20.1.05

Nous entrons au Pérou

Dimanche 9 janvier

Bientôt dix lunes depuis la nouvelle année. On vous la souhaite libre! Avec tout ce que la liberté apporte de chance, mais aussi de choix parfois difficiles. Surprise. Nous sommes au Pérou. On revient tout juste des grandes places du centre de Lima, la capitale du Pérou. On s’y croyait quelque part en Espagne. Nous sommes dans ce pays depuis près d’une semaine déjà. Après avoir traversé en voiture près de 1500km de désert, nous sommes arrivés en après-midi dans cette métropole où vivent plus de 5 millions de personnes. À première vue, Lima ressemble beaucoup aux autres grandes villes de taille comparable. Sauf, qu’elle est aujourd’hui en plein désert. Jadis, avant que les Conquistador ne la ciblent pour y établir leur vice-royauté, cette grande plaine au bord du Pacifique était le jardin de ce continent. Trois ou quatre grands fleuves l’irriguaient avant de se jeter dans la mer. À notre départ de l’Équateur, Thomas (un ami dont je vous parlerai) nous a dit cette phrase qui m’est restée : «I’ve lived in Lima for six years, and it never rained. Not Once !».

Après avoir été plus sédentaires durant le mois de décembre, nous voilà repartis de plus belle. Au début, on devait effectuer ce trajet en avion (les vols locaux ici ne coûtent pas très chers), mais on a changé d’idée croyant que nos co-voyageurs allaient mieux apprécier leur séjour avec nous via les voies terrestres. Plus facile aussi pour eux, pensons-nous, de bien s’acclimater à l’altitude des hautes montagnes péruviennes qui nous attendent. Saviez-vous que Cuzco et le Machu Pichu (centre de la civilisation des Incas) sont à près de 4000m du niveau de la mer? Que le lac Titicaca est situé à plus de 3800m? Beaucoup de kilomètres, mais tellement de choses à se dire… On verra bientôt si c’était la bonne option.

Le Nord du Pérou est très pauvre, du moins sur la côte. Ce désert offre à ses habitants bien peu pour vivre; de quoi faire des briques d’argile pour construire des petites maisons. Pas de jardins, pas de bétails, même pas quelques poules. Deux ennemis infatigables semblent là, omniprésent : la chaleur et le vent. La mer fournit bien sûr ce qu’il faut de poissons et des fruits de mer, mais le reste fait terriblement défaut. Le désert a sans doute ses charmes, comme tous ces coins de la planète aux premiers abords anxiogènes. Il doit suffire d’y vivre assez longtemps pour les découvrir. Malheureusement, notre vitesse moyenne de 100 km/h ne nous aura pas permis de les saisir.

Dans ce désert, il y a bien quelques magnifiques vallées où miraculeusement sur des dizaines de kilomètre le vert perce. Des rizières bordées de palmiers nous ont transportés l’espace de quelques minutes en Asie, au Cambodge ou en Indonésie (non pas que nous y soyons allés (!); je cite ici le Lonely Planet). Quelques jolies villes aussi; Piura, Chiclayo, Trullijo (premières villes de colonie). Cette grande région fut surtout le site de plusieurs civilisations très anciennes. Près de Chiclayo, des archéologues ont d’ailleurs trouvé en 1987 (parmi les plus grandes découvertes archéologiques récentes) des pyramides qui dormaient encore discrètes abritant les restes d’un peuple qui les a érigées (les Mochica) Construite environ 300 ans après J-C, ces tombes du Seigneur de Sipan ont protégé des trésors (restes humains, céramiques, tissus, orfèvrerie, et autres) qu’on retrouve aujourd’hui dans un des plus grand musée du monde. Émouvante ces quelques heures. Sur notre route, nous avons croisé au moins une dizaine de ces sites (dont celui de Chan Chan situé près de Trullijo et classé par l’UNESCO dans le patrimoine mondial) qui ont été habités ou construits par des cultures fascinantes.

Ah oui! Les enfants suivent ne vous en faites pas. Pas toujours sans se plaindre des longues heures de route, mais étonnamment, rarement du fait qu’il faille toujours partir dès qu’on commence à être bien dans un endroit. De qui tiennent-ils? Ils posent plein de questions. Les grandes filles trouvent qu’elles connaissent bien peu leur pays. Nous aussi d’ailleurs. Marie hésite désormais entre deux carrières; celle de biologiste ou celle d’archéologue! Durant les fêtes, les filles ont pris du retard au plan académique. On se demande très souvent quel sera l’impact de ce voyage sur la vie scolaire de Marie et Florence. Même si Geneviève et moi rationalisons toujours en disant qu’ils apprennent tellement des choses, la marginalité de ce projet (choix de parents) comporte aussi des questionnements difficiles. Surtout pour Geneviève qui s’est donnée cette tâche difficile de mère-enseignante-itinérante. Florence commence à parler davantage l’espagnol. Marie dit désormais tout celle qu’elle veut. Victor, lui, a vu son deuxième film au cinéma (Los Increibles) et semblait suivre facilement l’histoire. Mathilde parle beaucoup elle aussi; bien qu’on ne sache pas encore si c’est du français ou de l’espagnol.

Traverser la frontière Equateur-Pérou n’a pas été simple. Nous avions pourtant une bonne préparation et, croyions-nous, les nombreux papiers requis (passeports, visas, permis de sortie de l’Équateur, permis de sortie de la voiture, immatriculation à mon nom, pas nos carnets de vaccination par contre!). Après avoir quitté Brigitte et Yolande à Cuenca mardi le 2 janvier, nous avons roulé environ cinq heures avant d’atteindre la limite du Pérou sur la côte du pacifique. Arrivés vers 15h dans ce décor de film d’aventure où l’on s’attendait à être super contrôlés, nous avons d’abord facilement franchis la frontière. Trop facilement. Les fenêtres et les serrures de la voiture bien fermées, nous nous sommes faufilés serrés dans la chaleur à travers des centaines de personnes affairées à l’on ne sait quoi (à la contre-bande nous a-t-on dit plus tard); allant des tireurs de chariots de vivres, aux commerçants de toutes sortes, aux policiers, aux cambistes, etc. À travers un grand marché rempli de fruits, de légumes, de chinoiseries quelconques et bien sûr d’animaux, nous sommes doucement passés. Mais voilà, près d’un kilomètre dépassés le pont international et le signe de bienvenue au Pérou, un premier contrôle nous arrêtait! « Ah bon, il fallait s’arrêter à l’immigration équatorienne. Il y a quatre kilomètres, dites-vous? On a rien vu, on vous le jure. Faut-il vraiment retourner et traverser encore deux fois ce chao? Quoi! Il nous faut aussi un permis de transit péruvien pour la voiture; un permis particulier puisque la voiture passera par la Bolivie et ne rentrera peut-être pas en Équateur par ce même bureau de douane. C’est écrit où, tout cela, monsieur le douanier? »

D’abord un pseudo-assistant douanier est monté avec nous pour nous montrer, de l’autre côté du pont international, le kiosque (non identifié) où nous devons obtenir ce précieux permis spécial. J’oublie son nom, il parle vite et son accent est différent. Notre espagnol est-il donc si fragile et sensible géographiquement? Geneviève se demande encore pourquoi je l’ai embarqué. On s’était juré de suivre les conseils unanimes de tous les initiés; pas des commissionnaires. Ce sont des arnaqueurs! Avec ce petit coup de main est venue la première d’une série de taxes amicales non obligatoires mais essentielles à la fluidité du processus. Un autre, plus jeune, est ensuite monté à la place de Genou coincée derrière avec les enfants, celui-là pour nous indiquer où était l’immigration équatorienne que nous avions loupée une heure auparavant. Celui-là s’appelle Luis. Péruvien, amical et cambiste officiel, selon la carte plastifiée qu’il porte fièrement à son cou, il nous conduit à la sortie officielle de l’Équateur (logique, comment entrer au Pérou sans être d’abord sortis de l’Équateur). Facilement tout les papiers sont traités et bien tamponnés. « Una familia numerosa » commentent-ils tous! « Si, si »

De retour au kiosque du permis spécial, heureusement tout s’est bien passé. Beaucoup de temps perdu. Quelques sueurs froides familiales aussi. Contre nos principes, j’ai dû laisser Geneviève et les enfant seuls dans la voiture (entourés d’une bonne douzaine de personnes qui les observaient bien appuyés sur notre LR tant aimée) pour aller avec le supposé agent de permis spéciaux faire des photocopies de mon permis de conduire et du matricule de l’auto (pour leurs dossiers, ils n’ont pas de photocopieuse!). Quand je lui ai dit que je ne voulais pas laisser ma famille seule. Il m’a offert d’y aller tout seul. « No gracias Senor! Mi papeles quedan con migo »

N’allez pas croire qu’il n’y a pas eu un brin de plaisir alors que nous nous enfoncions de plus en plus loin dans ces corridors qui étaient, tout sauf diplomatiques. Quelle joie aurons-nous un jour de repenser à ces souvenirs de voyages… De retour au Pérou, on a rempli six fois plutôt qu’une nos déclarations de douanes. Les passeports étampés et en lieu sûr, nous avons repris la route, fatigués, affamés (il était 18h30), mais heureux d’aller découvrir ce pays si riche en diversité.

Sur des routes aussi cahoteuses que celles de l’Équateur, dans le noir (ne roulez jamais à la noirceur disent avec raison les gens prudents) il nous restait encore deux longues heures à faire avant d’atteindre les plages de Mancora (les plus belles du Pérou semblait-il), notre destination. Nous les avons faites sans mésaventures. Heureusement, Mathilde et Victor ont perdus contre la fatigue et la chaleur. Endormis, ils n’ont rouvert les yeux que vers 21h alors que la magie des voyages, les avait transportés au bord de la mer dans un endroit paradisiaque (presque culpabilisant, genre club med). Nous avons fini la soirée les six dans la piscine de l’hôtel à entendre le bruit des vagues et en contempler le ciel en riant aux étoiles. Nous étions tellement biens que nous avons oublié de souper.

Voici à peu près l’essence de notre première semaine au Pérou.

Ah oui, aussi, nous avons été victime hier de notre deuxième crevaison dont j’ai déjà promis de ne pas parler. Je conserve mes résolutions, après tout, c’est le début de l’année!

Bonne année 2005

La famille en Équateur en fugue au Pérou

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