20.2.05

La St-Valentin à Mancora

Toujours au Pérou. Dans ce grand pays de contrastes, après avoir passé près d’une semaine enivrante dans les Cordillères Blanches à déguster à chaque heure du jour les splendeurs de ces hautes montagnes aux neiges éternelles ( à 6700m d’altitude), nous voici les deux pieds dans le sable sur l’une des belles plages du nord à Mancora. L’eau chaude et les plus longues vagues de gauche au monde attirent surfers et touristes chiliens, équatoriens et argentins (et quelques rares canaiens!).

Nos enfants, nos amours

Le son des vagues chatouille notre sommeil. A peine 7 heures du matin quand on entend clinquer la vaisselle et des voix qui chuchotent dans la cuisinette. Tenir notre promesse et ne quitter la chambre que sur demande! Marlene est venue aider Marie et les autres à exécuter leur plan pour la St-Valentin. Ça sent les câlins et la tendresse avec cette épice toute précieuse qu’est la candeur.

On se fait tirer du lit pour découvrir une table toute garnie pour le déjeuner (salade de fruits, gaufres et marmelade) que jalouse même la mer à quelques mètres. Marie toute grande et fière nous invite officiellement à s’asseoir alors que Florence, les yeux rieurs, se mord les lèvres de confirmer qu’ils ont réalisé ça tout seuls. Victor, le petit blond à la culotte bleue (de Bob l’éponge), tout bronzé, tourne autour friand de goûter la première gaufre. C’est un estomac sur deux pattes celui-là, il a toujours faim! Quant à Mathilde, la bouclée aux yeux bleus (coqueluche sud-américaine), avec sa couche pendante qui crie son « u » (jus) et son excitation devant de la nourriture. Une autre gourmande! On la surnomme « gordita ou wawita en quechua »
.
Marlene assiste à tout ça rêveuse, hésitant entre rire ou pleurer, entre envier ou crier à l’injustice. C’est devant leurs albums de photos qu’hier, ils nous ont raconté leur triste histoire. Alberto et Marlene viennent de perdre leur second enfant, il y a à peine deux mois, le lendemain de Noël.

Leur première fille, Marlene ne l’aura jamais connue vivante. On lui a déposé son petit corps dans les bras, le lendemain, alors qu’elle avait repris des forces suite à une hémorragie. On avait cru bon lui cacher la mort de son enfant insinuant que le bébé était dans un autre hôpital. Dans ce mois, dans ce village (pueblo), quatre bébés sont morts à la naissance probablement dû à des conditions médicales précaires. Leurs petites croix, voisines au cimetière, en témoignent.

Cinq années à se dire forts et à cacher leurs larmes, à panser cette blessure qui refait surface à la vue d’une fillette qui aurait aujourd’hui son âge, qui aujourd’hui leur ferait des câlins! Cinq années à se convaincre qu’un tel malheur ne peut arriver deux fois. Cinq année à se ramasser des sous pour un accouchement à l’hôpital (500 soles, 200$).

En juillet 2004, naissait leur seconde fille, à Piura, la plus grande ville à proximité, à trois heures de bus. Tout c’est bien passé.
L’album photo sent à son tour toute la tendresse, les bisous et l’amour pour leur fillette Linky. De la naissance jusqu’à cette photo, où vêtue de blanc telle une princesse avec sa couronne de fleurs et ses chaussons blancs, son père l’embrasse une dernière fois dans son petit lit de bois blanc. Marlene derrière lui serre le chandail et semble crier sa douleur… Tous entourent la petite tombe. Ils sont près d’une cinquantaine, émus!
A sept mois, Linky succomba à une bronchite, à l’hôpital. Malgré tout ce qu’ils ont tenté pour sauver leur fille avec l’argent amassé, vendant même leurs effets personnels, cela n’a pas suffit.

Que dire devant des photos si troubantes? Si intense d’émotions et de douleurs de parents. Il y a des mots parfois inutiles que seuls les yeux savent bien traduire.

Malheur… Pourtant un autre rêve essaie de renaître. Tous les vêtements, les jouets et le mobilier du dernier enfant demeurent à la maison, en attente. Dans un mois un poupon y fera peut-être son nid. La mère porteuse, une jeune fille de Trujillo (connaissance éloignée) ne veut pas l’enfant et surtout veut cacher la grossesse à sa famille. Marlene et Alberto feraient tout pour payer la césarienne et assister à la naissance de leur troisième enfant. Quand on les a quittés, Marlène partait pour Piura, les doigts croisés, pour toucher le ventre de cette jeune fille.

Nos enfants sont bien choyés d’être nés au Nord, et combien le sommes-nous de les avoir tout près de nous en santé et rieurs?

Besitos para tous nos petits cœurs du Québec et d’ailleurs.

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