi facilement", disait le consul du côté péruvien de la frontière; aucun des groupes rencontrés n’aura hésité à baisser les filets dont ils se servaient pour bloquer les routes.
Incroyable! Nous voilà donc de retour au pays des Incas, à Mancora juste au bord de la mer; sains et saufs dans la maison que nous connaissons si bien, pour l’avoir louée au mois de février. Marlène et Alberto nous ont accueillis avec autant de surprises que de gentillesse. Les sœurs, elles, et le reste du convoi canadien se sont arrêtés à Mero près de Tumbes, une heure de route avant nous, à la plus importante ville du nord du Pérou. Elles s’y sentaient plus en confiance.
Encore un peu sous le choc, je suis au village de Mancora; pour acheter ce qu’il faut pour souper et pour mieux comprendre la situation (nous n’avons pas de téléphone, ni de télé à la maison). Il me fallait des nouvelles! Malheureusement, rien sur le coup d’état n’est paru dans les journaux péruviens. Sur le Web, je viens également de faire le tour des sites de nouvelles (les journaux équatoriens ne sont pas parus, même pas El Corvina, le plus grand journal), très peu d’informations sur le sujet. Toute l’attention semble braquée sur la situation précaire du Pape. Avec le peu de temps que j’ai eu, j’ai quand même réussi à trouver ces brides d’informations : Le changement de garde en Équateur semble s’être passé en douceur (pas étonnant, ils sont très pacifiques). Je ne suis pas certain, mais il semble qu’une femme, dénommée Sra Concha Camaron, soit désormais à la tête du pays. Autre rumeur qui devrait attirer l’attention des médias mondiaux : le récent gouvernement aurait suspendu toutes ventes ou livraison de pétrole (l’équateur est un important exportateur). Il semble que la nouvelle première ministre veuille revoir fortement à la hausse les royautés sur l’or noir de son pays. On parle d’un virage à gauche dans la foulée de ceux réalisés au Brésil et au Venezuela.
On saura demain matin en appelant le consul à Tumbes, ce qui adviendra de notre sort. Mais tout semble positif pour un retour rapide. Voilà, je tenais à vous donner des nouvelles avant que vous ne les appreniez dans les médias. Pas d’inquiétude à avoir, la preuve : Marie et moi partons au quai de Mancora acheter du poisson frais pour la délicieuse céviche qu’Alberto est en train de nous préparer. Quand j’ai laissé Geneviève, elle était dans la mer avec Florence et Victor. Mathilde dormait paisiblement dans les bras de Marlène. En passant, mon cellulaire fonctionne dans la région nord du Pérou.
On vous donne rapidement des nouvelles.
Quelle journée!!!
lafamilleenequateur
« Yves, il faut partir vers la plus proche frontière. Je viens de recevoir l’appel du consul canadien, le pays traverse une crise et il y a de potentielles violences, surtout à Guayaquil. Ce dernier nous conseille fortement de joindre le convoi de canadiens qui prend la route vers Tumbes, au Pérou. Rien de grave semble t-il! Mais, vaut mieux être prudents » Sœur Jeannine venait donc de me réveiller brusquement. « Merde, il faut vraiment quitter vers le Pérou » dis-je à Geneviève, inquiète à côté de moi. » Dépêchons-nous!
Deux heures plus tard, alors que le soleil venait à peine de se lever, sont arrivées les sœurs dans leur petite voiture rouge. Robert, leur chauffeur,était au volant. Avec elles se trouvaient trois autres voitures, toutes pleines d’autres expatriés. Notre voiture était déjà chargée de l’essentiel. L’habitude de faire les valises aussi souvent nous aura bien servi ce matin. Quand même, un peu d’angoisse nous habitait au moment de quitter l'appartement. Après deux arrêts, pour que se joignent au convoi d’autres voitures nous sommes sortis de Guayaquil vers le Sud : Direction Pérou. Le consul faisait parti du groupe. Il avait avec lui un fax envoyé de Quito par l’ambassadeur canadien; un genre de sauf-conduit qui allait nous faciliter la vie aux douanes.
Les enfants étaient tiraillés entre l’excitation de vivre un film d’aventure et une certaine peur de ce qu’ils comprenaient de la situation. Notre explication optimiste de ce qu’est un coup d’état ne les avait visiblement pas tout à fait rassuré. Nous avions 5 heures de route à faire avant de quitter le pays. Les dernières nouvelles faisaient état d’un calme relatif. Certains barrages allaient devoir être traversés, mais avec le drapeau canadien bien en vue, sur la première voiture du convoi, peu de problèmes étaient à prévoir, nous disait-on. Heureusement, tout c’est bien passé, tellement bien qu’on questionnait la pertinence de fuir comme ça, presque en peureux! Nous avons croisé, durant le voyage, au moins une dizaine de petites manifestations, toutes scandant la joie causée par le départ de Lengado Gutierrez, le président déchu (Il s’agit du troisième en moins de cinq ans qui se fait ainsi sortir). "Quelle chance nous avons eue de passer aussi facilement", disait le consul du côté péruvien de la frontière; aucun des groupes rencontrés n’aura hésité à baisser les filets dont ils se servaient pour bloquer les routes.
Incroyable! Nous voilà donc de retour au pays des Incas, à Mancora juste au bord de la mer; sains et saufs dans la maison que nous connaissons si bien, pour l’avoir louée au mois de février. Marlène et Alberto nous ont accueillis avec autant de surprises que de gentillesse. Les sœurs, elles, et le reste du convoi canadien se sont arrêtés à Mero près de Tumbes, une heure de route avant nous, à la plus importante ville du nord du Pérou. Elles s’y sentaient plus en confiance.
Encore un peu sous le choc, je suis au village de Mancora; pour acheter ce qu’il faut pour souper et pour mieux comprendre la situation (nous n’avons pas de téléphone, ni de télé à la maison). Il me fallait des nouvelles! Malheureusement, rien sur le coup d’état n’est paru dans les journaux péruviens. Sur le Web, je viens également de faire le tour des sites de nouvelles (les journaux équatoriens ne sont pas parus, même pas El Corvina, le plus grand journal), très peu d’informations sur le sujet. Toute l’attention semble braquée sur la situation précaire du Pape. Avec le peu de temps que j’ai eu, j’ai quand même réussi à trouver ces brides d’informations : Le changement de garde en Équateur semble s’être passé en douceur (pas étonnant, ils sont très pacifiques). Je ne suis pas certain, mais il semble qu’une femme, dénommée Sra Concha Camaron, soit désormais à la tête du pays. Autre rumeur qui devrait attirer l’attention des médias mondiaux : le récent gouvernement aurait suspendu toutes ventes ou livraison de pétrole (l’équateur est un important exportateur). Il semble que la nouvelle première ministre veuille revoir fortement à la hausse les royautés sur l’or noir de son pays. On parle d’un virage à gauche dans la foulée de ceux réalisés au Brésil et au Venezuela.
On saura demain matin en appelant le consul à Tumbes, ce qui adviendra de notre sort. Mais tout semble positif pour un retour rapide. Voilà, je tenais à vous donner des nouvelles avant que vous ne les appreniez dans les médias. Pas d’inquiétude à avoir, la preuve : Marie et moi partons au quai de Mancora acheter du poisson frais pour la délicieuse céviche qu’Alberto est en train de nous préparer. Quand j’ai laissé Geneviève, elle était dans la mer avec Florence et Victor. Mathilde dormait paisiblement dans les bras de Marlène. En passant, mon cellulaire fonctionne dans la région nord du Pérou.
On vous donne rapidement des nouvelles.
Quelle journée!!!
lafamilleenequateur
29.3.05
La dame de Sasquisili


Je vous ai vu ce matin-là,
Au marché de Saquisili,
On vous y voit chaque jeudi,
Vendant de la laine d’alpaca.
Couverte de tant d’épaisseurs
D’un vieux chapeau de feutre vert,
Vous étiez-la juste derrière,
L'endroit où l’on vend des couleurs.
Pourrais-je vous faire cet aveu?
La beauté est l’œuvre du temps.
J’ai pu le voir en remarquant,
Que vos rides conduisent à vos yeux.
Je voudrais tant savoir de vous,
De l’histoire, du sentier qui mènent,
Aux bêtes qui ont produit la laine,
De ma veste achetée quelques sous.
lafamilleenequateur
28.3.05
Les châteaux d'Alandaluz
Après un tour de ce magnifique Equateur avec les grands-parents Poiré à revoir la côte encore sauvage et déserte, les montagnes enveloppées de nuages, ces volcans à peine visibles, les marchés, leurs acteurs toujours aussi colorés ainsi que les amitiés de la Sierra, nous voilà rentrés à la maison de Guayaquil. Un chez nous pendant deux mois. On a eu la chance de trouver un appartement meublé pour un si court délai. Encore plus chanceux, de s'y sentir bien, surtout les enfants! Déjà petits voisins et voisines y entrent dans leur vie et s'y font un petit coin amical (sans trop de barrière de langue).
Premières semaines où tous les jours on se rend à Pascuales, pueblo à 20 min. au nord de Guayaquil, où des religieuses québécoises assez flyées (partir du couvent à 70 ans pour aller s'installer dans un quartier dur et pauvre de l'Equateur!) ont fondé un centre pour femmes et une garderie éducative pour leurs enfants. Yves et moi, travaillons à mettre sur pied avec la collaboration des femmes, un projet de jardins en boîtes de bambou pour les familles du village. Déjà Vilma et Jacqueline se joignent au projet, deux pionnières de jardins dans leur pueblo.
Mathilde et Victor participent aux activités de la garderie, tandis que Marie et Florence font l'école avec les manuels du Québec, en attendant l'entrée scolaire, le 4 avril prochain.
Cela nous fait tout drôle de réapprivoiser l'horaire, la stabilité, le quotidien. Ça déboussole aussi. Nous qui avions la boussole bien active ces derniers mois. On côtoie un certain vide malgré l'horaire. Nos journées ne sont plus remplies d'autant d'images, de paysages, d'odeurs, de gens, enfin de toutes ces richesses qu'apportent les voyages.
On croyait en être rassasié, au contraire ils nous manquent. Notre appétit de découvertes est encore plus gourmand.
C'est une autre richesse que nous aurons la chance de palper ici, encore plus humaine cette fois, le fait d`échanger de plus près, de partager leur culture et de jongler avec leurs mots et leurs accents chantant.
Toutefois dès qu'il est possible on s'évade vers un autre petit coin du pays. Il y a deux semaines, on longeait la côte du Pacifique, là où la mer chaude nous charme et nous surprend à la fois par ses vagues puissantes.
C'est à Alandaluz qu'on a jeté l'ancre. Site écotouristique où se marient une nature luxuriante et un habitat tout de bambou construit, s'harmonisant au calme et à la quiétude. La plage est déserte mis à part ces quelques architectes et maçons qui édifient des projets immobiliers d'envergure. Leur matière première: le sable. Ils font tout à la main. Travail de patience et de persévérance.
Ils nous invitent dans des cités tantôt d'influence Inca, espagnole, francaise ou encore tirées directement des contes de fées. Des châteaux se forment sous leurs petites mains, petites mains naïves et pleines d'espoir. Mais la mer, curieuse, les visite aussitôt et d'une vague moussante les rappelle à eux, sans autre forme de procès!
Qu'il est doux ce temps d'observer l'enfant, ce passionné de la vie, des petites choses et des menus plaisirs. De la fourmi qu'il suit discrètement, à la cigale qu'il contemple . Au sable chaud qu'il embrasse de tout son corps sans pudeur ni censure. À la fleur qu'il hume et aux cailloux qu'il collectionne. Je ne me lasse pas de l'admirer goûter ainsi à la vie, aux moments qui passent sans penser à hier, ni à demain, avec toute sa spontanéité et sa candeur. Il me nourrit, me gâte et me chavire.
N'est-ce pas finalement l'invitation au plus beau des voyages? Un voyage au coeur de l'enfance, fusion de la mienne et de la sienne!
Premières semaines où tous les jours on se rend à Pascuales, pueblo à 20 min. au nord de Guayaquil, où des religieuses québécoises assez flyées (partir du couvent à 70 ans pour aller s'installer dans un quartier dur et pauvre de l'Equateur!) ont fondé un centre pour femmes et une garderie éducative pour leurs enfants. Yves et moi, travaillons à mettre sur pied avec la collaboration des femmes, un projet de jardins en boîtes de bambou pour les familles du village. Déjà Vilma et Jacqueline se joignent au projet, deux pionnières de jardins dans leur pueblo.
Mathilde et Victor participent aux activités de la garderie, tandis que Marie et Florence font l'école avec les manuels du Québec, en attendant l'entrée scolaire, le 4 avril prochain.
Cela nous fait tout drôle de réapprivoiser l'horaire, la stabilité, le quotidien. Ça déboussole aussi. Nous qui avions la boussole bien active ces derniers mois. On côtoie un certain vide malgré l'horaire. Nos journées ne sont plus remplies d'autant d'images, de paysages, d'odeurs, de gens, enfin de toutes ces richesses qu'apportent les voyages.
On croyait en être rassasié, au contraire ils nous manquent. Notre appétit de découvertes est encore plus gourmand.
C'est une autre richesse que nous aurons la chance de palper ici, encore plus humaine cette fois, le fait d`échanger de plus près, de partager leur culture et de jongler avec leurs mots et leurs accents chantant.
Toutefois dès qu'il est possible on s'évade vers un autre petit coin du pays. Il y a deux semaines, on longeait la côte du Pacifique, là où la mer chaude nous charme et nous surprend à la fois par ses vagues puissantes.
C'est à Alandaluz qu'on a jeté l'ancre. Site écotouristique où se marient une nature luxuriante et un habitat tout de bambou construit, s'harmonisant au calme et à la quiétude. La plage est déserte mis à part ces quelques architectes et maçons qui édifient des projets immobiliers d'envergure. Leur matière première: le sable. Ils font tout à la main. Travail de patience et de persévérance.
Ils nous invitent dans des cités tantôt d'influence Inca, espagnole, francaise ou encore tirées directement des contes de fées. Des châteaux se forment sous leurs petites mains, petites mains naïves et pleines d'espoir. Mais la mer, curieuse, les visite aussitôt et d'une vague moussante les rappelle à eux, sans autre forme de procès!
Qu'il est doux ce temps d'observer l'enfant, ce passionné de la vie, des petites choses et des menus plaisirs. De la fourmi qu'il suit discrètement, à la cigale qu'il contemple . Au sable chaud qu'il embrasse de tout son corps sans pudeur ni censure. À la fleur qu'il hume et aux cailloux qu'il collectionne. Je ne me lasse pas de l'admirer goûter ainsi à la vie, aux moments qui passent sans penser à hier, ni à demain, avec toute sa spontanéité et sa candeur. Il me nourrit, me gâte et me chavire.
N'est-ce pas finalement l'invitation au plus beau des voyages? Un voyage au coeur de l'enfance, fusion de la mienne et de la sienne!
26.3.05
Les photos de février
Fin du voyage au Pérou. Vie d'appartement à Guayaquil et arrivée des grands-parents Poiré pour leur voyage en Équateur. Cliquez sur le titre du post pour voir les photos.
Lafamilleenequateur
Lafamilleenequateur
24.3.05
Oh la p’tite vie!
23 mars
Comme à la maison, je suis toujours le dernier à me sortir du lit, vers 7 heures environ. Ce matin Victor, lui, était tout habillé dès 6 heures. Les gars de cinq ans ont de ces enthousiasmes… Il faisait gris et encore quelques courants d’air frais dormaient avec moi. Debout paresseux. En sortant de la douche, ils étaient à table. Puis sont arrivées les crêpes (il n’y avait plus de pain). « Maman, elles sont comme au Canada! ». C’est plutôt le sirop d’érable apporté par les grands-parents qui est comme au Canada.
À table, une pensée pour Wilma me croise l’esprit (la femme qui travaille avec nous depuis deux semaines). Elle dirigera le projet après notre départ. Cette femme de notre âge probablement vit à « Bastion Popular », tout près de Pascuales au nord de Guayaquil, juste à côté de la misère sa voisine. Qu’a-t-elle pris au déjeuner? Durant le mien, je lis le grand titre de l’Universo: El feriado politico duro solo 3 horas (le congé férié politique n’aura duré que trois heures); Où est la page qui m’intéresse… Les nouvelles internationales : Un adepte d’Hitler, 17 ans, s’est tué après avoir abattu trop d’enfants dans une école américaine (encore!). La vie du pape est en péril. Ça me revient : 43% des catholiques au monde se trouvent en Amérique du Sud (2% seulement je crois dans celle du Nord). Y a-t-il un article sur la Bolivie? Je suis révolutionnaire bolivien ces jours-ci… Facile à distance. Ah oui : Le Washington Post constate que la démocratie de l’Amérique est menacée par les soulèvements actuels en Bolivie (conflit sur l’exode des profits du gaz naturel). Le journal prétend qu’ils sont soutenus par des partis socialistes de gauche. Hugo Chavez est sans doute lié ajoute l’administration Bush (Toute l’Amérique n’aime pas le président Vénézuelien ces jours-ci). Bon, le temps file. À huit heures il faut être dans l’auto.
En route, les Cowboys fringants très fort finissent de me réveiller. Jusqu’à Mathilde qui chante. « Regardez, il fait 33 degrés sur ce panneau ». La conduite est toujours aussi folle; 15 minutes jusqu’au boulot. À chaque fois que nous tournons le dernier coin qui donne sur la rue de terre menant centre, je repense à l’Afrique. Que devient le Rwanda? Gatagarra? Quelle place ont ces humains dans ma vie, 12 ans plus tard? Avec moins de naïveté et de temps, on vit beaucoup de sentiments similaires à ceux qui nous animaient là-bas. Au centre de femmes où nous travaillons, à la garderie les monitrices attendent Victor et Mathilde pour 8h30. En sortant de la voiture, ce matin, les deux sont partis en courant. Victor vers ses chums et Mathilde en sens inverse; elle ne veut rien savoir. Armée de ses invincibles pleurs, elle réussira moins d’une demie heure plus tard à se faire sortir dans les bras de la Sœur qui dirige la garderie. Les grandes sont avec Daniela (22 ans) qui nous aide depuis quelques semaines avec les enfants; un appui pour ces deux élèves qui des jours se trouvent assises bien loin dans le fond de leur classe. Où sont les copines papa? Mais voilà! Le 4 avril, elles feront courageusement leur entrée à l’école primaire de Pascuales (très loin de Boucherville à tant de niveaux). Pour quatre semaines elles porteront le même costume que leurs prochaines amies de peaux couleur café. Les deux dans la même minuscule classe qu’elles ont visitée vendredi dernier (sans trop parler), sur le même banc. Quelle expérience de complicité me semble-il!
Entre-temps sœur Jeannine arrive. Avec son sourire et son petit mouchoir pour s’éponger le front. Bientôt 80, non pas des degrés ici, mais des années. Elle me raconte avec un sourire le burlesque épisode qui a fait jaser tout le pays aujourd’hui. C’est lié au grand titre du journal de ce matin. Le président s’est pointé à la télé hier soir vers 21h (mardi) pour décréter trois jours fériés (commençant le lendemain)!!! Malheureusement, la joie des travailleurs et de l’industrie du tourisme n’aura duré que trois heures. Suite aux pressions des maires de Quito, de Guayaquil et de Cuenca ainsi que de l’association des banquiers et d’autres gros bonnets qui ont appelé à boycotter le joyeux (des)ordre du président, le frère de ce dernier (Y a pas qu’aux USA où des familles entières sont au pouvoir) a annoncé que le gouvernement se rétractait. Tout le monde était donc au poste avec nous ce matin.
On est en planification; document descriptif, plan de projet, budget (5K$ pour un an!!!) Wilma trouve ça difficile. Ce qu’elle aime ce sont les plantes, les jardins, les autres femmes qu’elle veut aider. Et voilà qu’on l’attache à des concepts nord-américains de critères de succès, d’objectifs etc. Et Genou et moi qui essayons de la motiver en espagnol! Puis un fou rire quand Marie me corrige « Papa, c’est pas comme ça qu’on dit ». Durant tout l’avant-midi défilent les femmes qui viennent au centre chercher un prêt de 100$ qu’elles remettront à coup de 10$. Bientôt elles prendront des cours pour apprendre à semer un potager organique et viendront chercher les boîtes que le projet aura fabriquées avec elle. Si tout va bien, 100 femmes dans l’année vont payer trois dollars pour ce système ingénieux de jardin en caisse de bambou qu’elles coinceront dans leur cour.
Midi, il faut partir. Aujourd’hui, contrairement à l’habitude, je dois revenir durant l’après-midi. On fait un cadeau au projet. Geneviève et moi avons fait fabriquer une première boîte pour l’exposer rapidement au centre. Je reviendrai donc à Pascuales pour emprunter le pick-up de l’oncle de Robert (le chauffeur des sœurs). Nous irons ensembles chercher les boîtes, la terres, les plantes, etc. Victor et moi allons laisser les filles à l’appartement. « Pas le temps d’entrer, on va prendre une bouchée en chemin »; prétexte pour passer du temps de gars au Burger King. Pendant que mon précieux fils mange son sandwich, moi je savoure chaque goutte de temps que j’ai avec lui.De retour à une heure top à Pascuales. Ah oui, en passant devant le même panneau que ce matin, c’était 42 degrés.
Nous allions chercher les boîtes vers Samborondon; une des banlieues très riches de Guayaquil. 15 minutes de route à longer des complexes de types « gate-cities ». À la vue de la première, on trouve les couleurs pastel jolies, les toits de tuiles, les fontaines, les arbres taillés. Puis tiens, une plus grande, toute aussi gardée. Celle-ci a même son église! Ces gens-là prient dans la propreté ma foi. Puis, trop de couleur pêche ou de rose pâle, ça finit par lever le cœur. Tous ces gardiens qui protègent de l’argent qui tremblent de peur. Ça sent l’injustice. Wilma gagnera peut-être 1500$ cette année. Si elle est chanceuse. Elle m’a demandé si les écarts entre les pauvres et les riches étaient aussi grands au Canada. Eh…
Longue journée! Vers 4 heures Victor et moi sommes rentrés à la maison. Florence et Marie travaillaient bien avec Geneviève.Mathilde dormait encore, fatiguée de son expérience matinale. Je crois qu’en se réveillant, elle avait encore ces spasmes qu’ont les enfants après avoir trop longtemps pleuré. Vous savez ces trois prises d’air saccadées, suivies d'un long soupir qui tue l'angoisse…
Avec raison, les filles voulaient sortir. Il nous fallait une piscine pour se dégourdir et se rafraîchir.. Manquant de ressource, nous avons fini par plonger dans celle de l’Hôtel Oro Verde (5 étoiles) sur le toit de Guayaquil. Jumelée à un Spa, le coût d’entrée était de 18$ par personne. Oui, oui, pour la session! Inutile de vous dire qu’on a trouvé moyen de ne pas payer.
Voilà, Genou et les enfants sont couchés. Bientôt 1h am. Je vais les rejoindre. Il y a longtemps que ma souris fuyait notre blogue. J’avais pourtant reçu beaucoup de commentaires gentils à propos de mon dernier post sur Edwin. Je crois que ses silences m’auront appelé plus que je ne le croyais.
Après 5 mois d’aventure, la sédentarité et l’ordinaire nous rattrapent donc. « André, ça y est! Je crois que je suis rendu au moment de faire le test : je vais enfin trouver le temps de voir si après la vaisselle, sous la ligne de l’équateur, l’eau s’écoule vraiment à l’envers dans l’évier.
Oh la p’tite vie.
Ah oui, je vais finir de poster les photos de mars ce soir où demain.
Merci de votre complicité
Yves et cie
Comme à la maison, je suis toujours le dernier à me sortir du lit, vers 7 heures environ. Ce matin Victor, lui, était tout habillé dès 6 heures. Les gars de cinq ans ont de ces enthousiasmes… Il faisait gris et encore quelques courants d’air frais dormaient avec moi. Debout paresseux. En sortant de la douche, ils étaient à table. Puis sont arrivées les crêpes (il n’y avait plus de pain). « Maman, elles sont comme au Canada! ». C’est plutôt le sirop d’érable apporté par les grands-parents qui est comme au Canada.
À table, une pensée pour Wilma me croise l’esprit (la femme qui travaille avec nous depuis deux semaines). Elle dirigera le projet après notre départ. Cette femme de notre âge probablement vit à « Bastion Popular », tout près de Pascuales au nord de Guayaquil, juste à côté de la misère sa voisine. Qu’a-t-elle pris au déjeuner? Durant le mien, je lis le grand titre de l’Universo: El feriado politico duro solo 3 horas (le congé férié politique n’aura duré que trois heures); Où est la page qui m’intéresse… Les nouvelles internationales : Un adepte d’Hitler, 17 ans, s’est tué après avoir abattu trop d’enfants dans une école américaine (encore!). La vie du pape est en péril. Ça me revient : 43% des catholiques au monde se trouvent en Amérique du Sud (2% seulement je crois dans celle du Nord). Y a-t-il un article sur la Bolivie? Je suis révolutionnaire bolivien ces jours-ci… Facile à distance. Ah oui : Le Washington Post constate que la démocratie de l’Amérique est menacée par les soulèvements actuels en Bolivie (conflit sur l’exode des profits du gaz naturel). Le journal prétend qu’ils sont soutenus par des partis socialistes de gauche. Hugo Chavez est sans doute lié ajoute l’administration Bush (Toute l’Amérique n’aime pas le président Vénézuelien ces jours-ci). Bon, le temps file. À huit heures il faut être dans l’auto.
En route, les Cowboys fringants très fort finissent de me réveiller. Jusqu’à Mathilde qui chante. « Regardez, il fait 33 degrés sur ce panneau ». La conduite est toujours aussi folle; 15 minutes jusqu’au boulot. À chaque fois que nous tournons le dernier coin qui donne sur la rue de terre menant centre, je repense à l’Afrique. Que devient le Rwanda? Gatagarra? Quelle place ont ces humains dans ma vie, 12 ans plus tard? Avec moins de naïveté et de temps, on vit beaucoup de sentiments similaires à ceux qui nous animaient là-bas. Au centre de femmes où nous travaillons, à la garderie les monitrices attendent Victor et Mathilde pour 8h30. En sortant de la voiture, ce matin, les deux sont partis en courant. Victor vers ses chums et Mathilde en sens inverse; elle ne veut rien savoir. Armée de ses invincibles pleurs, elle réussira moins d’une demie heure plus tard à se faire sortir dans les bras de la Sœur qui dirige la garderie. Les grandes sont avec Daniela (22 ans) qui nous aide depuis quelques semaines avec les enfants; un appui pour ces deux élèves qui des jours se trouvent assises bien loin dans le fond de leur classe. Où sont les copines papa? Mais voilà! Le 4 avril, elles feront courageusement leur entrée à l’école primaire de Pascuales (très loin de Boucherville à tant de niveaux). Pour quatre semaines elles porteront le même costume que leurs prochaines amies de peaux couleur café. Les deux dans la même minuscule classe qu’elles ont visitée vendredi dernier (sans trop parler), sur le même banc. Quelle expérience de complicité me semble-il!
Entre-temps sœur Jeannine arrive. Avec son sourire et son petit mouchoir pour s’éponger le front. Bientôt 80, non pas des degrés ici, mais des années. Elle me raconte avec un sourire le burlesque épisode qui a fait jaser tout le pays aujourd’hui. C’est lié au grand titre du journal de ce matin. Le président s’est pointé à la télé hier soir vers 21h (mardi) pour décréter trois jours fériés (commençant le lendemain)!!! Malheureusement, la joie des travailleurs et de l’industrie du tourisme n’aura duré que trois heures. Suite aux pressions des maires de Quito, de Guayaquil et de Cuenca ainsi que de l’association des banquiers et d’autres gros bonnets qui ont appelé à boycotter le joyeux (des)ordre du président, le frère de ce dernier (Y a pas qu’aux USA où des familles entières sont au pouvoir) a annoncé que le gouvernement se rétractait. Tout le monde était donc au poste avec nous ce matin.
On est en planification; document descriptif, plan de projet, budget (5K$ pour un an!!!) Wilma trouve ça difficile. Ce qu’elle aime ce sont les plantes, les jardins, les autres femmes qu’elle veut aider. Et voilà qu’on l’attache à des concepts nord-américains de critères de succès, d’objectifs etc. Et Genou et moi qui essayons de la motiver en espagnol! Puis un fou rire quand Marie me corrige « Papa, c’est pas comme ça qu’on dit ». Durant tout l’avant-midi défilent les femmes qui viennent au centre chercher un prêt de 100$ qu’elles remettront à coup de 10$. Bientôt elles prendront des cours pour apprendre à semer un potager organique et viendront chercher les boîtes que le projet aura fabriquées avec elle. Si tout va bien, 100 femmes dans l’année vont payer trois dollars pour ce système ingénieux de jardin en caisse de bambou qu’elles coinceront dans leur cour.
Midi, il faut partir. Aujourd’hui, contrairement à l’habitude, je dois revenir durant l’après-midi. On fait un cadeau au projet. Geneviève et moi avons fait fabriquer une première boîte pour l’exposer rapidement au centre. Je reviendrai donc à Pascuales pour emprunter le pick-up de l’oncle de Robert (le chauffeur des sœurs). Nous irons ensembles chercher les boîtes, la terres, les plantes, etc. Victor et moi allons laisser les filles à l’appartement. « Pas le temps d’entrer, on va prendre une bouchée en chemin »; prétexte pour passer du temps de gars au Burger King. Pendant que mon précieux fils mange son sandwich, moi je savoure chaque goutte de temps que j’ai avec lui.De retour à une heure top à Pascuales. Ah oui, en passant devant le même panneau que ce matin, c’était 42 degrés.
Nous allions chercher les boîtes vers Samborondon; une des banlieues très riches de Guayaquil. 15 minutes de route à longer des complexes de types « gate-cities ». À la vue de la première, on trouve les couleurs pastel jolies, les toits de tuiles, les fontaines, les arbres taillés. Puis tiens, une plus grande, toute aussi gardée. Celle-ci a même son église! Ces gens-là prient dans la propreté ma foi. Puis, trop de couleur pêche ou de rose pâle, ça finit par lever le cœur. Tous ces gardiens qui protègent de l’argent qui tremblent de peur. Ça sent l’injustice. Wilma gagnera peut-être 1500$ cette année. Si elle est chanceuse. Elle m’a demandé si les écarts entre les pauvres et les riches étaient aussi grands au Canada. Eh…
Longue journée! Vers 4 heures Victor et moi sommes rentrés à la maison. Florence et Marie travaillaient bien avec Geneviève.Mathilde dormait encore, fatiguée de son expérience matinale. Je crois qu’en se réveillant, elle avait encore ces spasmes qu’ont les enfants après avoir trop longtemps pleuré. Vous savez ces trois prises d’air saccadées, suivies d'un long soupir qui tue l'angoisse…
Avec raison, les filles voulaient sortir. Il nous fallait une piscine pour se dégourdir et se rafraîchir.. Manquant de ressource, nous avons fini par plonger dans celle de l’Hôtel Oro Verde (5 étoiles) sur le toit de Guayaquil. Jumelée à un Spa, le coût d’entrée était de 18$ par personne. Oui, oui, pour la session! Inutile de vous dire qu’on a trouvé moyen de ne pas payer.
Voilà, Genou et les enfants sont couchés. Bientôt 1h am. Je vais les rejoindre. Il y a longtemps que ma souris fuyait notre blogue. J’avais pourtant reçu beaucoup de commentaires gentils à propos de mon dernier post sur Edwin. Je crois que ses silences m’auront appelé plus que je ne le croyais.
Après 5 mois d’aventure, la sédentarité et l’ordinaire nous rattrapent donc. « André, ça y est! Je crois que je suis rendu au moment de faire le test : je vais enfin trouver le temps de voir si après la vaisselle, sous la ligne de l’équateur, l’eau s’écoule vraiment à l’envers dans l’évier.
Oh la p’tite vie.
Ah oui, je vais finir de poster les photos de mars ce soir où demain.
Merci de votre complicité
Yves et cie
15.3.05
Hommage aux souliers rouges
Il y a de cela bien deux mois que je voulais vous partager leur existence alors que je les ai vus débarquer au Pérou. Des souliers pourtant bien ordinaires en apparence mais qui se sont avérés exceptionnels. J’en connais d’ailleurs la provenance coin St Laurent, Laurier, Montréal. J’en déduis donc leur qualité, mais tout de même, ils sont fantastiques, se faufilent partout, fouineurs comme tout et ils m’apparaissent inusables!
En escale pour trois semaines dans ce beau et grand pays, ils n’ont pas chômé! A leur arrivée à Lima, ils arpentaient déjà les grandes artères, les jardins, les musées et couraient pour traverser ces rues achalandées et pressées. Puis en longeant la côte sud du Pacifique, ils se sont promenés dans un désert de dunes et de sable. Ils ont navigué sur l’océan à la découverte d’îles « resort pour phoques et autres bêtes à plumes, à poil » en sentant de plus près ce fameux guano (chiure d’oiseaux) cultivé et commercialisé comme engrais national. Tintin en parle d’ailleurs dans Le temple du Soleil, plutôt le Capitaine en patois épicés!
Dans les montagnes de l’Altiplano, les souliers rouges ont gardé leur rythme curieux. A Arequipa, ville coloniale, ils ont piétiné le passé spirituel d’un immense monastère de religieuses dominicaines, trois heures durant! Mais à Puno, sur les rives du lac Titicaca, là, ils n’ont pu s’objecter à un arrêt forcé causé par la brigade de petites amibes. Tout de même avant le coucher du soleil, ils n’ont pas hésité à sauter à bord d’un navire pour aller à la rencontre d’un peuple fascinant, celui des Uros, des gens colorés et souriants vivant sur des îles dorées de jonc tressé qui contrastent du bleu magique de ce lac, le plus haut du monde. A Cusco, autre ville coloniale, capitale du Machu Picchu et summum de l’architecture hispanique, il était étonnant de les croiser de bon matin se rendre à l’une de ces nombreuses églises pour prier mais aussi troquer quelques pensées pieuses à contempler l’œuvre artistique de ces lieux bénis. Il est vrai qu’une messe en espagnol, on finit par s’y perdre!
Puis se fut au tour du célèbre Machu Picchu, camouflé dans des montagnes verdoyantes à la limite de l’Amazonie, d’accueillir les fameux souliers rouges. Négligeant la brume et la pluie, qui offrait un spectacle encore plus mystique du site, ils s’aventurèrent dans ses sentiers étroits et escarpés, gravirent ses nombreux paliers, foulèrent les chambres des princesses et des dignes, et les lieux spirituels, se trempèrent l’orteil dans les canaux et en ultime curiosité, ils escaladèrent jusqu’au sommet pour contourner cette pierre énergisante et respirer à pleines semelles toute cette magnificience! Et vous pensez peut être qu’après une telle journée, ils se sont reposés ? C’est mal les connaître. Et non il fallait aussi goûter aux bains d’eau thermale nichés tout en haut du village d’Agua Caliente. C’est là que, poireautant dans une flaque, seuls et penauds de ne pouvoir participer au délice chaleureux, je leur décernai une médaille.
Et cette médaille ne revient à nulle autre qu’à la personne qui les chausse, cette femme extraordinaire, qui ne cesse de m’impressionner et dont je ne cesse d’admirer. Elle souffle ce soir ses quatre-vingt-une chandelles.
Bonne fête maman!
Je t’aime plus haut et plus loin que ce magnifique Machu Picchu!
Tafilleenequateur,
Geneviève xxx
En escale pour trois semaines dans ce beau et grand pays, ils n’ont pas chômé! A leur arrivée à Lima, ils arpentaient déjà les grandes artères, les jardins, les musées et couraient pour traverser ces rues achalandées et pressées. Puis en longeant la côte sud du Pacifique, ils se sont promenés dans un désert de dunes et de sable. Ils ont navigué sur l’océan à la découverte d’îles « resort pour phoques et autres bêtes à plumes, à poil » en sentant de plus près ce fameux guano (chiure d’oiseaux) cultivé et commercialisé comme engrais national. Tintin en parle d’ailleurs dans Le temple du Soleil, plutôt le Capitaine en patois épicés!
Dans les montagnes de l’Altiplano, les souliers rouges ont gardé leur rythme curieux. A Arequipa, ville coloniale, ils ont piétiné le passé spirituel d’un immense monastère de religieuses dominicaines, trois heures durant! Mais à Puno, sur les rives du lac Titicaca, là, ils n’ont pu s’objecter à un arrêt forcé causé par la brigade de petites amibes. Tout de même avant le coucher du soleil, ils n’ont pas hésité à sauter à bord d’un navire pour aller à la rencontre d’un peuple fascinant, celui des Uros, des gens colorés et souriants vivant sur des îles dorées de jonc tressé qui contrastent du bleu magique de ce lac, le plus haut du monde. A Cusco, autre ville coloniale, capitale du Machu Picchu et summum de l’architecture hispanique, il était étonnant de les croiser de bon matin se rendre à l’une de ces nombreuses églises pour prier mais aussi troquer quelques pensées pieuses à contempler l’œuvre artistique de ces lieux bénis. Il est vrai qu’une messe en espagnol, on finit par s’y perdre!
Puis se fut au tour du célèbre Machu Picchu, camouflé dans des montagnes verdoyantes à la limite de l’Amazonie, d’accueillir les fameux souliers rouges. Négligeant la brume et la pluie, qui offrait un spectacle encore plus mystique du site, ils s’aventurèrent dans ses sentiers étroits et escarpés, gravirent ses nombreux paliers, foulèrent les chambres des princesses et des dignes, et les lieux spirituels, se trempèrent l’orteil dans les canaux et en ultime curiosité, ils escaladèrent jusqu’au sommet pour contourner cette pierre énergisante et respirer à pleines semelles toute cette magnificience! Et vous pensez peut être qu’après une telle journée, ils se sont reposés ? C’est mal les connaître. Et non il fallait aussi goûter aux bains d’eau thermale nichés tout en haut du village d’Agua Caliente. C’est là que, poireautant dans une flaque, seuls et penauds de ne pouvoir participer au délice chaleureux, je leur décernai une médaille.
Et cette médaille ne revient à nulle autre qu’à la personne qui les chausse, cette femme extraordinaire, qui ne cesse de m’impressionner et dont je ne cesse d’admirer. Elle souffle ce soir ses quatre-vingt-une chandelles.
Bonne fête maman!
Je t’aime plus haut et plus loin que ce magnifique Machu Picchu!
Tafilleenequateur,
Geneviève xxx
25.2.05
Edwin, le berger du vide


Je me suis mis à penser à lui en essayant de m’endormir. Mes pensées avaient erré jusqu’à lui je ne sais trop comment. Peut-être était-ce d’abord la chaleur que je fuyais? Cette nuit est trop chaude à Guayaquil. Dans l’appartement d’à côté, on dirait que toute l’Amérique latine dans la salsa. Y a plein de bruits, c’est la fête. Feliz es la vida! Lui, il est quelque part dans une petite maison dans les montagnes au Pérou, près de Huaraz, dans le noir, la fraîcheur et le plus parfait silence.
Edwin est berger. Il devait avoir 10 ans. Etonnant, n’est-ce pas? Métier démodé, anachronisme même. On ne trouve plus ce choix de carrière chez l’orienteur. Pourtant, après avoir croisé quelques-uns de ces lumineux témoins de la vie, je me dis qu’il faudrait y repenser. Imaginez…Vivre l’instant présent dans la nature; penser à pourquoi le vent vient de virer; comprendre la grandeur et la complexité d’un territoire pour l’avoir marché jusqu’à bien connaître ses moindres détails. Ne pas courir derrière le temps, mais le saisir. Nous sommes une foule de personnes qui n’aspirent qu’à cela en sachant que nous n’y arriverons jamais. Pour nous, cette quête spirituelle n’est qu’un hobby, un loisir; dans nos sociétés, le zen n’est qu’une interligne entre deux tâches à l’agenda. Dans le fond, nous sommes le plus souvent incapables de lâcher prise, de palper le temps à mains nues comme les bergers savent le faire.
« Edwin. Pour moi tu n’es pas le frère de la petite fille aux allumettes. Je n’ai pas envie d’avoir pitié de toi. Au contraire j’aimerais avoir le courage de t’envier : malgré tes souliers de foot à crampons tous percés; malgré ton passé troué aussi par la mort de tes parents; ou tes quelques trop maigres bêtes que tu guides toute la journée. Sans les quelques sous qu’il te faudrait pour manger plus, pour dormir mieux, je t’envie parce que tu touches à la vie. C’est vrai. Tu lis d’interminables heures, sans livres, en observant passer les nuages ou les gens, selon l’intérêt. Tu écris sur la terre, sans plumes, en traçant avec tes pieds des sentiers qui conduisent aux secrets de la nature. Tu sais, sans le dire, tellement plus que moi sur le sens de la vie. Tu pries aussi, sans messe, le silence est ton reflet. Tu n’as pas peur comme moi du vide. »
« Edwin, tu nous as expliqué en quelques minutes l’histoire de cette ruine de la culture des Wari. Pour nous elle était quelconque cette ruine. Les seuls touristes qui arrivent ici sont ceux qui se perdent durant une ballade dans la nature. À côté du Machu Pichu, de Chan Chan ou de celles des Chavin, tous ces vestiges cinq étoiles, ta ruine d’une demi-étoile n’a rien de spectaculaire. C’était un samedi après-midi, tu savais faire parler les morts. Était-ce de les avoir entendus la nuit? À la fin de l’explication, où tu observais les yeux de Marie ou de Florence, pour t’assurer qu’elles aient bien compris ta précieuse histoire, tu nous as dit que tu voulais être un jour guide professionnel; celui qui fait de vraies visites payantes pour les touristes Ainsi, tu prendrais mieux soin de ta vielle grande mère et de ton jeune frère. »
« Edwin tu n’es pas un p’tit cul de dix ans qui s’occupe de quelques bêtes pour le compte de ta famille. T’es plutôt le frère du petit prince, on l’a vu dans tes yeux, ces grands miroirs montrant comment ta vie est dure mais vraie. D’accord, au début j’ai dit que tu étais berger, mais si tu écoutes bien le silence de tes montagnes, tu m’entendras te dire que tu as été pour nous un guide, des plus professionnels, celui qui nous a fait faire quelques pas dans le vide »
Merci
Quand les grands du monde n’auront plus pitié des bergers, quand ils tireront l’oreille pour les écouter, ils entendront la sagesse de leur silence…
P.S. J’ai écrit ce texte pour te parler Edwin, mais surtout pour que mes enfants se rappellent de toi ainsi que de cette sagesse qui a les touché ce jour-là.
22.2.05
Ma chère Mathilde, c'est à ton tour...
De retour en Équateur, nous sommes à Guayaquil dans notre nouvel appartement. Jusqu’à la fin avril, c’est ici que se reposeront nos valises. Nous attendons les parents Poiré qui sont restés coincés hier à Newark (problème d’avion). Ils devaient arriver pour l’anniversaire de Mahilde. Nous étions bien tristes (c’est peu dire) de ce contretemps.
On a donc fêté Mathile sans les grands-parents: Déjeuner de crêpes; cadeaux; ballade au Malecon (magnifique parc au bord de l’eau); dîner au McDo(!); retour pour une baignade dans notre nouvelle piscine (barboteuse gonflée); et invitation des copains/copines-voisins/voisines à souffler les bougies. Tout cela dans une journée chaude (quasi 40 degrés) et humide, les doigts croisés pour que le vol 887 de Continental Airline ne soit pas encore une fois retardé.
On a aussi pensé à ceux qui s’ennuie de Mathilde. Voici une photo d'elle prise à la mer (Mancora, Pérou) la semaine dernière. Notre bébé à deux ans!
Elle aussi vous embrasse
lafamilleenequateur
On a donc fêté Mathile sans les grands-parents: Déjeuner de crêpes; cadeaux; ballade au Malecon (magnifique parc au bord de l’eau); dîner au McDo(!); retour pour une baignade dans notre nouvelle piscine (barboteuse gonflée); et invitation des copains/copines-voisins/voisines à souffler les bougies. Tout cela dans une journée chaude (quasi 40 degrés) et humide, les doigts croisés pour que le vol 887 de Continental Airline ne soit pas encore une fois retardé.
On a aussi pensé à ceux qui s’ennuie de Mathilde. Voici une photo d'elle prise à la mer (Mancora, Pérou) la semaine dernière. Notre bébé à deux ans!
Elle aussi vous embrasse
lafamilleenequateur
20.2.05
La St-Valentin à Mancora
Toujours au Pérou. Dans ce grand pays de contrastes, après avoir passé près d’une semaine enivrante dans les Cordillères Blanches à déguster à chaque heure du jour les splendeurs de ces hautes montagnes aux neiges éternelles ( à 6700m d’altitude), nous voici les deux pieds dans le sable sur l’une des belles plages du nord à Mancora. L’eau chaude et les plus longues vagues de gauche au monde attirent surfers et touristes chiliens, équatoriens et argentins (et quelques rares canaiens!).
Nos enfants, nos amours
Le son des vagues chatouille notre sommeil. A peine 7 heures du matin quand on entend clinquer la vaisselle et des voix qui chuchotent dans la cuisinette. Tenir notre promesse et ne quitter la chambre que sur demande! Marlene est venue aider Marie et les autres à exécuter leur plan pour la St-Valentin. Ça sent les câlins et la tendresse avec cette épice toute précieuse qu’est la candeur.
On se fait tirer du lit pour découvrir une table toute garnie pour le déjeuner (salade de fruits, gaufres et marmelade) que jalouse même la mer à quelques mètres. Marie toute grande et fière nous invite officiellement à s’asseoir alors que Florence, les yeux rieurs, se mord les lèvres de confirmer qu’ils ont réalisé ça tout seuls. Victor, le petit blond à la culotte bleue (de Bob l’éponge), tout bronzé, tourne autour friand de goûter la première gaufre. C’est un estomac sur deux pattes celui-là, il a toujours faim! Quant à Mathilde, la bouclée aux yeux bleus (coqueluche sud-américaine), avec sa couche pendante qui crie son « u » (jus) et son excitation devant de la nourriture. Une autre gourmande! On la surnomme « gordita ou wawita en quechua »
.
Marlene assiste à tout ça rêveuse, hésitant entre rire ou pleurer, entre envier ou crier à l’injustice. C’est devant leurs albums de photos qu’hier, ils nous ont raconté leur triste histoire. Alberto et Marlene viennent de perdre leur second enfant, il y a à peine deux mois, le lendemain de Noël.
Leur première fille, Marlene ne l’aura jamais connue vivante. On lui a déposé son petit corps dans les bras, le lendemain, alors qu’elle avait repris des forces suite à une hémorragie. On avait cru bon lui cacher la mort de son enfant insinuant que le bébé était dans un autre hôpital. Dans ce mois, dans ce village (pueblo), quatre bébés sont morts à la naissance probablement dû à des conditions médicales précaires. Leurs petites croix, voisines au cimetière, en témoignent.
Cinq années à se dire forts et à cacher leurs larmes, à panser cette blessure qui refait surface à la vue d’une fillette qui aurait aujourd’hui son âge, qui aujourd’hui leur ferait des câlins! Cinq années à se convaincre qu’un tel malheur ne peut arriver deux fois. Cinq année à se ramasser des sous pour un accouchement à l’hôpital (500 soles, 200$).
En juillet 2004, naissait leur seconde fille, à Piura, la plus grande ville à proximité, à trois heures de bus. Tout c’est bien passé.
L’album photo sent à son tour toute la tendresse, les bisous et l’amour pour leur fillette Linky. De la naissance jusqu’à cette photo, où vêtue de blanc telle une princesse avec sa couronne de fleurs et ses chaussons blancs, son père l’embrasse une dernière fois dans son petit lit de bois blanc. Marlene derrière lui serre le chandail et semble crier sa douleur… Tous entourent la petite tombe. Ils sont près d’une cinquantaine, émus!
A sept mois, Linky succomba à une bronchite, à l’hôpital. Malgré tout ce qu’ils ont tenté pour sauver leur fille avec l’argent amassé, vendant même leurs effets personnels, cela n’a pas suffit.
Que dire devant des photos si troubantes? Si intense d’émotions et de douleurs de parents. Il y a des mots parfois inutiles que seuls les yeux savent bien traduire.
Malheur… Pourtant un autre rêve essaie de renaître. Tous les vêtements, les jouets et le mobilier du dernier enfant demeurent à la maison, en attente. Dans un mois un poupon y fera peut-être son nid. La mère porteuse, une jeune fille de Trujillo (connaissance éloignée) ne veut pas l’enfant et surtout veut cacher la grossesse à sa famille. Marlene et Alberto feraient tout pour payer la césarienne et assister à la naissance de leur troisième enfant. Quand on les a quittés, Marlène partait pour Piura, les doigts croisés, pour toucher le ventre de cette jeune fille.
Nos enfants sont bien choyés d’être nés au Nord, et combien le sommes-nous de les avoir tout près de nous en santé et rieurs?
Besitos para tous nos petits cœurs du Québec et d’ailleurs.
Nos enfants, nos amours
Le son des vagues chatouille notre sommeil. A peine 7 heures du matin quand on entend clinquer la vaisselle et des voix qui chuchotent dans la cuisinette. Tenir notre promesse et ne quitter la chambre que sur demande! Marlene est venue aider Marie et les autres à exécuter leur plan pour la St-Valentin. Ça sent les câlins et la tendresse avec cette épice toute précieuse qu’est la candeur.
On se fait tirer du lit pour découvrir une table toute garnie pour le déjeuner (salade de fruits, gaufres et marmelade) que jalouse même la mer à quelques mètres. Marie toute grande et fière nous invite officiellement à s’asseoir alors que Florence, les yeux rieurs, se mord les lèvres de confirmer qu’ils ont réalisé ça tout seuls. Victor, le petit blond à la culotte bleue (de Bob l’éponge), tout bronzé, tourne autour friand de goûter la première gaufre. C’est un estomac sur deux pattes celui-là, il a toujours faim! Quant à Mathilde, la bouclée aux yeux bleus (coqueluche sud-américaine), avec sa couche pendante qui crie son « u » (jus) et son excitation devant de la nourriture. Une autre gourmande! On la surnomme « gordita ou wawita en quechua »
.
Marlene assiste à tout ça rêveuse, hésitant entre rire ou pleurer, entre envier ou crier à l’injustice. C’est devant leurs albums de photos qu’hier, ils nous ont raconté leur triste histoire. Alberto et Marlene viennent de perdre leur second enfant, il y a à peine deux mois, le lendemain de Noël.
Leur première fille, Marlene ne l’aura jamais connue vivante. On lui a déposé son petit corps dans les bras, le lendemain, alors qu’elle avait repris des forces suite à une hémorragie. On avait cru bon lui cacher la mort de son enfant insinuant que le bébé était dans un autre hôpital. Dans ce mois, dans ce village (pueblo), quatre bébés sont morts à la naissance probablement dû à des conditions médicales précaires. Leurs petites croix, voisines au cimetière, en témoignent.
Cinq années à se dire forts et à cacher leurs larmes, à panser cette blessure qui refait surface à la vue d’une fillette qui aurait aujourd’hui son âge, qui aujourd’hui leur ferait des câlins! Cinq années à se convaincre qu’un tel malheur ne peut arriver deux fois. Cinq année à se ramasser des sous pour un accouchement à l’hôpital (500 soles, 200$).
En juillet 2004, naissait leur seconde fille, à Piura, la plus grande ville à proximité, à trois heures de bus. Tout c’est bien passé.
L’album photo sent à son tour toute la tendresse, les bisous et l’amour pour leur fillette Linky. De la naissance jusqu’à cette photo, où vêtue de blanc telle une princesse avec sa couronne de fleurs et ses chaussons blancs, son père l’embrasse une dernière fois dans son petit lit de bois blanc. Marlene derrière lui serre le chandail et semble crier sa douleur… Tous entourent la petite tombe. Ils sont près d’une cinquantaine, émus!
A sept mois, Linky succomba à une bronchite, à l’hôpital. Malgré tout ce qu’ils ont tenté pour sauver leur fille avec l’argent amassé, vendant même leurs effets personnels, cela n’a pas suffit.
Que dire devant des photos si troubantes? Si intense d’émotions et de douleurs de parents. Il y a des mots parfois inutiles que seuls les yeux savent bien traduire.
Malheur… Pourtant un autre rêve essaie de renaître. Tous les vêtements, les jouets et le mobilier du dernier enfant demeurent à la maison, en attente. Dans un mois un poupon y fera peut-être son nid. La mère porteuse, une jeune fille de Trujillo (connaissance éloignée) ne veut pas l’enfant et surtout veut cacher la grossesse à sa famille. Marlene et Alberto feraient tout pour payer la césarienne et assister à la naissance de leur troisième enfant. Quand on les a quittés, Marlène partait pour Piura, les doigts croisés, pour toucher le ventre de cette jeune fille.
Nos enfants sont bien choyés d’être nés au Nord, et combien le sommes-nous de les avoir tout près de nous en santé et rieurs?
Besitos para tous nos petits cœurs du Québec et d’ailleurs.
7.2.05
De nouvelles photos
Hola!
(desole pour les accents)
Nous sommes a Huaraz depuis 5 jours. Dans ces montagnes a couper le souffle. Nous avons fait des ballades incroyables, rencontre des gens heureux et vu la nature dans ce qu elle peut avoir de plus beaux. Les gens sont tellement gentils ici. D autant plus qu ils sont en plein carnaval (ici c est l ete!). C est donc avec tristesse que nous prendrons la route (la piste plutot) demain. Cinq heures d une route de terre difficile avec une passe a pres de 4500m. Nous rentrons doucement vers l Equateur. D abord, on fera une pause sur les plages de Mancora, avant de rentrer et de se trouver un endroit ou vivre pour quelques mois dans la region de Guayaquil.
Nous y travaillerons de la fin mars jusqu au mois de mai; un projet de jardins communautaires dont on vous reparlera. Ca changera des technologies de l information et de la psychoeducation.
On vous embrasse en vous laissant des photos prises durant les mois de decembre et janvier.
Consultez les liens sur la page principale.
Muchos besos.
(desole pour les accents)
Nous sommes a Huaraz depuis 5 jours. Dans ces montagnes a couper le souffle. Nous avons fait des ballades incroyables, rencontre des gens heureux et vu la nature dans ce qu elle peut avoir de plus beaux. Les gens sont tellement gentils ici. D autant plus qu ils sont en plein carnaval (ici c est l ete!). C est donc avec tristesse que nous prendrons la route (la piste plutot) demain. Cinq heures d une route de terre difficile avec une passe a pres de 4500m. Nous rentrons doucement vers l Equateur. D abord, on fera une pause sur les plages de Mancora, avant de rentrer et de se trouver un endroit ou vivre pour quelques mois dans la region de Guayaquil.
Nous y travaillerons de la fin mars jusqu au mois de mai; un projet de jardins communautaires dont on vous reparlera. Ca changera des technologies de l information et de la psychoeducation.
On vous embrasse en vous laissant des photos prises durant les mois de decembre et janvier.
Consultez les liens sur la page principale.
Muchos besos.
Ce n’est pas le Pérou...
7 février
Enfin, tu n’es plus que sur une carte, ou dans l’album de Tintin et le temple du Soleil. On est entré chez-toi par le désert. A première vue ton visage est dur. Homme indien, ton sang l’est plus que celui de ton frère au nord. L’océan martèle ton flanc ouest de ses eaux froides. Quelques oasis, quelques vallées vertes dont les racines des rizières plongent jusqu’au passé des plus vielles civilisations précolombiennes. Sur le bord de la panaméricaine, des ruines sèchent encore au soleil leurs larmes fatalistes. Ils sont disparus ces hommes libres; tisseurs de joncs, chercheurs d’or ou tailleurs de pierres. Le seigneur de Sipan, roi des Chimu (300 après JC), lui, vient de se faire dépoussiérer. Il reposait quand on l’a vu dans un des grands musées du monde à Lambayèque près de Chiclayo. Sa pyramide découverte en 1987 ne ressemble plus qu’à un tas de terre. De quel droit a-t-on exposé ses restes, ainsi que ceux des sacrifiés au moment de sa mort? À qui appartiennent ses trésors? Combien les chinois (ces nouveaux riches) t’offrent-ils pour découvrir tes autres trésors enfouis? Pour entretenir Chan Chan, ta cité du soleil où plus de 150 000 personnes ont vécu il y a des milliers d’années?
On a fait quelques sauts dans ton bel océan bleu marin, admirant parfois les « Caballos de totora » (bateaux traditionnels que les pêcheurs enfourchent comme un cheval, tressés de jonc) ou les « surfers » poussés par les plus grandes vagues de gauches(!). Jusqu’à quand se baigneront tes fils remplis de potentiel? Quel horizon leur donnent-ils? En accumulant des kilomètres, s’empilaient aussi des impressions de vide dans ton désert aride. Ces maisons en terre et en pailles, petites boîtes carrées invivables, nous ont piqué les yeux. Aussi, des puits tirant l’or noir que tu revends à près de 4 USD à tes pauvres chauffeurs de taxi. Pas étonnant que tes routes soient aussi belles, qui chez-toi a les moyens de rouler avec sa voiture? Trujillo, jolie ville provinciale et espagnole, notre premier vrai contact avec ton peuple colonisé. La fête des rois, que tu fêtais joyeusement ce soir-là témoignait de ton folklore peu délavé par ces années de dominance. Ces journées et ces décors se sont répétés et répétés jusqu’à Lima.
Lima est loin de ton cœur. Elle s’est construite plus près de ta tête. Impossible que ton cœur ait laissé grandir cette ville artificielle, plus encore que les nôtres. Oasis dans le désert? Tu as raté la chance de construire un autre modèle de cité. Tu avais pourtant tellement de richesses et de modèles dans les racines de ta culture. Comme nous, tu n’as pas compris que le progrès n’est pas un sens unique dans la direction de la commercialisation. Tes « Centro » sont comme nos Club Price; des centres où se pensent riches des consommateurs avertis qui accumulent les biens et augmentent leur taille. Pourquoi est-ce que Mirraflores, ton quartier plus riche, nous a-t-il aimanté? Triste que nous trouvions dans le plus beau (à nos yeux) un sentiment de bien-être. Décidément, notre famille n’est pas sevrée de ses réflexes occidentaux. Victor nous a donc convaincu de manger deux fois au McDo. Les filles ne voulaient plus sortir du Ripley, sorte d’Ailes de la Mode au Pérou. Mathilde a dû glisser cent fois dans les glissades de cet élégant parc de Lima. Est-ce égoïste de penser que tu ne devrais pas copier ces plaisirs?
La hâte que Geneviève et les grandes ont eu de visiter ton aéroport; ils arrivaient enfin… Les grands-parents (Bleau) voyageurs avaient des valises pleines de surprises tricotées par les oncles, les tantes, les cousins, les cousines. De belles retrouvailles pour tous. Tellement de joies pour les enfants. Incroyables ces souvenirs qui allaient se fabriquer dans leur tête. Des grands-parents seulement qu’à eux durant trois semaines. Ton paysage allait être la toile de fond de ces scènes de joie. À huit, bien serrés dans la voiture et tout plein de bagages sur le toit, nous avons repris la route sur ta côte sud. Encore le désert et la mer pour plus de 1000 km. Dans ta réserve de Paracas, nous avons pris la mer et approché tes Îles Ballestas, sanctuaire de millions d’oiseaux, de pingouins, de lions de mer, de phoques. Observé durant cette balade cet immense géoglyphe en forme de chandelier (150m x 50m) tracé par on ne sait qui il y a des centaines d’années. Certains pensent aux pirates qui contrôlaient cette entrée sur tes terres, d’autres relient cette forme aux mystérieuses lignes de Nazca qu’on retrouve deux cents kilomètres plus au sud. Entre temps, nous avons goûté ton vin à Ica, dans une Hacienda (avec Bodega) où la chaleur s’est mise à l’ombre avec nous le temps d’un dîner. Les enfants eux se sont mis à l’eau dans la piscine s’amusant dans les immenses glissades. Peu de gens savent que tu produis du bon vin. Ton pisco, lui est plus connu. Cette boisson forte, à base de canne à sucre, était hier celle des esclaves qui arrivaient d’Afrique pour cultiver tes terres costales autrefois plus riches. Ce jour-là, ton pisco nous l’avons bu dans un apéro appelé « Pisco Sour », mélangé avec de la lime et un blanc d’œuf battu.
Tu es mythique mon vieux. C’est à Nasca qu’on l’a d’abord vu; ces grandes formes tracées il y plus de deux milles ans …
(À suivre) Nous partons luncher dans un café Internet de Huaraz, puis au marché; histoire de prendre nos courriels, de tenter d’enregistrer quelques posts et de créer les albums de photos de décembre et de janvier. On fera attention de ne pas se faire trop arroser d’eau ou de farine. Ici, cette semaine, c’est le carnaval!
Amitiés
Lafamilleenequateurenfugueauperou
Enfin, tu n’es plus que sur une carte, ou dans l’album de Tintin et le temple du Soleil. On est entré chez-toi par le désert. A première vue ton visage est dur. Homme indien, ton sang l’est plus que celui de ton frère au nord. L’océan martèle ton flanc ouest de ses eaux froides. Quelques oasis, quelques vallées vertes dont les racines des rizières plongent jusqu’au passé des plus vielles civilisations précolombiennes. Sur le bord de la panaméricaine, des ruines sèchent encore au soleil leurs larmes fatalistes. Ils sont disparus ces hommes libres; tisseurs de joncs, chercheurs d’or ou tailleurs de pierres. Le seigneur de Sipan, roi des Chimu (300 après JC), lui, vient de se faire dépoussiérer. Il reposait quand on l’a vu dans un des grands musées du monde à Lambayèque près de Chiclayo. Sa pyramide découverte en 1987 ne ressemble plus qu’à un tas de terre. De quel droit a-t-on exposé ses restes, ainsi que ceux des sacrifiés au moment de sa mort? À qui appartiennent ses trésors? Combien les chinois (ces nouveaux riches) t’offrent-ils pour découvrir tes autres trésors enfouis? Pour entretenir Chan Chan, ta cité du soleil où plus de 150 000 personnes ont vécu il y a des milliers d’années?
On a fait quelques sauts dans ton bel océan bleu marin, admirant parfois les « Caballos de totora » (bateaux traditionnels que les pêcheurs enfourchent comme un cheval, tressés de jonc) ou les « surfers » poussés par les plus grandes vagues de gauches(!). Jusqu’à quand se baigneront tes fils remplis de potentiel? Quel horizon leur donnent-ils? En accumulant des kilomètres, s’empilaient aussi des impressions de vide dans ton désert aride. Ces maisons en terre et en pailles, petites boîtes carrées invivables, nous ont piqué les yeux. Aussi, des puits tirant l’or noir que tu revends à près de 4 USD à tes pauvres chauffeurs de taxi. Pas étonnant que tes routes soient aussi belles, qui chez-toi a les moyens de rouler avec sa voiture? Trujillo, jolie ville provinciale et espagnole, notre premier vrai contact avec ton peuple colonisé. La fête des rois, que tu fêtais joyeusement ce soir-là témoignait de ton folklore peu délavé par ces années de dominance. Ces journées et ces décors se sont répétés et répétés jusqu’à Lima.
Lima est loin de ton cœur. Elle s’est construite plus près de ta tête. Impossible que ton cœur ait laissé grandir cette ville artificielle, plus encore que les nôtres. Oasis dans le désert? Tu as raté la chance de construire un autre modèle de cité. Tu avais pourtant tellement de richesses et de modèles dans les racines de ta culture. Comme nous, tu n’as pas compris que le progrès n’est pas un sens unique dans la direction de la commercialisation. Tes « Centro » sont comme nos Club Price; des centres où se pensent riches des consommateurs avertis qui accumulent les biens et augmentent leur taille. Pourquoi est-ce que Mirraflores, ton quartier plus riche, nous a-t-il aimanté? Triste que nous trouvions dans le plus beau (à nos yeux) un sentiment de bien-être. Décidément, notre famille n’est pas sevrée de ses réflexes occidentaux. Victor nous a donc convaincu de manger deux fois au McDo. Les filles ne voulaient plus sortir du Ripley, sorte d’Ailes de la Mode au Pérou. Mathilde a dû glisser cent fois dans les glissades de cet élégant parc de Lima. Est-ce égoïste de penser que tu ne devrais pas copier ces plaisirs?
La hâte que Geneviève et les grandes ont eu de visiter ton aéroport; ils arrivaient enfin… Les grands-parents (Bleau) voyageurs avaient des valises pleines de surprises tricotées par les oncles, les tantes, les cousins, les cousines. De belles retrouvailles pour tous. Tellement de joies pour les enfants. Incroyables ces souvenirs qui allaient se fabriquer dans leur tête. Des grands-parents seulement qu’à eux durant trois semaines. Ton paysage allait être la toile de fond de ces scènes de joie. À huit, bien serrés dans la voiture et tout plein de bagages sur le toit, nous avons repris la route sur ta côte sud. Encore le désert et la mer pour plus de 1000 km. Dans ta réserve de Paracas, nous avons pris la mer et approché tes Îles Ballestas, sanctuaire de millions d’oiseaux, de pingouins, de lions de mer, de phoques. Observé durant cette balade cet immense géoglyphe en forme de chandelier (150m x 50m) tracé par on ne sait qui il y a des centaines d’années. Certains pensent aux pirates qui contrôlaient cette entrée sur tes terres, d’autres relient cette forme aux mystérieuses lignes de Nazca qu’on retrouve deux cents kilomètres plus au sud. Entre temps, nous avons goûté ton vin à Ica, dans une Hacienda (avec Bodega) où la chaleur s’est mise à l’ombre avec nous le temps d’un dîner. Les enfants eux se sont mis à l’eau dans la piscine s’amusant dans les immenses glissades. Peu de gens savent que tu produis du bon vin. Ton pisco, lui est plus connu. Cette boisson forte, à base de canne à sucre, était hier celle des esclaves qui arrivaient d’Afrique pour cultiver tes terres costales autrefois plus riches. Ce jour-là, ton pisco nous l’avons bu dans un apéro appelé « Pisco Sour », mélangé avec de la lime et un blanc d’œuf battu.
Tu es mythique mon vieux. C’est à Nasca qu’on l’a d’abord vu; ces grandes formes tracées il y plus de deux milles ans …
(À suivre) Nous partons luncher dans un café Internet de Huaraz, puis au marché; histoire de prendre nos courriels, de tenter d’enregistrer quelques posts et de créer les albums de photos de décembre et de janvier. On fera attention de ne pas se faire trop arroser d’eau ou de farine. Ici, cette semaine, c’est le carnaval!
Amitiés
Lafamilleenequateurenfugueauperou
20.1.05
Nous entrons au Pérou
Dimanche 9 janvier
Bientôt dix lunes depuis la nouvelle année. On vous la souhaite libre! Avec tout ce que la liberté apporte de chance, mais aussi de choix parfois difficiles. Surprise. Nous sommes au Pérou. On revient tout juste des grandes places du centre de Lima, la capitale du Pérou. On s’y croyait quelque part en Espagne. Nous sommes dans ce pays depuis près d’une semaine déjà. Après avoir traversé en voiture près de 1500km de désert, nous sommes arrivés en après-midi dans cette métropole où vivent plus de 5 millions de personnes. À première vue, Lima ressemble beaucoup aux autres grandes villes de taille comparable. Sauf, qu’elle est aujourd’hui en plein désert. Jadis, avant que les Conquistador ne la ciblent pour y établir leur vice-royauté, cette grande plaine au bord du Pacifique était le jardin de ce continent. Trois ou quatre grands fleuves l’irriguaient avant de se jeter dans la mer. À notre départ de l’Équateur, Thomas (un ami dont je vous parlerai) nous a dit cette phrase qui m’est restée : «I’ve lived in Lima for six years, and it never rained. Not Once !».
Après avoir été plus sédentaires durant le mois de décembre, nous voilà repartis de plus belle. Au début, on devait effectuer ce trajet en avion (les vols locaux ici ne coûtent pas très chers), mais on a changé d’idée croyant que nos co-voyageurs allaient mieux apprécier leur séjour avec nous via les voies terrestres. Plus facile aussi pour eux, pensons-nous, de bien s’acclimater à l’altitude des hautes montagnes péruviennes qui nous attendent. Saviez-vous que Cuzco et le Machu Pichu (centre de la civilisation des Incas) sont à près de 4000m du niveau de la mer? Que le lac Titicaca est situé à plus de 3800m? Beaucoup de kilomètres, mais tellement de choses à se dire… On verra bientôt si c’était la bonne option.
Le Nord du Pérou est très pauvre, du moins sur la côte. Ce désert offre à ses habitants bien peu pour vivre; de quoi faire des briques d’argile pour construire des petites maisons. Pas de jardins, pas de bétails, même pas quelques poules. Deux ennemis infatigables semblent là, omniprésent : la chaleur et le vent. La mer fournit bien sûr ce qu’il faut de poissons et des fruits de mer, mais le reste fait terriblement défaut. Le désert a sans doute ses charmes, comme tous ces coins de la planète aux premiers abords anxiogènes. Il doit suffire d’y vivre assez longtemps pour les découvrir. Malheureusement, notre vitesse moyenne de 100 km/h ne nous aura pas permis de les saisir.
Dans ce désert, il y a bien quelques magnifiques vallées où miraculeusement sur des dizaines de kilomètre le vert perce. Des rizières bordées de palmiers nous ont transportés l’espace de quelques minutes en Asie, au Cambodge ou en Indonésie (non pas que nous y soyons allés (!); je cite ici le Lonely Planet). Quelques jolies villes aussi; Piura, Chiclayo, Trullijo (premières villes de colonie). Cette grande région fut surtout le site de plusieurs civilisations très anciennes. Près de Chiclayo, des archéologues ont d’ailleurs trouvé en 1987 (parmi les plus grandes découvertes archéologiques récentes) des pyramides qui dormaient encore discrètes abritant les restes d’un peuple qui les a érigées (les Mochica) Construite environ 300 ans après J-C, ces tombes du Seigneur de Sipan ont protégé des trésors (restes humains, céramiques, tissus, orfèvrerie, et autres) qu’on retrouve aujourd’hui dans un des plus grand musée du monde. Émouvante ces quelques heures. Sur notre route, nous avons croisé au moins une dizaine de ces sites (dont celui de Chan Chan situé près de Trullijo et classé par l’UNESCO dans le patrimoine mondial) qui ont été habités ou construits par des cultures fascinantes.
Ah oui! Les enfants suivent ne vous en faites pas. Pas toujours sans se plaindre des longues heures de route, mais étonnamment, rarement du fait qu’il faille toujours partir dès qu’on commence à être bien dans un endroit. De qui tiennent-ils? Ils posent plein de questions. Les grandes filles trouvent qu’elles connaissent bien peu leur pays. Nous aussi d’ailleurs. Marie hésite désormais entre deux carrières; celle de biologiste ou celle d’archéologue! Durant les fêtes, les filles ont pris du retard au plan académique. On se demande très souvent quel sera l’impact de ce voyage sur la vie scolaire de Marie et Florence. Même si Geneviève et moi rationalisons toujours en disant qu’ils apprennent tellement des choses, la marginalité de ce projet (choix de parents) comporte aussi des questionnements difficiles. Surtout pour Geneviève qui s’est donnée cette tâche difficile de mère-enseignante-itinérante. Florence commence à parler davantage l’espagnol. Marie dit désormais tout celle qu’elle veut. Victor, lui, a vu son deuxième film au cinéma (Los Increibles) et semblait suivre facilement l’histoire. Mathilde parle beaucoup elle aussi; bien qu’on ne sache pas encore si c’est du français ou de l’espagnol.
Traverser la frontière Equateur-Pérou n’a pas été simple. Nous avions pourtant une bonne préparation et, croyions-nous, les nombreux papiers requis (passeports, visas, permis de sortie de l’Équateur, permis de sortie de la voiture, immatriculation à mon nom, pas nos carnets de vaccination par contre!). Après avoir quitté Brigitte et Yolande à Cuenca mardi le 2 janvier, nous avons roulé environ cinq heures avant d’atteindre la limite du Pérou sur la côte du pacifique. Arrivés vers 15h dans ce décor de film d’aventure où l’on s’attendait à être super contrôlés, nous avons d’abord facilement franchis la frontière. Trop facilement. Les fenêtres et les serrures de la voiture bien fermées, nous nous sommes faufilés serrés dans la chaleur à travers des centaines de personnes affairées à l’on ne sait quoi (à la contre-bande nous a-t-on dit plus tard); allant des tireurs de chariots de vivres, aux commerçants de toutes sortes, aux policiers, aux cambistes, etc. À travers un grand marché rempli de fruits, de légumes, de chinoiseries quelconques et bien sûr d’animaux, nous sommes doucement passés. Mais voilà, près d’un kilomètre dépassés le pont international et le signe de bienvenue au Pérou, un premier contrôle nous arrêtait! « Ah bon, il fallait s’arrêter à l’immigration équatorienne. Il y a quatre kilomètres, dites-vous? On a rien vu, on vous le jure. Faut-il vraiment retourner et traverser encore deux fois ce chao? Quoi! Il nous faut aussi un permis de transit péruvien pour la voiture; un permis particulier puisque la voiture passera par la Bolivie et ne rentrera peut-être pas en Équateur par ce même bureau de douane. C’est écrit où, tout cela, monsieur le douanier? »
D’abord un pseudo-assistant douanier est monté avec nous pour nous montrer, de l’autre côté du pont international, le kiosque (non identifié) où nous devons obtenir ce précieux permis spécial. J’oublie son nom, il parle vite et son accent est différent. Notre espagnol est-il donc si fragile et sensible géographiquement? Geneviève se demande encore pourquoi je l’ai embarqué. On s’était juré de suivre les conseils unanimes de tous les initiés; pas des commissionnaires. Ce sont des arnaqueurs! Avec ce petit coup de main est venue la première d’une série de taxes amicales non obligatoires mais essentielles à la fluidité du processus. Un autre, plus jeune, est ensuite monté à la place de Genou coincée derrière avec les enfants, celui-là pour nous indiquer où était l’immigration équatorienne que nous avions loupée une heure auparavant. Celui-là s’appelle Luis. Péruvien, amical et cambiste officiel, selon la carte plastifiée qu’il porte fièrement à son cou, il nous conduit à la sortie officielle de l’Équateur (logique, comment entrer au Pérou sans être d’abord sortis de l’Équateur). Facilement tout les papiers sont traités et bien tamponnés. « Una familia numerosa » commentent-ils tous! « Si, si »
De retour au kiosque du permis spécial, heureusement tout s’est bien passé. Beaucoup de temps perdu. Quelques sueurs froides familiales aussi. Contre nos principes, j’ai dû laisser Geneviève et les enfant seuls dans la voiture (entourés d’une bonne douzaine de personnes qui les observaient bien appuyés sur notre LR tant aimée) pour aller avec le supposé agent de permis spéciaux faire des photocopies de mon permis de conduire et du matricule de l’auto (pour leurs dossiers, ils n’ont pas de photocopieuse!). Quand je lui ai dit que je ne voulais pas laisser ma famille seule. Il m’a offert d’y aller tout seul. « No gracias Senor! Mi papeles quedan con migo »
N’allez pas croire qu’il n’y a pas eu un brin de plaisir alors que nous nous enfoncions de plus en plus loin dans ces corridors qui étaient, tout sauf diplomatiques. Quelle joie aurons-nous un jour de repenser à ces souvenirs de voyages… De retour au Pérou, on a rempli six fois plutôt qu’une nos déclarations de douanes. Les passeports étampés et en lieu sûr, nous avons repris la route, fatigués, affamés (il était 18h30), mais heureux d’aller découvrir ce pays si riche en diversité.
Sur des routes aussi cahoteuses que celles de l’Équateur, dans le noir (ne roulez jamais à la noirceur disent avec raison les gens prudents) il nous restait encore deux longues heures à faire avant d’atteindre les plages de Mancora (les plus belles du Pérou semblait-il), notre destination. Nous les avons faites sans mésaventures. Heureusement, Mathilde et Victor ont perdus contre la fatigue et la chaleur. Endormis, ils n’ont rouvert les yeux que vers 21h alors que la magie des voyages, les avait transportés au bord de la mer dans un endroit paradisiaque (presque culpabilisant, genre club med). Nous avons fini la soirée les six dans la piscine de l’hôtel à entendre le bruit des vagues et en contempler le ciel en riant aux étoiles. Nous étions tellement biens que nous avons oublié de souper.
Voici à peu près l’essence de notre première semaine au Pérou.
Ah oui, aussi, nous avons été victime hier de notre deuxième crevaison dont j’ai déjà promis de ne pas parler. Je conserve mes résolutions, après tout, c’est le début de l’année!
Bonne année 2005
La famille en Équateur en fugue au Pérou
Bientôt dix lunes depuis la nouvelle année. On vous la souhaite libre! Avec tout ce que la liberté apporte de chance, mais aussi de choix parfois difficiles. Surprise. Nous sommes au Pérou. On revient tout juste des grandes places du centre de Lima, la capitale du Pérou. On s’y croyait quelque part en Espagne. Nous sommes dans ce pays depuis près d’une semaine déjà. Après avoir traversé en voiture près de 1500km de désert, nous sommes arrivés en après-midi dans cette métropole où vivent plus de 5 millions de personnes. À première vue, Lima ressemble beaucoup aux autres grandes villes de taille comparable. Sauf, qu’elle est aujourd’hui en plein désert. Jadis, avant que les Conquistador ne la ciblent pour y établir leur vice-royauté, cette grande plaine au bord du Pacifique était le jardin de ce continent. Trois ou quatre grands fleuves l’irriguaient avant de se jeter dans la mer. À notre départ de l’Équateur, Thomas (un ami dont je vous parlerai) nous a dit cette phrase qui m’est restée : «I’ve lived in Lima for six years, and it never rained. Not Once !».
Après avoir été plus sédentaires durant le mois de décembre, nous voilà repartis de plus belle. Au début, on devait effectuer ce trajet en avion (les vols locaux ici ne coûtent pas très chers), mais on a changé d’idée croyant que nos co-voyageurs allaient mieux apprécier leur séjour avec nous via les voies terrestres. Plus facile aussi pour eux, pensons-nous, de bien s’acclimater à l’altitude des hautes montagnes péruviennes qui nous attendent. Saviez-vous que Cuzco et le Machu Pichu (centre de la civilisation des Incas) sont à près de 4000m du niveau de la mer? Que le lac Titicaca est situé à plus de 3800m? Beaucoup de kilomètres, mais tellement de choses à se dire… On verra bientôt si c’était la bonne option.
Le Nord du Pérou est très pauvre, du moins sur la côte. Ce désert offre à ses habitants bien peu pour vivre; de quoi faire des briques d’argile pour construire des petites maisons. Pas de jardins, pas de bétails, même pas quelques poules. Deux ennemis infatigables semblent là, omniprésent : la chaleur et le vent. La mer fournit bien sûr ce qu’il faut de poissons et des fruits de mer, mais le reste fait terriblement défaut. Le désert a sans doute ses charmes, comme tous ces coins de la planète aux premiers abords anxiogènes. Il doit suffire d’y vivre assez longtemps pour les découvrir. Malheureusement, notre vitesse moyenne de 100 km/h ne nous aura pas permis de les saisir.
Dans ce désert, il y a bien quelques magnifiques vallées où miraculeusement sur des dizaines de kilomètre le vert perce. Des rizières bordées de palmiers nous ont transportés l’espace de quelques minutes en Asie, au Cambodge ou en Indonésie (non pas que nous y soyons allés (!); je cite ici le Lonely Planet). Quelques jolies villes aussi; Piura, Chiclayo, Trullijo (premières villes de colonie). Cette grande région fut surtout le site de plusieurs civilisations très anciennes. Près de Chiclayo, des archéologues ont d’ailleurs trouvé en 1987 (parmi les plus grandes découvertes archéologiques récentes) des pyramides qui dormaient encore discrètes abritant les restes d’un peuple qui les a érigées (les Mochica) Construite environ 300 ans après J-C, ces tombes du Seigneur de Sipan ont protégé des trésors (restes humains, céramiques, tissus, orfèvrerie, et autres) qu’on retrouve aujourd’hui dans un des plus grand musée du monde. Émouvante ces quelques heures. Sur notre route, nous avons croisé au moins une dizaine de ces sites (dont celui de Chan Chan situé près de Trullijo et classé par l’UNESCO dans le patrimoine mondial) qui ont été habités ou construits par des cultures fascinantes.
Ah oui! Les enfants suivent ne vous en faites pas. Pas toujours sans se plaindre des longues heures de route, mais étonnamment, rarement du fait qu’il faille toujours partir dès qu’on commence à être bien dans un endroit. De qui tiennent-ils? Ils posent plein de questions. Les grandes filles trouvent qu’elles connaissent bien peu leur pays. Nous aussi d’ailleurs. Marie hésite désormais entre deux carrières; celle de biologiste ou celle d’archéologue! Durant les fêtes, les filles ont pris du retard au plan académique. On se demande très souvent quel sera l’impact de ce voyage sur la vie scolaire de Marie et Florence. Même si Geneviève et moi rationalisons toujours en disant qu’ils apprennent tellement des choses, la marginalité de ce projet (choix de parents) comporte aussi des questionnements difficiles. Surtout pour Geneviève qui s’est donnée cette tâche difficile de mère-enseignante-itinérante. Florence commence à parler davantage l’espagnol. Marie dit désormais tout celle qu’elle veut. Victor, lui, a vu son deuxième film au cinéma (Los Increibles) et semblait suivre facilement l’histoire. Mathilde parle beaucoup elle aussi; bien qu’on ne sache pas encore si c’est du français ou de l’espagnol.
Traverser la frontière Equateur-Pérou n’a pas été simple. Nous avions pourtant une bonne préparation et, croyions-nous, les nombreux papiers requis (passeports, visas, permis de sortie de l’Équateur, permis de sortie de la voiture, immatriculation à mon nom, pas nos carnets de vaccination par contre!). Après avoir quitté Brigitte et Yolande à Cuenca mardi le 2 janvier, nous avons roulé environ cinq heures avant d’atteindre la limite du Pérou sur la côte du pacifique. Arrivés vers 15h dans ce décor de film d’aventure où l’on s’attendait à être super contrôlés, nous avons d’abord facilement franchis la frontière. Trop facilement. Les fenêtres et les serrures de la voiture bien fermées, nous nous sommes faufilés serrés dans la chaleur à travers des centaines de personnes affairées à l’on ne sait quoi (à la contre-bande nous a-t-on dit plus tard); allant des tireurs de chariots de vivres, aux commerçants de toutes sortes, aux policiers, aux cambistes, etc. À travers un grand marché rempli de fruits, de légumes, de chinoiseries quelconques et bien sûr d’animaux, nous sommes doucement passés. Mais voilà, près d’un kilomètre dépassés le pont international et le signe de bienvenue au Pérou, un premier contrôle nous arrêtait! « Ah bon, il fallait s’arrêter à l’immigration équatorienne. Il y a quatre kilomètres, dites-vous? On a rien vu, on vous le jure. Faut-il vraiment retourner et traverser encore deux fois ce chao? Quoi! Il nous faut aussi un permis de transit péruvien pour la voiture; un permis particulier puisque la voiture passera par la Bolivie et ne rentrera peut-être pas en Équateur par ce même bureau de douane. C’est écrit où, tout cela, monsieur le douanier? »
D’abord un pseudo-assistant douanier est monté avec nous pour nous montrer, de l’autre côté du pont international, le kiosque (non identifié) où nous devons obtenir ce précieux permis spécial. J’oublie son nom, il parle vite et son accent est différent. Notre espagnol est-il donc si fragile et sensible géographiquement? Geneviève se demande encore pourquoi je l’ai embarqué. On s’était juré de suivre les conseils unanimes de tous les initiés; pas des commissionnaires. Ce sont des arnaqueurs! Avec ce petit coup de main est venue la première d’une série de taxes amicales non obligatoires mais essentielles à la fluidité du processus. Un autre, plus jeune, est ensuite monté à la place de Genou coincée derrière avec les enfants, celui-là pour nous indiquer où était l’immigration équatorienne que nous avions loupée une heure auparavant. Celui-là s’appelle Luis. Péruvien, amical et cambiste officiel, selon la carte plastifiée qu’il porte fièrement à son cou, il nous conduit à la sortie officielle de l’Équateur (logique, comment entrer au Pérou sans être d’abord sortis de l’Équateur). Facilement tout les papiers sont traités et bien tamponnés. « Una familia numerosa » commentent-ils tous! « Si, si »
De retour au kiosque du permis spécial, heureusement tout s’est bien passé. Beaucoup de temps perdu. Quelques sueurs froides familiales aussi. Contre nos principes, j’ai dû laisser Geneviève et les enfant seuls dans la voiture (entourés d’une bonne douzaine de personnes qui les observaient bien appuyés sur notre LR tant aimée) pour aller avec le supposé agent de permis spéciaux faire des photocopies de mon permis de conduire et du matricule de l’auto (pour leurs dossiers, ils n’ont pas de photocopieuse!). Quand je lui ai dit que je ne voulais pas laisser ma famille seule. Il m’a offert d’y aller tout seul. « No gracias Senor! Mi papeles quedan con migo »
N’allez pas croire qu’il n’y a pas eu un brin de plaisir alors que nous nous enfoncions de plus en plus loin dans ces corridors qui étaient, tout sauf diplomatiques. Quelle joie aurons-nous un jour de repenser à ces souvenirs de voyages… De retour au Pérou, on a rempli six fois plutôt qu’une nos déclarations de douanes. Les passeports étampés et en lieu sûr, nous avons repris la route, fatigués, affamés (il était 18h30), mais heureux d’aller découvrir ce pays si riche en diversité.
Sur des routes aussi cahoteuses que celles de l’Équateur, dans le noir (ne roulez jamais à la noirceur disent avec raison les gens prudents) il nous restait encore deux longues heures à faire avant d’atteindre les plages de Mancora (les plus belles du Pérou semblait-il), notre destination. Nous les avons faites sans mésaventures. Heureusement, Mathilde et Victor ont perdus contre la fatigue et la chaleur. Endormis, ils n’ont rouvert les yeux que vers 21h alors que la magie des voyages, les avait transportés au bord de la mer dans un endroit paradisiaque (presque culpabilisant, genre club med). Nous avons fini la soirée les six dans la piscine de l’hôtel à entendre le bruit des vagues et en contempler le ciel en riant aux étoiles. Nous étions tellement biens que nous avons oublié de souper.
Voici à peu près l’essence de notre première semaine au Pérou.
Ah oui, aussi, nous avons été victime hier de notre deuxième crevaison dont j’ai déjà promis de ne pas parler. Je conserve mes résolutions, après tout, c’est le début de l’année!
Bonne année 2005
La famille en Équateur en fugue au Pérou
Vers le Carihuarazo…
30-31 décembre
Cette expédition restera à jamais, pour moi, comme une de nos plus belles expériences de famille. J’attendais ces deux jours de marche en montagne comme nos enfants attendent Noël à chaque année. Avec un peu d’appréhension aussi… Geneviève, avec raison, s’inquiétait des effets du froid et de l’altitude sur les enfants. Nous allions quand même dormir à plus de 4300m, dans des tentes. La température allait frôler le point de congélation. En demandais-je trop à la famille en Équateur?
Toujours est-il que nous avons quitté l’appartement d’Isabelle vers 19 heures le 29
Décembre. Direction Urbina; une vielle station de train transformée en camp de base par Rodrigo, notre guide pour l’expédition. Quelques mots sur lui : Il a 48 ans et lorsqu’il parle des montagnes, il a l’air d’un enfant aux tourniquets d’un parc d’amusement. Pour ceux qui ont connu l’ami Pierre Valiquette (que je salue quelque part en train d’aider dans un coin dangereux du Congo), il est pareil; cheveux très courts, visage carré, petite stature, forme physique incroyable, un peu excessif aussi. Rodrigo n’a plus qu’un poumon (!), l’autre, il se l’est fait piquer par des salauds il y quelques années durant une expédition au Chimborazo. Ces derniers l’ont battu alors qu’il s’était détaché les mains afin de s’enfuir. Malgré cela, Rodrigo est aujourd’hui un des meilleurs montagnards de son pays. Sa passion des Andes est aussi visible et vraie que contagieuse. Nous l’avons rencontré par hasard un dimanche après-midi où nous rentrions à Riobamba en provenance de Baños. Après quelques minutes de conversation, je lui ai demandé s’il avait déjà monté avec une famille comme la nôtre. « Y avait-il des expéditions qui nous étaient accessibles, sans trop de danger? »
Sa réponse fut que oui! Qu’il existait entre le Chimborazo et son voisin, le Carihuarazo, une passe qui consistait en deux marches de quatre heures très faisables pour les enfants. Nous avons fait sur le champ le pacte de réaliser cette expédition ensemble. Il m’a promis qu’il nous guiderait personnellement. Il gère une petite entreprise qui organise des expéditions en montagnes et il embauche de très bons guides. Mais, il voulait monter avec nous pour le plaisir d’une aventure différente en montagne, en famille (il est lui-même à la fois grand-père et jeune père!).
Quand nous sommes arrivés à Urbina vers 21 heures, il faisait froid. Autour de 5 degrés probablement. La beauté du ciel nous a tout de suite pris les yeux mettant en scène le début de notre aventure. Ils nous attendaient. Surprise : Un groupe de musique des Andes (six musiciens incroyables) a fait danser la vingtaine de montagnards qui dormaient, comme nous ce soir là, à Urbina avant de partir en montagne. Flûtes de pan, tambours, guitares ainsi qu’un petit instrument à douze cordes dont j’oublie le nom (du genre de celui de Thomas Fersen) et de belles voix indiennes nous ont bien réchauffés. Rodrigo sautait partout, invitait nos filles à danser, sifflait dans une grande corne de brume. Quel dépaysement! Pas autant à nous, semblait-il, qu’aux dix américains qui venait ici faire l’ascension du Chimborazo, la plus haute montagne de l’Équateur. Voilà, il se faisait tard. Nous avons dit bonne nuit et devant le feu du foyer de notre chambre, nous nous sommes endormis excités.
Le lendemain nous avons pris le petit déjeuner dehors sur le quai de l’ancienne gare. Un beau soleil nous réchauffait. Les sommets des deux volcans étaient bien visibles. Quelle chance! Quelques lamas regardaient, comme nous, l’expédition se préparer tranquillement… Il fallait monter le campement, l’équipement de camping, les vivres, les sacs de vêtements, l’équipement d’escalade, etc. Quatre personnes et cinq chevaux allaient monter avec nous; en plus de Rodrigo, Fabien (cuisinier et porteur) ainsi que Raymondo et Segundo (cavaliers et assistants au cuisinier) allaient avec la plus grande gentillesse rendre notre expédition sécuritaire et mémorable.
Nous sommes partis vers 9 heures en camionnette jusqu’au sommet de la route, à environ 3 900 mètres. Les cavaliers sont partis eux avec trois chevaux et le matériel de l’expédition. Ils allaient nous devancer pour aller installer le campement. De là, nous avons d’abord longé une magnifique vallée entre le deux grandes montagnes. Mathilde à mon dos, Victor sur celui de Fabien, son porteur (et à la fin inséparable complice), Florence ou Marie sur le cheval tandis que l’autre marchait au côté de Geneviève comptant les minutes avant son tour sur le dos de Russillo (le cheval). Nous avons marché les deux premières heures sans trop forcer, traversant au soleil de grands champs et quelques rivières provenant des glaciers. Un peu essoufflés par l’altitude, sans plus.
Après la pause pour le lunch, le temps a changé. Les nuages et le froid nous ont accompagnés jusqu’au campement. La deuxième partie de cette marche fut beaucoup moins facile. Une longue et constante montée sur le flan abrupt du Carihuarazo nous a pris tous nos efforts et notre énergie. Heureusement, la beauté de la nature et les paysages (cliché) nous encourageaient à continuer. Le vert était désormais derrière nous faisant le place aux blondes herbes, aux tout petits arbustes, aux pierres et à la terre brune des hautes montagnes. Le froid a vidé nos sacs. Toutes les pelures possibles mises, tuques et mitaines aussi, nous sommes parvenus au campement vers trois heures sous un ciel très gris. Il neigeait et grêlait faiblement. Les enfants étaient mêlés; fallait-il crier la joie de voir la neige tomber ou se plaindre du froid qu’il faisait? Ils ont fait les deux.
Heureusement, Raymondo et Segundo s’étaient bien rendus avant nous. Le campement était en place. Une grande tente pour cuisiner et un autre pour manger. Quatre autres petites Eureka pour dormir. Après s’être un peu réchauffé près du brûleur au gaz et avoir mangé des guimauves grillées (merci Geneviève) dans la tente qui servait de cuisine, nous sommes allés changer de vêtements et préparer les tentes pour la nuit qui commençait à tomber. On s’est ensuite attablé et un repas superbe nous a été servi; une soupe consistante aux légumes, du poisson, des côtelettes de porc, des pommes en purée, une salade de légumes cuits ainsi que des fruits en dessert. Rodrigo nous a raconté plein d’histoires tirées de ses expéditions dans les Andes.
Puis on s’est mis à parler de tout et de rien. On parlait de Noël et du Jour de l’An, des différences entre nos deux cultures. Il nous expliquait que pour le Jour de l’An, en Équateur, les gens construisent des pantins géants représentant des personnages publics qui ont marqué l’année. Lorsque minuit sonne le 31 décembre, ils les battent et les brûlent pour rire, naïvement. La tradition consiste aussi à se vêtir de noir le 31 au soir, en deuil de la nouvelle année. Puis, il a commencé à nous raconter cette triste histoire s’étant passée quelques jours auparavant (le lendemain de Noël). Cinq jeunes enfants ont été enterrés, alors qu’ils dormaient dans un conteneur à vidange, par un camion qui déchargeait son contenu. Il n’a fait que commencer l’histoire parce les larmes ont tout de suite mouillé ses yeux et la tristesse éteint sa voix. Nous avions lu la nouvelle dans le journal de Baños. Un des enfants a survécu; le plus vieux qui avait 9 ans je crois. Ces enfants avaient été mis à la porte d’une maison pour enfants seuls la veille et n’avaient trouvé que ce lieu sordide pour se réchauffer. La symbolique des enfants aux poubelles est tellement forte… Putain de vie parfois! Tous ce qu’on a pu se dire, c’est que cette histoire aurait pu avoir lieu à Montréal-Nord ou dans le quartier de la petite patrie à Montréal.
Vers 7h30 (!), la noirceur, le froid et la fatigue nous ont conduits à nos tentes. Genou avec Mathilde et Florence dans une, et moi avec Marie et Victor dans l’autre. La chaleur de la bougie quelques minutes a chassé un peu d’humidité mais pas le fond d’angoisse que vivaient les enfants. Mathilde surtout. Elle a pleuré longtemps et a mis beaucoup de temps avant de s’endormir. Marie aussi était angoissée. Elle pour une autre raison. Elle savait depuis des semaines que durant cette nuit j’allais partir avec Rodrigo et tenter d’atteindre le sommet du Cariharazo. Rodrigo avait beau lui avoir expliqué que ce n’était pas dangereux, lui avoir montré tout l’équipement de protection (crampons, piolet, cordes), il lui restait cette peur de me voir partir, (à la plus plus grande aussi, Geneviève, qui pensait à son bonheur de petit gars, au désir qu’elle avait aussi de les suivre tout en haut, mais aussi au pire! Yves lui laissait de plus le combat des fantômes et du froid des enfants de cette nuit si noire, humide et nébuleuse…houhou)
Après un bout de nuit difficile (Geneviève et moi plusieurs fois levés pour rendormir Mathilde ou pour le pipi de Victor), Rodrigo m’a réveillé comme convenu, vers deux heures et demie. Il fallait environ trois heures de marche et d’ascension avant d’atteindre le sommet, donc un départ vers trois heures. Après avoir avalé un grand bol de gruau à la cannelle et une double portion de tisane de coca, nous étions prêts à partir. Un gros manteau d’hiver, une tuque, une lampe frontale, des mitaines, des jambières, des guêtres, des bottes de montagnes et un sac au dos contenant mes crampons, de l’eau et une collation; voilà en gros l’attirail de l’alpiniste nerveux que j’étais. Allais-je m’y rendre?
La lune était brillante. Rodrigo est parti devant moi. (Je les ai vu partir tout secrètement et suivi leur petite lumière puis le brouillard les a enveloppé. Drôle de feeling!) Il m’avait prévenu, mais le rythme de notre marche m’a impressionné. De très lents pas toujours pareils. « Il faut s’imprégner d’un rythme, le suivre et arrêter le moins souvent possible » m’avait-il dit. Quand même, à ce rythme là allions- nous nous rendre au sommet avant le lever du jour? Nous avons marché environ une heure trente avant d’arriver au glacier. La lune était tellement forte que la frontale n’a pas été utile. Trois éléments impressionnants durant cette première phase : La vue du Chimbrorazo avec son sommet enneigé que l’on voyait comme s’il faisait jour; le cri des vicuñas (sortes d’antilopes dans la famille des lamas et des alpacas vivant à plus de 4000m) semblables à celui d’oiseaux; et finalement la beauté du ciel (Orion, la Grande Ourse à l’envers et mieux encore, la Croix du Sud).
Arrivés au glacier, j’étais encore plus impressionné. Rodrigo et son assurance m’ont beaucoup aidé à garder le calme qui m’a permis par la suite de savourer chacun des instants jusqu’au sommet de cette montagne. Il fallait mettre les crampons et s’attacher lui et moi. Une dernière revue des quelques techniques requises en cas de chute sur le glacier (l’usage du piolet pour ne pas glisser) et nous voilà sur la glace. Durant plus d’une heure nous avons conservé notre rythme plantant bien un pied après l’autre, contournant une crevasse ici, crispant tous les muscles parfois lorsque la glace craquait sous nos pieds. L’angle de la pente du glacier n’était pas si abrupte (bien qu’à quelques reprises il fallait poser les mains pour maintenir l’équilibre), mais une heure plus loin lorsque je regardais derrière, j’étais heureux d’être lié par cette corde à un des meilleurs alpinistes de l’Équateur (Rodrido m’a dit plus tard qu’il était allé près de 80 fois au sommet de cette montagne).
Une petite pause à la fin du glacier avant d’entreprendre le dernier droit, celui qui fut le plus difficile pour moi; le temps de boire de l’eau, de manger quelques amandes et de prendre quelques photos. L’escalade des derniers deux cent mètres se faisait sur une pente très abrupte couverte principalement de pierres mobiles. Rodrigo, six mètres devant mois devait être très prudent pour ne pas faire rouler ces pierres sur moi. Durant cette dernière demi-heure, j’ai touché à mes limites et vite compris que ma forme physique n’était pas celle de Rodrigo. Ce dernier dépassement m’a par contre permis d’apprécier davantage la joie d’atteindre le sommet.
Y a pas de mots pour décrire la magie et la grandeur de ces instants que j’ai passés au sommet de ce volcan (5020m). Quelques photos et quelques minutes de vidéo pourront bien sûr évoquer en partie la beauté de ce que je voyais. J’espère un jour vous les montrer. Voici ce qui m’a le plus impressionné : d’abord la certitude que le sommet des volcans constitue une drogue, j’en suis certain après avoir entendu ce cri de joie qu’a laissé sortir Rodrigo dès qu’il a atteint le sommet; je me rappellerai aussi toujours cette accolade complice que nous avons faite, lui et moi, quand j’ai atteint le sommet quelques secondes après lui; quelle chance, le soleil se levait pour nous allumant le glacier du Chimborazo auquel nous faisions face, nous étions à près d’un kilomètre du point sur terre le plus rapproché du soleil (à 6310m de par sa proximité de la ligne de l’équateur); ce plancher de nuages roses (tel qu’on les voit en avion) et le Cotopaxi dont on voyait clairement la cime (la cumbre) à plus de cent kilomètres; et finalement, le Tungurahua qu’on ne pouvait voir parce qu’il était à l’est ébloui par le soleil, mais qui nous a fait entendre le bruit de son ventre en éruption tel le tonnerre au loin.
Impossible dans ce silence de toucher à la beauté du monde et de ne pas penser à ceux qui nous sont proches, ma petite famille qui m’a suivi non sans difficulté dans cette expédition un peu périlleuse, à Geneviève surtout, qui m’a permis d’aller au bout de ce rêve. À mes parents aussi. Merci. Grâce à un poste-radio, nous avons appelé le campement vers six heures pour les rassurer et leur faire partager notre joie. Difficile aussi de ne pas se poser de questions sur la création de cette beauté, sur sa perfection vue de là-haut. Suivant les conseils d’André, j’en ai profité pour saluer le gars d’en haut avant de redescendre. J’avais deux questions pour lui. Et si tout pouvait être aussi beau, juste et équilibré à hauteur d’homme. Pourquoi notre planète ne pourrait-elle pas tourner moins vite dans le sens où elle court à sa perte? Repenser sa course…
Nous sommes redescendus en moins de deux heures, Rodrigo gambadant loin devant et moi, disons, savourant mes derniers pas. Vers 8 heures nous étions donc avec les autres qui se réchauffaient dans la cuisine-tente et qui nous acclamèrent à notre vue tout en haut, aidés de l’écho des montagnes. La gloire, quoi!!!
La deuxième journée de marche fut plus facile pour tous (sauf pour moi qui ai dû passer Mathilde au dos de Geneviève à quelques reprises). Les enfants étaient joyeux. Notre longue marche était principalement en descente dans une vallée dont la beauté a peu d’égale. Nous sommes arrivés bien en avance sur l’horaire, le temps d’étirer notre lunch et de laisser à certaines personnes, le bonheur de dormir sur l’herbe. Victor se bataillait avec Fabian. Tout le monde aussi heureux que fatigué. Juste avant de m’endormir j’ai pensé à cette phrase de Prévert (je crois) « Dépêchez-vous de déjeuner sur l’herbe, un jour l’herbe déjeunera sur vous ».
Rentrés à Urbina vers 15 heures, Rodrigo a insisté pour présenter aux enfants un de ses vieux rêves qui va se réaliser sous peu (il a déjà un site Web et des commandites): mettre en vie Condorman et sensibiliser ses compatriotes à l’environnement. Il a créé avec des amis ce super héro illustré avec ses alliés les animaux, les arbres, etc. et ses ennemis, la pollution, la désertification, l’ignorance… Son projet consiste à partir avec une troupe de théâtre, des marionnettes et à raconter dans plus de soixante villes et villages l’histoire de Condorman. Pour ajouter du piquant (et attirer l’attention des médias), ce fou sympathique et deux copains feront le trajet à la course ainsi que l’ascension des six plus hautes montagnes du pays. Le tout en trois mois.
Quel personnage! Ah oui, il partait le lendemain avec son neveu grimper le sommet du Chimborazo, pour la 33e fois.
Adios amigo loco y gracias… Fuimos a la cumbre del Carihuarazo!!!
Yves (et Geneviève)
Cette expédition restera à jamais, pour moi, comme une de nos plus belles expériences de famille. J’attendais ces deux jours de marche en montagne comme nos enfants attendent Noël à chaque année. Avec un peu d’appréhension aussi… Geneviève, avec raison, s’inquiétait des effets du froid et de l’altitude sur les enfants. Nous allions quand même dormir à plus de 4300m, dans des tentes. La température allait frôler le point de congélation. En demandais-je trop à la famille en Équateur?
Toujours est-il que nous avons quitté l’appartement d’Isabelle vers 19 heures le 29
Décembre. Direction Urbina; une vielle station de train transformée en camp de base par Rodrigo, notre guide pour l’expédition. Quelques mots sur lui : Il a 48 ans et lorsqu’il parle des montagnes, il a l’air d’un enfant aux tourniquets d’un parc d’amusement. Pour ceux qui ont connu l’ami Pierre Valiquette (que je salue quelque part en train d’aider dans un coin dangereux du Congo), il est pareil; cheveux très courts, visage carré, petite stature, forme physique incroyable, un peu excessif aussi. Rodrigo n’a plus qu’un poumon (!), l’autre, il se l’est fait piquer par des salauds il y quelques années durant une expédition au Chimborazo. Ces derniers l’ont battu alors qu’il s’était détaché les mains afin de s’enfuir. Malgré cela, Rodrigo est aujourd’hui un des meilleurs montagnards de son pays. Sa passion des Andes est aussi visible et vraie que contagieuse. Nous l’avons rencontré par hasard un dimanche après-midi où nous rentrions à Riobamba en provenance de Baños. Après quelques minutes de conversation, je lui ai demandé s’il avait déjà monté avec une famille comme la nôtre. « Y avait-il des expéditions qui nous étaient accessibles, sans trop de danger? »
Sa réponse fut que oui! Qu’il existait entre le Chimborazo et son voisin, le Carihuarazo, une passe qui consistait en deux marches de quatre heures très faisables pour les enfants. Nous avons fait sur le champ le pacte de réaliser cette expédition ensemble. Il m’a promis qu’il nous guiderait personnellement. Il gère une petite entreprise qui organise des expéditions en montagnes et il embauche de très bons guides. Mais, il voulait monter avec nous pour le plaisir d’une aventure différente en montagne, en famille (il est lui-même à la fois grand-père et jeune père!).
Quand nous sommes arrivés à Urbina vers 21 heures, il faisait froid. Autour de 5 degrés probablement. La beauté du ciel nous a tout de suite pris les yeux mettant en scène le début de notre aventure. Ils nous attendaient. Surprise : Un groupe de musique des Andes (six musiciens incroyables) a fait danser la vingtaine de montagnards qui dormaient, comme nous ce soir là, à Urbina avant de partir en montagne. Flûtes de pan, tambours, guitares ainsi qu’un petit instrument à douze cordes dont j’oublie le nom (du genre de celui de Thomas Fersen) et de belles voix indiennes nous ont bien réchauffés. Rodrigo sautait partout, invitait nos filles à danser, sifflait dans une grande corne de brume. Quel dépaysement! Pas autant à nous, semblait-il, qu’aux dix américains qui venait ici faire l’ascension du Chimborazo, la plus haute montagne de l’Équateur. Voilà, il se faisait tard. Nous avons dit bonne nuit et devant le feu du foyer de notre chambre, nous nous sommes endormis excités.
Le lendemain nous avons pris le petit déjeuner dehors sur le quai de l’ancienne gare. Un beau soleil nous réchauffait. Les sommets des deux volcans étaient bien visibles. Quelle chance! Quelques lamas regardaient, comme nous, l’expédition se préparer tranquillement… Il fallait monter le campement, l’équipement de camping, les vivres, les sacs de vêtements, l’équipement d’escalade, etc. Quatre personnes et cinq chevaux allaient monter avec nous; en plus de Rodrigo, Fabien (cuisinier et porteur) ainsi que Raymondo et Segundo (cavaliers et assistants au cuisinier) allaient avec la plus grande gentillesse rendre notre expédition sécuritaire et mémorable.
Nous sommes partis vers 9 heures en camionnette jusqu’au sommet de la route, à environ 3 900 mètres. Les cavaliers sont partis eux avec trois chevaux et le matériel de l’expédition. Ils allaient nous devancer pour aller installer le campement. De là, nous avons d’abord longé une magnifique vallée entre le deux grandes montagnes. Mathilde à mon dos, Victor sur celui de Fabien, son porteur (et à la fin inséparable complice), Florence ou Marie sur le cheval tandis que l’autre marchait au côté de Geneviève comptant les minutes avant son tour sur le dos de Russillo (le cheval). Nous avons marché les deux premières heures sans trop forcer, traversant au soleil de grands champs et quelques rivières provenant des glaciers. Un peu essoufflés par l’altitude, sans plus.
Après la pause pour le lunch, le temps a changé. Les nuages et le froid nous ont accompagnés jusqu’au campement. La deuxième partie de cette marche fut beaucoup moins facile. Une longue et constante montée sur le flan abrupt du Carihuarazo nous a pris tous nos efforts et notre énergie. Heureusement, la beauté de la nature et les paysages (cliché) nous encourageaient à continuer. Le vert était désormais derrière nous faisant le place aux blondes herbes, aux tout petits arbustes, aux pierres et à la terre brune des hautes montagnes. Le froid a vidé nos sacs. Toutes les pelures possibles mises, tuques et mitaines aussi, nous sommes parvenus au campement vers trois heures sous un ciel très gris. Il neigeait et grêlait faiblement. Les enfants étaient mêlés; fallait-il crier la joie de voir la neige tomber ou se plaindre du froid qu’il faisait? Ils ont fait les deux.
Heureusement, Raymondo et Segundo s’étaient bien rendus avant nous. Le campement était en place. Une grande tente pour cuisiner et un autre pour manger. Quatre autres petites Eureka pour dormir. Après s’être un peu réchauffé près du brûleur au gaz et avoir mangé des guimauves grillées (merci Geneviève) dans la tente qui servait de cuisine, nous sommes allés changer de vêtements et préparer les tentes pour la nuit qui commençait à tomber. On s’est ensuite attablé et un repas superbe nous a été servi; une soupe consistante aux légumes, du poisson, des côtelettes de porc, des pommes en purée, une salade de légumes cuits ainsi que des fruits en dessert. Rodrigo nous a raconté plein d’histoires tirées de ses expéditions dans les Andes.
Puis on s’est mis à parler de tout et de rien. On parlait de Noël et du Jour de l’An, des différences entre nos deux cultures. Il nous expliquait que pour le Jour de l’An, en Équateur, les gens construisent des pantins géants représentant des personnages publics qui ont marqué l’année. Lorsque minuit sonne le 31 décembre, ils les battent et les brûlent pour rire, naïvement. La tradition consiste aussi à se vêtir de noir le 31 au soir, en deuil de la nouvelle année. Puis, il a commencé à nous raconter cette triste histoire s’étant passée quelques jours auparavant (le lendemain de Noël). Cinq jeunes enfants ont été enterrés, alors qu’ils dormaient dans un conteneur à vidange, par un camion qui déchargeait son contenu. Il n’a fait que commencer l’histoire parce les larmes ont tout de suite mouillé ses yeux et la tristesse éteint sa voix. Nous avions lu la nouvelle dans le journal de Baños. Un des enfants a survécu; le plus vieux qui avait 9 ans je crois. Ces enfants avaient été mis à la porte d’une maison pour enfants seuls la veille et n’avaient trouvé que ce lieu sordide pour se réchauffer. La symbolique des enfants aux poubelles est tellement forte… Putain de vie parfois! Tous ce qu’on a pu se dire, c’est que cette histoire aurait pu avoir lieu à Montréal-Nord ou dans le quartier de la petite patrie à Montréal.
Vers 7h30 (!), la noirceur, le froid et la fatigue nous ont conduits à nos tentes. Genou avec Mathilde et Florence dans une, et moi avec Marie et Victor dans l’autre. La chaleur de la bougie quelques minutes a chassé un peu d’humidité mais pas le fond d’angoisse que vivaient les enfants. Mathilde surtout. Elle a pleuré longtemps et a mis beaucoup de temps avant de s’endormir. Marie aussi était angoissée. Elle pour une autre raison. Elle savait depuis des semaines que durant cette nuit j’allais partir avec Rodrigo et tenter d’atteindre le sommet du Cariharazo. Rodrigo avait beau lui avoir expliqué que ce n’était pas dangereux, lui avoir montré tout l’équipement de protection (crampons, piolet, cordes), il lui restait cette peur de me voir partir, (à la plus plus grande aussi, Geneviève, qui pensait à son bonheur de petit gars, au désir qu’elle avait aussi de les suivre tout en haut, mais aussi au pire! Yves lui laissait de plus le combat des fantômes et du froid des enfants de cette nuit si noire, humide et nébuleuse…houhou)
Après un bout de nuit difficile (Geneviève et moi plusieurs fois levés pour rendormir Mathilde ou pour le pipi de Victor), Rodrigo m’a réveillé comme convenu, vers deux heures et demie. Il fallait environ trois heures de marche et d’ascension avant d’atteindre le sommet, donc un départ vers trois heures. Après avoir avalé un grand bol de gruau à la cannelle et une double portion de tisane de coca, nous étions prêts à partir. Un gros manteau d’hiver, une tuque, une lampe frontale, des mitaines, des jambières, des guêtres, des bottes de montagnes et un sac au dos contenant mes crampons, de l’eau et une collation; voilà en gros l’attirail de l’alpiniste nerveux que j’étais. Allais-je m’y rendre?
La lune était brillante. Rodrigo est parti devant moi. (Je les ai vu partir tout secrètement et suivi leur petite lumière puis le brouillard les a enveloppé. Drôle de feeling!) Il m’avait prévenu, mais le rythme de notre marche m’a impressionné. De très lents pas toujours pareils. « Il faut s’imprégner d’un rythme, le suivre et arrêter le moins souvent possible » m’avait-il dit. Quand même, à ce rythme là allions- nous nous rendre au sommet avant le lever du jour? Nous avons marché environ une heure trente avant d’arriver au glacier. La lune était tellement forte que la frontale n’a pas été utile. Trois éléments impressionnants durant cette première phase : La vue du Chimbrorazo avec son sommet enneigé que l’on voyait comme s’il faisait jour; le cri des vicuñas (sortes d’antilopes dans la famille des lamas et des alpacas vivant à plus de 4000m) semblables à celui d’oiseaux; et finalement la beauté du ciel (Orion, la Grande Ourse à l’envers et mieux encore, la Croix du Sud).
Arrivés au glacier, j’étais encore plus impressionné. Rodrigo et son assurance m’ont beaucoup aidé à garder le calme qui m’a permis par la suite de savourer chacun des instants jusqu’au sommet de cette montagne. Il fallait mettre les crampons et s’attacher lui et moi. Une dernière revue des quelques techniques requises en cas de chute sur le glacier (l’usage du piolet pour ne pas glisser) et nous voilà sur la glace. Durant plus d’une heure nous avons conservé notre rythme plantant bien un pied après l’autre, contournant une crevasse ici, crispant tous les muscles parfois lorsque la glace craquait sous nos pieds. L’angle de la pente du glacier n’était pas si abrupte (bien qu’à quelques reprises il fallait poser les mains pour maintenir l’équilibre), mais une heure plus loin lorsque je regardais derrière, j’étais heureux d’être lié par cette corde à un des meilleurs alpinistes de l’Équateur (Rodrido m’a dit plus tard qu’il était allé près de 80 fois au sommet de cette montagne).
Une petite pause à la fin du glacier avant d’entreprendre le dernier droit, celui qui fut le plus difficile pour moi; le temps de boire de l’eau, de manger quelques amandes et de prendre quelques photos. L’escalade des derniers deux cent mètres se faisait sur une pente très abrupte couverte principalement de pierres mobiles. Rodrigo, six mètres devant mois devait être très prudent pour ne pas faire rouler ces pierres sur moi. Durant cette dernière demi-heure, j’ai touché à mes limites et vite compris que ma forme physique n’était pas celle de Rodrigo. Ce dernier dépassement m’a par contre permis d’apprécier davantage la joie d’atteindre le sommet.
Y a pas de mots pour décrire la magie et la grandeur de ces instants que j’ai passés au sommet de ce volcan (5020m). Quelques photos et quelques minutes de vidéo pourront bien sûr évoquer en partie la beauté de ce que je voyais. J’espère un jour vous les montrer. Voici ce qui m’a le plus impressionné : d’abord la certitude que le sommet des volcans constitue une drogue, j’en suis certain après avoir entendu ce cri de joie qu’a laissé sortir Rodrigo dès qu’il a atteint le sommet; je me rappellerai aussi toujours cette accolade complice que nous avons faite, lui et moi, quand j’ai atteint le sommet quelques secondes après lui; quelle chance, le soleil se levait pour nous allumant le glacier du Chimborazo auquel nous faisions face, nous étions à près d’un kilomètre du point sur terre le plus rapproché du soleil (à 6310m de par sa proximité de la ligne de l’équateur); ce plancher de nuages roses (tel qu’on les voit en avion) et le Cotopaxi dont on voyait clairement la cime (la cumbre) à plus de cent kilomètres; et finalement, le Tungurahua qu’on ne pouvait voir parce qu’il était à l’est ébloui par le soleil, mais qui nous a fait entendre le bruit de son ventre en éruption tel le tonnerre au loin.
Impossible dans ce silence de toucher à la beauté du monde et de ne pas penser à ceux qui nous sont proches, ma petite famille qui m’a suivi non sans difficulté dans cette expédition un peu périlleuse, à Geneviève surtout, qui m’a permis d’aller au bout de ce rêve. À mes parents aussi. Merci. Grâce à un poste-radio, nous avons appelé le campement vers six heures pour les rassurer et leur faire partager notre joie. Difficile aussi de ne pas se poser de questions sur la création de cette beauté, sur sa perfection vue de là-haut. Suivant les conseils d’André, j’en ai profité pour saluer le gars d’en haut avant de redescendre. J’avais deux questions pour lui. Et si tout pouvait être aussi beau, juste et équilibré à hauteur d’homme. Pourquoi notre planète ne pourrait-elle pas tourner moins vite dans le sens où elle court à sa perte? Repenser sa course…
Nous sommes redescendus en moins de deux heures, Rodrigo gambadant loin devant et moi, disons, savourant mes derniers pas. Vers 8 heures nous étions donc avec les autres qui se réchauffaient dans la cuisine-tente et qui nous acclamèrent à notre vue tout en haut, aidés de l’écho des montagnes. La gloire, quoi!!!
La deuxième journée de marche fut plus facile pour tous (sauf pour moi qui ai dû passer Mathilde au dos de Geneviève à quelques reprises). Les enfants étaient joyeux. Notre longue marche était principalement en descente dans une vallée dont la beauté a peu d’égale. Nous sommes arrivés bien en avance sur l’horaire, le temps d’étirer notre lunch et de laisser à certaines personnes, le bonheur de dormir sur l’herbe. Victor se bataillait avec Fabian. Tout le monde aussi heureux que fatigué. Juste avant de m’endormir j’ai pensé à cette phrase de Prévert (je crois) « Dépêchez-vous de déjeuner sur l’herbe, un jour l’herbe déjeunera sur vous ».
Rentrés à Urbina vers 15 heures, Rodrigo a insisté pour présenter aux enfants un de ses vieux rêves qui va se réaliser sous peu (il a déjà un site Web et des commandites): mettre en vie Condorman et sensibiliser ses compatriotes à l’environnement. Il a créé avec des amis ce super héro illustré avec ses alliés les animaux, les arbres, etc. et ses ennemis, la pollution, la désertification, l’ignorance… Son projet consiste à partir avec une troupe de théâtre, des marionnettes et à raconter dans plus de soixante villes et villages l’histoire de Condorman. Pour ajouter du piquant (et attirer l’attention des médias), ce fou sympathique et deux copains feront le trajet à la course ainsi que l’ascension des six plus hautes montagnes du pays. Le tout en trois mois.
Quel personnage! Ah oui, il partait le lendemain avec son neveu grimper le sommet du Chimborazo, pour la 33e fois.
Adios amigo loco y gracias… Fuimos a la cumbre del Carihuarazo!!!
Yves (et Geneviève)
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