4 décembre 2004
Il pleut ce samedi sur la petite ville de Baños. Les grandes font l’école sans trop chigner, Je viens d’endormir Mathilde dans un hamac en lui chantant l’Escalier de Paul Piché, notre chanson préférée à tous les deux! L’équateur est le premier pays qu’on visite ou les hamacs servent réellement leur fonction. Victor est à l’autre ordinateur portable, les yeux rivés sur « Mango la terre ».
On nous avait dit que Baños était jolie. Un peu comme une bonne bouteille, Genou et moi pensions la garder pour plus tard. « On la boira quand on recevra la visite des parents ou des amis ». Nous y sommes arrivés un peu par hasard. Avant de laisser Quito mardi dernier, un mail d’Isabelle (coopérante-volontaire du CECI) nous faisait changer nos plans. Gentiment, elle nous offrait son appartement à Riobamba pour un mois, le temps de ses vacances en Amérique centrale. Avant ce mail, nos plans étaient de partir et de trouver un appartement pour un mois à Cuenca; la ville la plus intéressante de l’Équateur (culture raffinée, jolie architecture coloniale, climat convivial, taille saisissable en un mois…). Ce premier plan comportait plein d’attraits, mais aussi quelques risques : allait-on trouver un appartement meublé pour seulement un mois? Une connexion Internet illimitée, après l’agua caliente y las seis camas était une condition sine qua non pour la famille en Équateur. La proposition d’Isabelle n’avait qu’un bémol : Riobamba est une ville beaucoup moins attirante que Cuenca. Bien qu’elle soient hyper bien située entre une demie douzaine de volcans, dont le Chimborazo et le Cotopaxi, Riobamba nous avait montré, durant les quelques heures ou nous y avons séjourné, un visage gris et une personnalité effacée. Du côté de la proposition d’Isabelle, la colonne des atouts était remplie (appartement parfait pour nous, gentillesse de l’offre. connexion Internet établie…), de son côté, l’alternative de Cuenca comportait trop de risques. Riobamaba a donc gagné : Vaut mieux tenir que courir … disent les équatoriens!
L’appartement d’Isabelle n’étant libre que dans cinq ou six jours (le 6 décembre), nous avons décidé d’espérer cette première halte dans la ville de Baños (à 1h30 de Riobamba). En plus d’être fort jolie, la ville est remplie d’histoire. Son sort ne tient qu’à un fil. C’est qu’elle est au pied du Tungurahua (5000m), un volcan qui l’a fait plusieurs fois se reconstruire. Tout récemment en 1999, une immense éruption volcanique suivie de fortes coulées de lave ont chassé les habitants (25,000)de la ville pour plus d’une année. Assiégée par des policiers, plus ou moins honnêtes, Baños a été reprise de force par ses habitants furieux de se faire piller leur propriété. Ils semblent avoir oublié mais, le cratère du volcan est toujours couvert d’un gros nuage gris foncé en forme de champignon. La route qui mène directement à Riobamba est d’ailleurs encore fermée. Plus surprenant encore, le bruit du ventre du Tungurahua qu’on peut entendre en posant l’oreille près de son cou.
Baños de Los Aguas Santas, comme son nom l’indique, est surtout connue pour ses sources thermales. Beaucoup plus vielles que celles de Papallacta, les piscines de Baños sont remplies d’une eau jaune. Quand on s’y repose, on a un peu l’impression de tremper dans de la soupe aux poids. L’odeur de l’eau est d’ailleurs, selon les enfants, semblable aux suites de la consommation de cette même soupe! On s’y est baignée avec joie. Il faut dire que les glissades d’eau qui donnaient sur des piscines d’eau froide et claire ont aidé à motiver les enfants.
L’autre intérêt de Baños est d’être située à l’entrée de la jungle, dans une nature spectaculaire (tu vois Pierre, je n’ai pas tout à fait oublier Cossette). C’est ici qu’on a pu faire notre premier vrai long contact avec la nature de ce pays. Température oscillant entre 20 et 25 degrés; le climat est parfait pour de longues marches en montagne. Un matin, les enfants ont fait l’école buissonnière et nous sommes partis escalader le Tungurahua. Les enfants ont gravit pendant plus d’une heure jusqu’au Mirador de la Bella Vista (la croix très haute qu’on voyait le soir du balcon de la chambre). Après une pause arrosée de jus frais (de mûres et d’ananas), nous avons poursuivis notre jolie caminata jusqu’à une auberge située un heure plus haute (vues incroyables, soleil, sentiers à flanc de montagne). Pause pour le dîner à l’auberge Luna Rutun impliquant un arrêt de quelques heures le temps du somme de Mathilde, mais surtout l’arrêt au Spa pour les traitements de Marie et Geneviève (deux traitements facials au miel, aux fruits et à l’avocat). Vous avez bien lu! Attendez de voir les photos et les sourires sucrés de Marie qui a pris les sous qu’elle a reçus de grand-maman pour sa fête. Je ne sais pas si c’est la potion du traitement ou l’idée qu’elle devient une jeune femme, mais le sourire de Marie a changé à cet instant là. Pleins d’énergie, nous avons amorcé notre descente en route vers la Vierge de Baños, (environ un kilomètre plus loin et 300m plus bas qui elle, est située au bout de milles marches montant du cimetière de la ville. Sûrement un des plus long et beau chemin de croix au monde. Retour vers 17h avant la noirceur qui allait tomber une heure plus tard, soit trois heures plus tôt que ces infatigables petits explorateurs.
Le lendemain ce sont les grands fleuves et les chutes dans la jungle qui devaient nous captiver. Bien qu’elles soient impressionnantes (El Pailon del Diablo est la 12e plus grande chute au monde), elles se sont faites voler la vedette par la tarabita; une sorte de nacelle, comme celles utilisées il y a longtemps par les indigènes pour traverser les grandes rivières. Le concept fait peur! Un long fil de fer d’environ de 500m tendu entre deux montagnes. Le hic, c’est la hauteur. À plus de 200 mètres, debout dans ce petit panier, on se demande d’abord si c’est très responsable d’y avoir fait monter sa précieuse famille. Le vertige et l’excitation chassent rapidement ces pensées occidentales. Après tout, les habitants des petits villages de chaque côté de cette ingénieuse invention traversent tous les jours, avec leur toute aussi précieuse famille. Rendus sains, saufs et affamés, nous avons mangé dans une casaria (communauté de quelques maisons) chez une dame qui nous a préparé les meilleures truites qu’on puisse goûter. Leur fraîcheur étant garantie par le fait que les enfants les avaient pêchées eux-mêmes avec des canes en bambou et des rires, dans l’étang tout près de la maison.
Notre voyage se transforme doucement en expérience. Exactement celle que nous souhaitions vivre. Les enfants, bien qu’ils parlent beaucoup de familles et d’amis, sont maintenant dans le même rêve que nous; celui de l’aventure et du mouvement qui mène, je le crois, au dépassement de soi. Marie a dit lors d’un souper cette semaine qu’il faudra refaire un projet dans deux ans, cette fois en Inde ou en Chine. Florence commence à comprendre autant l’espagnol que sa sœur. Elle a hâte de faire son entrée à l’école en avril à Pascuales près de Guayaquil. Victor et Mathilde grandissent beaucoup et heureux, je crois, dans la proximité intense de leur famille.
Avec la fin de cette première phase viennent aussi les questions plus existentielles. Certaines plus sociales; celles des grands écarts entre la vie de ces personnes et la nôtre; celles de l’utilisation folle que nous faisons des ressources de la planète (i.e. des entreprises pétrolières dont Texaco, mais des canadiennes aussi, pompent des quantités incroyables de pétrole de la forêt amazonienne de l’Équateur en la souillant et en déplaçant des populations entières, tout cela pour assouvir notre soif pour cette énergie); celle de l’économie de ce pays qui se transforme comme en occident en économie du savoir et de l’information. Qu’allons-nous faire plus tard, unn jour, avec toute cette information? D’autres questions sont plus personnelles; pourquoi ce droit et cette chance que nous avons de s’arrêter pour vivre et penser? Comment bien utiliser ce temps? Vers ou doit aller la suite?
Riobamba après-demain. On aura une connexion Internet, un bel appartement. Le temps sera propice pour préparer Noël. Ce soir on a pigé pour notre échange de cadeaux fabriqués. On fera en décembre un saut à Guayaquil pour rencontrer Sœur Jeanine avec qui on veut travailler en avril. On lira beaucoup sur le Pérou et les Incas avant notre voyage là-bas en janvier. On se prépare aussi à recevoir nos premières braves visiteures : Brigitte et Yolande qui viennent de Québec pour les semaines des fêtes. On confirme aussi la rencontre des parents de Geneviève à Lima en Janvier et l’arrivée des miens en mars.
Réservez vos dates… nous, on dépose nos valises pour quelques semaines.
Lafamilleenequateur
Muchos besos
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