10.12.04

Ça changerait ma vie... Posted by Hello

Si j’avais un char (suite et fin)

Ou Chronique du mort annoncée… (G.G. Marquèz)

Je reprends donc la saga au moment où notre voiture vient d’avoir une deuxième bouffée de chaleur à Bahia de Caraquez… Après nous avoir montré sa vraie personnalité de malade chronique, Bahia de Carrao (désormais son nom) nous forçait donc à faire un premier détour. Manta allait devoir attendre, il faut rentrer dans les terres à Portoviejo (capitale de la province du Manabi) pour comprendre la cause de ces chaleurs. Il est 12h30 et les enfants ont faim, très peu empathiques à la condition précaire de Bahia. Geneviève plonge rapidement le Lonely Planet, comme à chaque fois où nous approchons d’une nouvelle ville; où manger, où dormir, et cette fois où trouver un bon garagiste? Victor voulait un burger. Après tout, il n’y a pas qu’à Bahia qu’il faut faire plaisir. L’efficace co-pilote trouve heureusement les coordonnées d’un petit restos qui fait, semble t-il, les meilleurs burgers de Portoviejo.

Arrivée vers 13h30. Il fait chaud sur le trottoir où notre petite table obstrue le passage aux piétons. Entre le vendeur de loterie (eh oui!), qui s’est fait remarqué en crachant aux pieds de Geneviève et l’autre vendeur de chinoiseries, nous avalons des burgers qui s’avèrent à la hauteur de leur réputation. « Y a-t-il un maestro, ici à Potoviejo, qui connaisse les Land Rover ? ». Oui, selon notre restaurateur dont l’ami en possède un très vieux. Quelle chance quand même! Il s’appelle Andres et son atelier est tout près, juste à côte du cimetière (vous ais-je dit que les cimetières en Équateur sont toujours très propres, tout peints en blanc?), et il se spécialise dans les voitures importées.

À peine sommes nous arrivés dans le petit atelier, belle petite entreprise familiale, voilà que nos sauveurs lâchent tout et se mettent à plat ventre devant la grande malade. Après avoir décrypté mon récit, noté que l’air climatisé ne fonctionnait pas (on avait remarqué) et touché à deux ou trois parties de Bahia, Andres avec sa bonhomie et ses grands yeux bleus nous redonnent rapidement espoir. Rien de grave, un épisode de sa ménopause, sans plus nous dit-il. Il fait chaud sur la côte, Elle vient des montagnes où il fait froid. Ça explique en partie. Il me conseille donc de changer son thermostat dès notre retour à Quito. Ça ne presse pas semble t-il. Il ne faudra que quelques heures pour remplacer l’eau du radiateur par de l’antigel et pour injecter du fréon dans l’AC, ensuite tout sera beau. On pourra remonter dans la Sierra (les montagnes). La famille retrouve donc rapidement son sourire. On marche un peu dans le quartier et jase avec Andres et sa famille. Autre note rassurante, le moteur avaient commencé à émettre un drôle de son (une sorte de claquement) quand nous accélérions. Rien de grave encore. « Tu mets sans doute de l’essence Extra et non de la Super » devine t-il. « Voilà, change d’essence et ce son disparaîtra. Ici, l’essence Extra est pleine de poussière ». Avant de quitter, Andres monte avec nous pour un petit test. Tout va bien. Je lui remet ces 30 billets verts et nous voilà enfin repartis. Chido (cool), encore une heure avant la noirceur! Excités et naïfs, comme Don Quichote de la Mancha après une mésaventure, nous partons nous dormir à Manta, sans oublier de faire à Portoviejo en la quittant, un grand pied de nez.

La ville de Manta, une belle soirée, un bon souper dans un resto italien (le soir où Brigitte nous apprend sa venue) une nuit de sommeil et la mer nous font oublier les récents malheurs de Bahia. Elle a bien su faire sa place, se dit-on. Après tout, surpasser Mathilde n’est pas une mince affaire. Il fallait donc qu’elle en fasse beaucoup. Matinée agréable le lendemain; passage à Monte-Cristi, célèbre pour la fabrication de chapeaux tressés de pailles très fines. Trop beaux, on en achète quelques-uns, dont un pour François qui est la seule personne qu’on connaisse qui porte des chapeaux. Dommage il faut partir : Destination Latacunga et les volcans. L’air frais nous fera à tous le plus grand bien. Bahia semble en pleine forme (maintenant abreuvée à la Super), il le faut, on doit faire ce jour-là 6 heures de route et une ascension de plus de 3000m.

Vers les montagnes, la route repasse par Portoviejo, ce qui est de mauvais augure. Superstitieux, nous croisons tous nos doigts (60 quand même) et surveillons à 12 yeux l’aiguille de la température. Tout va bien jusqu’à Portoviejo. Et puis là, merde, au milieu de la première côte après la ville, de la fumée ressort de sous le capot. Nous, c’est par les oreilles que la boucane nous sort. Demi-tour. Il fait plus chaud que la veille quand on se pointe devant l’atelier d’Andres qui semble à moitié surpris de nous revoir. Tout aussi gentil, il revient constater lui même le problème. Au milieu de la même côte, même symptôme. Bahia commence vraiment à nous énerver! En redescendant, le maestro me dit d’arrêter chez des amis qui ont un atelier de réparation de radiateurs. Aussi gentils, ils laissent les tâches qu’ils faisaient et se penchent sur les cas de l’hystérique Bahia de Carrao! Il faut retirer le radiateur et le nettoyer. Il y a peut-être une fuite. « Combien de temps ? » 2 heures me répondent-ils (il faut entendre au moins quatre). « ¿ Y cuanto cuesta ? ». 10 piastres disent-ils. « Pas le choix ». On croyait à ce moment là avoir touché le fond du baril. Deuxième dîner forcé à Portoviejo en deux jours, et ce, sous la même chaleur lourde et grise.

Geneviève m’impressionnera toujours par cette force qu’elle a reçue de sa mère. Imaginez la scène… Il est 11h30, et à 20 mètres de l’atelier de radiateur se trouve un petit resto de comida typica. La seule table sur le trottoir est libre. La mère enseignante installe calmement Marie et Florence pour y faire l’école avant de dîner, avec les cahiers et tout! Pendant que Victor et moi regardons les trois gars sortir le radiateur encore chaud, Mathilde est dans la voiture et joue avec quelques « playmobils ». Ah oui! L’atelier, c’est le trottoir. La rue est très passante. Les gars travaillent bien, mais le sol est couvert d’huile et de vielles pièces de radiateurs. Un des gars est en train de souder, l’autre tape avec un marteau sur un vieux radiateur de camion. Entre ces deux commerces, un autre où l’on vend des boissons gazeuses des bonbons. Le vieux et la vielle qui l’exploitent s’attablent sur le même trottoir et commencent à manger, en écoutant la télé. Plus fort que le son de leur télé, celui de leur sapin de noël (mi-novembre). Vous savez le même « Vive le vent » qui sort des cartes musicales qu’on achète chez Jean-Coutu.

« Moman, moman, ton fils passe un mauvais moment ».Valait mieux en rire…

Après les quatre heures anticipées, nous repartons, cette fois là, avec un optimisme prudent. Il y avait un trou dans le radiateur. Ici, nous commençons à comprendre un trait de caractère de nombreux travailleurs équatoriens; celui qui consiste à dire à son interlocuteur le minimum (ou ce qu’il veut entendre) pour qu’il parte content et ne nous achale plus. En route vers Quevedo (pas questions de rester à Portoviejo) les enfants s’endorment épuisés. Les paysages changent rapidement. On monte, on monte… Bahia ne fait plus de fièvre. Elle fait cependant de nouveaux bruits inquiétants dont on ne comprendra la cause que plus tard. Pour l’instant, Geneviève et moi faisons semblant de ne pas les entendre. La fraîcheur nous fait du bien. Nous arrivons enfin à Quevedo, avec la noirceur.

Je ne vous raconte pas tout le chapitre qui s’est déroulé dans cette ville. Ça devient sans doute trop long pour le lecteur. Seulement quelques points pour vous dire que l’hôtel Olympico possède une magnifique piscine de dimension olympique (!) et des glissages d’eau qui ont fait le bonheur des enfants. J’ajouterai quelques mots pour illustrer ce chapitre sauté : pertes d’huiles importantes, deux pistons hors d’usage, quelques bougies pleines d’huiles et un contrôle policier. Bahia en est à ses derniers milles! Nous en sommes presque certains. Le maestro de Quevedo est affirmatif. Elle ne fera pas le voyage jusqu’à Quito. Notre seule alternative est donc d’aller vers Guayaquil à trois heures de route au sud vers la côte (sans la moindre montagne à franchir).

En boucanant (pauvre planète), nous avons donc mis quatre heures (nous devions rouler à 70 km/h maximum) et deux pintes d’huile pour se rendre jusqu’à la plus grande ville du pays. En arrivant au garage Land Rover, juste avant la fermeture du jeudi soir, un gars nommé Victor a tout juste eu le temps d’ouvrir le capot et d’écouter avant de confirmer froidement que Bahia était très mal en point. Rendez-vous demain à 8h à l’urgence. C’est quand même avec elle que nous sommes tous partis chercher une chambre dans cette ville, qui pourrait être New-York si l’Équateur se trouvait aux États-Unis; par sa densité, ses avenues larges de six ou sept voies, autant de taxis, de bruits, d’odeurs, de complexité. Ce soir-là, nous avons acheté la paix au Grand Hotel de Guayaquil pour un séjour d’une durée indéterminée.

Ici (enfin diront certains) se termine donc l’histoire de Bahia… Le lendemain matin, vers huit heures, Victor et moi avons conduit Bahia, très malade, jusqu’à l’hôpital pour Land Rover. Une dernière bataille dans la circulation agressive de Guayaquil. Était-ce notre dernier bout de chemin ensemble? Qu’allions nous faire sans elle? Beaucoup de mots et plusieurs avis ont été échangés durant cette trop longue journée. Le dernier, celui qui a fait le plus mal, fut celui d’Hugo, un des rares garagistes que j’ai cru dans toutes cette histoire. Le moteur est à refaire au complet. L’ancien proprio a camouflé ce problème. Il savait que les jours de sa voiture étaient comptés. Il semble qu’en changeant une pièce entre les deux sections importante du moteur, on puisse maquiller temporairement une torsion ou une fuite. Sauf erreur, je crois que cette pièce s’appelle le joint de culasse. Bref, Hugo avec assurance, respect et empathie est resté avec moi et deux collègues jusqu’à 7h vendredi soir pour m’expliquer comment j’avais pu me retrouver dans cette situation; de l’inspection de la voiture, en passant par les épisodes de surchauffe, les pertes d’huile, les pistons qui lâchent jusqu’à la vision du cœur Bahia défait en pièces.

- Combien?
- Trop de milliers de dollars.
- Le temps?
- Trois ou quatre semaines (certaines pièces doivent arriver de Miami).

En revenant dans la noirceur du taxi, je dois avouer que j’étais tout à l’envers. Comment allions-nous nous sortir de cette situation? Le voyage commence plutôt mal me disais-je. Par chance, j’avais un p’tit bonhomme de cinq ans avec moi, qui lui, bizarrement était tout émerveillé. « Regarde Papa, regarde les trous. À travers le plancher on voit la rue. Tu vois les caillous !». C’était pourtant vrai. Deux immenses trous au plancher de ce vieux taxi rendaient mon fils heureux. Il les avait découvert en soulevant les tapis. J’ai alors serré Victor très fort dans mes bras pour deux raisons : la première pour me réconforter et pour le remercier de m’avoir accompagné au garage trois fois ce jour-là; mais surtout, en y repensant aujourd’hui, parce qu’il m’a fait voir à cet instant-là, par ces ouvertures anodines, une perspective joyeuse et simple de la vie. Il m’a candidement montré une vision différente de celle que nous connaissons trop: celle de la perfection et de la facilité. Une vision de laquelle ont voulait s’éloigner durant ce voyage.

Naturellement tout s’est arrangé. Le lundi suivant, après un week-end joyeux à découvrir Guayaquil et le parc du Malecon dont on reparlera, je suis retourné chez Land Rover, et aidé par Manuel Carriel (avocat dont on vous reparlera également dans un prochain post) nous avons négocié d’échanger Bahia et des dollars contre une nouvelle voiture (LR 98 verte) qui depuis plus d’un mois a fait l’ascension de plusieurs hautes montagnes en contribuant à notre bonheur.

Voilà! Je ne parle plus de voitures. Promis. Enfin j’espère…

Yves

8.12.04

Perchés dans la jungle

26 novembre 2004

Il est tôt. Ma marmaille dort encore, mais celle de l’extérieur dans cette jungle luxuriante piaille depuis plusieurs heures. C’est étonnant, grandiose! De partout des sons arrivent, des oiseaux fuient et le coq quelque peu enroué s’exclame. Derrière un léger brouillard, quelques vaches et veaux s’amènent. Tout n’est que vert. Vert et immense. Il pleut encore.

Notre oasis tout en bois est suspendu à plusieurs mètres du sol. Tel un immense balcon coiffé d’un toit de tôle, sous lequel reposent une cuisine, une salle à manger, deux immenses hamacs et un coin lecture. Seules les quatre chambres qui abritent plusieurs lits sont fermées. Le bois porte les empreintes de lames. Tout porte à la quiétude… et à l’écriture. Deux nouveaux sons s’amènent, mes deux M : Mathilde et Marie. Les hamacs les interceptent. Au balancement de ceux-ci, des chansonnettes s’ajoutent au concert!

Le voile du brouillard semble se lever peu à peu. Tels mes deux autres Florence et Victor qui viennent nous rejoindre et se pendre au garde-corps pour contempler ce spectacle de vaches, de vert, de la pluie et des oiseaux. Ça vaut mille émissions de télé. Quelle chance nous avons de se mêler de si proche à cette nature incroyable.

Une petit ruisseau serpente non loin et un étroit pont de bambou le traverse. Hier dans l’obscurité, chargés de nos bagages, de vivres et des enfants, nous l’avons d’ailleurs enjambé avec un peu de vertige. Il était 19h30 quand nous avons finalement trouvé l’endroit. Sarallama, l’oasis de Catherine et Fernando, du nom de leur fille cadette, en pleine forêt tropicale.

Après trois heures et demie de route de Quito, dont la moitié sur un chemin de terre, à croiser monts et rivières, nous étions emballés de découvrir cette jungle tant parlée. Toutefois une certaine nervosité s’installa en même temps que l’obscurité. En suivant le plan de Fernando, nous avons loupé une piste. La rivière parfois large et puissante nous accompagnait et se mêlait à une cacophonie incroyable de sons étranges d’oiseaux ou de bêtes. La route boueuse, quant à elle, offrait de plus en plus de longues herbes et d’énormes trous entremêlés de roches et de troncs de bambous. Nous éclairant de ses phares, notre nouvelle Bahia nous conduisait allègrement dans cette aventure. Auparavant, l’excitation de Marie d’avoir aperçu un morpho bleu parmi les oiseaux à dos jaunes et ceux orangés fut communicative. Le 4x4 chantait, riait, criait sur le chemin cahoteux. Déjà, les morphos n’étaient plus que lucioles. Nous avons donc rebroussé chemin dans tout le sens de ce terme et avons pris la fourche, le second chemin. Ouf, se fut le bon!

Angel et Jessica ronde de son 4e enfant qu’elle aura en février, sont venus au devant, accompagnés des chiens et de leurs enfants. Ils ont vite illuminé cette demeure impressionnante juchée à certainement quatre mètres du sol. Fatigués, affamés mais heureux de se trouver dans un univers si différent et magnifique, on s’est cuisiné un plat de riz avant d’aller tranquillement dormir sous des moustiquaires, dans une certaine humidité.


Voilà, mon amour qui se lève, et vient nous rejoindre à son tour, au même instant où Angel arrive avec un plat de petites bananes toutes jaunes. Il les a prises sur le terrain en revenant d’aller chercher le lait chez le voisin.

Fin de ma matinale et trop courte session écriture.

7.12.04

Baños; dernier arrêt avant de déposer les valises!

4 décembre 2004

Il pleut ce samedi sur la petite ville de Baños. Les grandes font l’école sans trop chigner, Je viens d’endormir Mathilde dans un hamac en lui chantant l’Escalier de Paul Piché, notre chanson préférée à tous les deux! L’équateur est le premier pays qu’on visite ou les hamacs servent réellement leur fonction. Victor est à l’autre ordinateur portable, les yeux rivés sur « Mango la terre ».

On nous avait dit que Baños était jolie. Un peu comme une bonne bouteille, Genou et moi pensions la garder pour plus tard. « On la boira quand on recevra la visite des parents ou des amis ». Nous y sommes arrivés un peu par hasard. Avant de laisser Quito mardi dernier, un mail d’Isabelle (coopérante-volontaire du CECI) nous faisait changer nos plans. Gentiment, elle nous offrait son appartement à Riobamba pour un mois, le temps de ses vacances en Amérique centrale. Avant ce mail, nos plans étaient de partir et de trouver un appartement pour un mois à Cuenca; la ville la plus intéressante de l’Équateur (culture raffinée, jolie architecture coloniale, climat convivial, taille saisissable en un mois…). Ce premier plan comportait plein d’attraits, mais aussi quelques risques : allait-on trouver un appartement meublé pour seulement un mois? Une connexion Internet illimitée, après l’agua caliente y las seis camas était une condition sine qua non pour la famille en Équateur. La proposition d’Isabelle n’avait qu’un bémol : Riobamba est une ville beaucoup moins attirante que Cuenca. Bien qu’elle soient hyper bien située entre une demie douzaine de volcans, dont le Chimborazo et le Cotopaxi, Riobamba nous avait montré, durant les quelques heures ou nous y avons séjourné, un visage gris et une personnalité effacée. Du côté de la proposition d’Isabelle, la colonne des atouts était remplie (appartement parfait pour nous, gentillesse de l’offre. connexion Internet établie…), de son côté, l’alternative de Cuenca comportait trop de risques. Riobamaba a donc gagné : Vaut mieux tenir que courir … disent les équatoriens!

L’appartement d’Isabelle n’étant libre que dans cinq ou six jours (le 6 décembre), nous avons décidé d’espérer cette première halte dans la ville de Baños (à 1h30 de Riobamba). En plus d’être fort jolie, la ville est remplie d’histoire. Son sort ne tient qu’à un fil. C’est qu’elle est au pied du Tungurahua (5000m), un volcan qui l’a fait plusieurs fois se reconstruire. Tout récemment en 1999, une immense éruption volcanique suivie de fortes coulées de lave ont chassé les habitants (25,000)de la ville pour plus d’une année. Assiégée par des policiers, plus ou moins honnêtes, Baños a été reprise de force par ses habitants furieux de se faire piller leur propriété. Ils semblent avoir oublié mais, le cratère du volcan est toujours couvert d’un gros nuage gris foncé en forme de champignon. La route qui mène directement à Riobamba est d’ailleurs encore fermée. Plus surprenant encore, le bruit du ventre du Tungurahua qu’on peut entendre en posant l’oreille près de son cou.

Baños de Los Aguas Santas, comme son nom l’indique, est surtout connue pour ses sources thermales. Beaucoup plus vielles que celles de Papallacta, les piscines de Baños sont remplies d’une eau jaune. Quand on s’y repose, on a un peu l’impression de tremper dans de la soupe aux poids. L’odeur de l’eau est d’ailleurs, selon les enfants, semblable aux suites de la consommation de cette même soupe! On s’y est baignée avec joie. Il faut dire que les glissades d’eau qui donnaient sur des piscines d’eau froide et claire ont aidé à motiver les enfants.

L’autre intérêt de Baños est d’être située à l’entrée de la jungle, dans une nature spectaculaire (tu vois Pierre, je n’ai pas tout à fait oublier Cossette). C’est ici qu’on a pu faire notre premier vrai long contact avec la nature de ce pays. Température oscillant entre 20 et 25 degrés; le climat est parfait pour de longues marches en montagne. Un matin, les enfants ont fait l’école buissonnière et nous sommes partis escalader le Tungurahua. Les enfants ont gravit pendant plus d’une heure jusqu’au Mirador de la Bella Vista (la croix très haute qu’on voyait le soir du balcon de la chambre). Après une pause arrosée de jus frais (de mûres et d’ananas), nous avons poursuivis notre jolie caminata jusqu’à une auberge située un heure plus haute (vues incroyables, soleil, sentiers à flanc de montagne). Pause pour le dîner à l’auberge Luna Rutun impliquant un arrêt de quelques heures le temps du somme de Mathilde, mais surtout l’arrêt au Spa pour les traitements de Marie et Geneviève (deux traitements facials au miel, aux fruits et à l’avocat). Vous avez bien lu! Attendez de voir les photos et les sourires sucrés de Marie qui a pris les sous qu’elle a reçus de grand-maman pour sa fête. Je ne sais pas si c’est la potion du traitement ou l’idée qu’elle devient une jeune femme, mais le sourire de Marie a changé à cet instant là. Pleins d’énergie, nous avons amorcé notre descente en route vers la Vierge de Baños, (environ un kilomètre plus loin et 300m plus bas qui elle, est située au bout de milles marches montant du cimetière de la ville. Sûrement un des plus long et beau chemin de croix au monde. Retour vers 17h avant la noirceur qui allait tomber une heure plus tard, soit trois heures plus tôt que ces infatigables petits explorateurs.

Le lendemain ce sont les grands fleuves et les chutes dans la jungle qui devaient nous captiver. Bien qu’elles soient impressionnantes (El Pailon del Diablo est la 12e plus grande chute au monde), elles se sont faites voler la vedette par la tarabita; une sorte de nacelle, comme celles utilisées il y a longtemps par les indigènes pour traverser les grandes rivières. Le concept fait peur! Un long fil de fer d’environ de 500m tendu entre deux montagnes. Le hic, c’est la hauteur. À plus de 200 mètres, debout dans ce petit panier, on se demande d’abord si c’est très responsable d’y avoir fait monter sa précieuse famille. Le vertige et l’excitation chassent rapidement ces pensées occidentales. Après tout, les habitants des petits villages de chaque côté de cette ingénieuse invention traversent tous les jours, avec leur toute aussi précieuse famille. Rendus sains, saufs et affamés, nous avons mangé dans une casaria (communauté de quelques maisons) chez une dame qui nous a préparé les meilleures truites qu’on puisse goûter. Leur fraîcheur étant garantie par le fait que les enfants les avaient pêchées eux-mêmes avec des canes en bambou et des rires, dans l’étang tout près de la maison.

Notre voyage se transforme doucement en expérience. Exactement celle que nous souhaitions vivre. Les enfants, bien qu’ils parlent beaucoup de familles et d’amis, sont maintenant dans le même rêve que nous; celui de l’aventure et du mouvement qui mène, je le crois, au dépassement de soi. Marie a dit lors d’un souper cette semaine qu’il faudra refaire un projet dans deux ans, cette fois en Inde ou en Chine. Florence commence à comprendre autant l’espagnol que sa sœur. Elle a hâte de faire son entrée à l’école en avril à Pascuales près de Guayaquil. Victor et Mathilde grandissent beaucoup et heureux, je crois, dans la proximité intense de leur famille.

Avec la fin de cette première phase viennent aussi les questions plus existentielles. Certaines plus sociales; celles des grands écarts entre la vie de ces personnes et la nôtre; celles de l’utilisation folle que nous faisons des ressources de la planète (i.e. des entreprises pétrolières dont Texaco, mais des canadiennes aussi, pompent des quantités incroyables de pétrole de la forêt amazonienne de l’Équateur en la souillant et en déplaçant des populations entières, tout cela pour assouvir notre soif pour cette énergie); celle de l’économie de ce pays qui se transforme comme en occident en économie du savoir et de l’information. Qu’allons-nous faire plus tard, unn jour, avec toute cette information? D’autres questions sont plus personnelles; pourquoi ce droit et cette chance que nous avons de s’arrêter pour vivre et penser? Comment bien utiliser ce temps? Vers ou doit aller la suite?

Riobamba après-demain. On aura une connexion Internet, un bel appartement. Le temps sera propice pour préparer Noël. Ce soir on a pigé pour notre échange de cadeaux fabriqués. On fera en décembre un saut à Guayaquil pour rencontrer Sœur Jeanine avec qui on veut travailler en avril. On lira beaucoup sur le Pérou et les Incas avant notre voyage là-bas en janvier. On se prépare aussi à recevoir nos premières braves visiteures : Brigitte et Yolande qui viennent de Québec pour les semaines des fêtes. On confirme aussi la rencontre des parents de Geneviève à Lima en Janvier et l’arrivée des miens en mars.

Réservez vos dates… nous, on dépose nos valises pour quelques semaines.

Lafamilleenequateur

Muchos besos