16.2.09

L'équilibre du monde

Etait-ce à cause du décalage horaire? Ou encore parce que les enfants ont vieilli depuis l’Équateur, qu’ils se couchent ici souvent en même temps que nous, trop tard, à l’heure où c’est plus facile de s’arrêter pour écrire. La popularité du Macbook y a fait pour beaucoup (les accès Internet et les devoirs font la file). La paresse, l’âge, qui sait? Bref, la discipline d’écrire, la disponibilité n’étaient pas tellement au rendez-vous pour moi. Ah oui, le travail quand même, l’enseignement (les ateliers avec les enfants et les XOs) nous a bien occupé chaque jour depuis une semaine. Heureusement, Genou, les enfants et les photos ont parlé de nos premières impressions.

Treizième jour en sol indien… Nous revenons d’un super week-end à 200 kilomètres environ à l’est de Bangalore. Objectifs : Célébration d’une St-Valentin toute spéciale et visite de quelques temples anciens (Belur, et Halebid), joyaux de l’État du Karnataka. Le plaisir aussi de sillonner les routes du pays, les paysages où le vert domine et la ruralité nous transporte loin dans le temps. Il est près d’onze heures, Ils dorment tous. Mathilde avec Geneviève à côté de moi et les trois autres dans une autre chambre du couvent où nous logerons encore quelques jours. Ils doivent rêver en cinquième vitesse. Il me semble que la vélocité ressentie dans le 4x4 qui nous a transporté d’Hassan à Bangalore, Prathab aux commandes, prendra encore quelques heures à descendre à la vitesse permise. Que dire des dépassements sur la route; Danger = (l’Afrique multipliée par l’Amérique latine) puissance 3! Cette poussée d’adrénaline explique sans doute pourquoi je n’arrive pas à dormir.

Nos premières impressions commencent tranquillement à s’effacer pour laisser la place à plus de perspective dans ce voyage. Les bruits des klaxons sont désormais quasi normaux, comme une sorte de sixième sens acquis rapidement pour rester en vie. Le temps qu’il fait ne se remarque presque plus. Le ciel est bleu, toujours, et entre 10 heures et 16 heures, l’ombre est prisée. Sinon, le climat est parfait. En attendant les pluies dans quelques semaines, la poussière flotte constamment partout dans l’air, mêlée aux fumées puantes échappées des moteurs. Les innombrables chiens bâtards qui rôdent la nuit faisant concert et s’étendant le jour en plein trottoir s’enjambent désormais naturellement. Tout comme ces ordures jamais collectées qui bordent les rues et qui brûlent ici et là! Tout cela fait partie de notre Inde, celle de laquelle on s’éprend un peu plus chaque jour. Mais, bien au-delà, ce qui nous dépassera sans doute longtemps encore, tout occidentaux que nous sommes, c’est l’impressionnant chaos fluide dans lequel on vient de s’insérer. Ce qui nous fascine et qu’on espère commencer à saisir durant ce voyage : C’est la mesure des grands nombres, la densité humaine, la cohabitation serrée du passé et du présent, du sacré et du quotidien, la course folle vers la perception du progrès.

Rien à voir avec la dimension que l’on se fait d’un pays en Amérique ou en Europe, comme me disait Kethes (collègue et ami sri lankais), l’Inde est davantage un sous sous-continent qu’un pays! Combien y a t-il de pays comptant plus de vingt langues officilielles, chacune parlée par plusieurs millions de personnes? Et c'est sans compter l’anglais (langue du travail), le hindi et l’urdu (langues nationales). Ici, pas moyens d’arrêter de compter tellement tout est hors proportion : près d’un milliard d’hindous qui respectent encore des centaines de rituels religieux qu’ils vouent à je ne sais trop combien de Dieux; 150 millions de musulmans qui se voilent de plus en plus chaque jour, paraît-il.

Quoi dire à propos de l’énergique Bangalore dans laquelle on s'est plongé… Ville de 7 millions d’habitants où circulent probablement autant de véhicules motorisés qu’à New-York. Principales différences : le carburant et le nombre de feux de circulation. C'est au diesel que tout avance et quant aux lumières, il doit y en avoir à peine plus qu'aux Îles de la Madeleines. Ici peu importe l’endroit, l’heure et la direction observés, c’est plein de gens qui bougent, au boulot plus souvent qu’autrement. Jeudi dernier par exemple, il est 9 heures le soir, une cérémonie se déroule sur le trottoir d'une rue principale devant temple coincé entre deux commerces : Un jeune homme fait bénir sa moto sur le trottoir. Entre parenthèses sacrées, un célébrant hindou scande une prière et tourne autour du bolide, bougie en main, après y avoir déposé des pétales de fleurs ici et là. Le jeune conducteur se recueille. Ses deux passagers sont empathiques. Quelques roupies plus tard, ils repartent en vitesse. Le quotidien n’a pas de temps à perdre, deux autres s’affairent à recharger le compte de leur téléphone portable. Tout juste à côté d’eux, une femme casse encore des pierres à la main pour produire du gravier (le chantier doit continuer demain). Au même moment un tas de rickshaws attendent impatients que la circulation reprenne son flot. C’est toujours l’heure de pointe, après tout, le jour se lève sur Silicon Valley. Bangalore exporte son énergie à l’occident qui n'a plus envie de travailler.

À la vitesse où ce pays se modernise, à la qualité de son système d’éducation, à l’ardeur de sa population, la grandeur et la fertilité de son sol, pas besoin d'être sociologue pour constater que l’équilibre du monde est en train de changer. Tiens, L’équilibre du monde (Rohinton Mistry), vous avez lu? Une sorte de Cent ans de solitude (G.G. Marques) que je vous recommande fortement.

Bon, je crois que c’est assez pour ce soir. Il faut dormir.

Y

6 commentaires:

  1. Continuez à nous faire voyager par votre blogue :)

    Les photos sont M-A-G-N-I-F-I-Q-U-E-S!

    Mai XXX

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  2. Anonyme6:08 p.m.

    Ça doit être formidale de voyager dans ce merveilleux pays!!! En passant BONNE FÊTE MATHOU!!!!!(en avance)... Et pour Yves et Victor: Kovalev est sur le "marché du hockey" pour etre échangé et Sergei Kostytyn est envoyé dans les ligues mineur!!!:(

    clo

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  3. Anonyme4:10 p.m.

    Yves tu devrais peut-être appeler les gars et leur dire d`arrêter de creuser ton lac, il est maintenant visible sur google map !! ( satellite )Tu me rapporteras un autographe de ghandi..

    Mario XXX

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  4. Anonyme5:23 p.m.

    Bonjour à toute la famille,

    Je suis contente de suivre vos péripéties à l'aide de vos commentaires et d'un guide routard qui m'apprend beaucoup sur vos destinations... La vie a l'air d,aller très vite...Il me semble que cela n'est pas très différent de votre rythme habituel... Comment faites-vous ? Je croyais que vous apprendriez le calme...je crois que vous vous êtes trompés de destination... à moins que ce soit plutôt la "plus que parfaite" pour vous... comment dis-tu cela: "fluidité dans le chaos"

    Bisoux

    Brigitte

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  5. Anonyme11:08 a.m.

    Allo Mathilde, petite chouchoute
    Même loin de toi, lolo pense à toi gros gros à tous les jours.
    Ici ,la neige ne cesse de tomber comme des confettis pour un jour de fête.Le sol est recouvert de crème glacée.
    ma petite soeur Line , à qui je téléphone tous les jours pour prendre des nouvelles me lit votre parcours en Inde.
    Notre pensée vous suit à chaque instant. Que votre voyage soit remplie de pure bonheur.
    Gros câlins à Victor,Laurence, Marie et gros doudou à Mathilde. Bizous, bizous Geneviève et Yves. Lolo et Germain xxxxxxxxxxx

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  6. Anonyme2:43 p.m.

    au cas où vous recevriez ce message (je pense que les autres flottent encore dans un espace inconnu), nous tenons à souhaiter le plus fantastique des anniversaires à Mathilde, notre belle filleule que l'on a bien hâte de serrer dans nos bras. Heureusement, il y a plein de beaux enfants indiens qui semblent enchantés de le faire pour nous. Merci de continuer à écrire vos blogs malgré les circonstances très prenantes qui vous entourent, gros becs tout collants de marmelade (je vous en garde).

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