6.4.09

Comme un dimanche après-midi d'été

Delhi

Onze heures. Genou fait les valises encore une fois. Marie a le nez dans Five Points, un roman d'auteur à succès ici en Inde. Un de ceux qui produit pour Bollywood des comédies romantiques. Flo compte les chameaux, les vaches, les cochons, les rats et les tigres pour s'endormir les lumières allumées. Victor est aux antibiotiques. Il sort d'une gastro qui nous a sauté dessus, lui et moi, il y a quelques jours. Il vient de s'endormir dans le grand lit à côté de sa soeur Mathilde. Y'a pas deux minutes ces deux-là nous faisaient perdre patience en se chamaillant encore une fois. Maintenant qu'ils dorment, ils paraissent tellement sages.

Un p'tit effort mon vieux! T'as pas écrit beaucoup. Et toutes ces images dans nos têtes. Avant-hier, le Taj Mahal à Agra. Tagore (immense poète indien) a dit de cette construction : "Une larme sur le visage de l'éternité". Il faudrait être aveugle pour ne pas s'émouvoir devant cet élan d'amour. 30 ans, 20 milles hommes, des tonnes de marbre en hommage à une femme qui laissa triste un roi . Nous avons tous succombé. Et quelques jours avant, le parc national du Ranthambore, là où Rudyard Kipling a imaginé l'histoire de Moogly, Baloo, Baghera (ours et panthère en hindi) dans son livre de la jungle. On y arrivait après quelques jours à Udaipur, une ville romantique du Sud du Rajasthan où fut d’aileurs tourné Octopussy, un James Bond quelconque.

Huitième semaine de voyage. À enfiler ces souvenirs les uns derrière les autres, nous sommes heureux de pouvoir compter sur nos 6 mémoires pour s'en rappeler encore longtemps. On parle toujours de voyage, des différences avec ce qu'on imaginait, de nos souvenirs ensembles. On fait des liens avec nos autres voyages. Des liens qui nous tissent, je crois, plus serrés chaque jour. Les enfants ont une telle mémoire. Est-ce qu'on en fait trop? Tous ces kilomètres! L'Inde a tant à offrir? On n'aura pas vu Mumbai et on ne verra probablement pas Varanasi (Benares), tout comme on avait sauté par dessus Madurai et la côte est de l'inde (mer de Bengal).

Ce temps de notre voyage commence à ressembler à un dimanche après-midi d'été. Avec tout ce que cela transporte : le bonheur de profiter du temps qui passe, la vue des enfants qui grandissent trop vite, le choix de ne rien faire, ou encore, celui de refaire le monde durant un somme. Lire le journal et s'impressionner que Tata sort ces jours-ci, la nano, une bagnole à moins de 2000$. Pas une Lada, mais plutôt l'équivalant d'une Toyota Echo ou d'une Honda Fit. On présume ici qu'elles se multiplieront sur les routes à venir de l'Inde. Quelques dizaines de millions de nouveaux humains troqueront leur vélo pour la vroum-vroum de liberté. Et comme les dimanches, arrive un petit pincement au coeur aussi, en pensant que les heures, pour nous les jours, s'envolent et le temps de reprendre la vie de tous les jours nous guette.

Au plan humain, l'expérience de ce voyage, bien qu'aussi extraordinaire que celle de notre grand voyage en Amérique du Sud, aura été très différente. Le véhicule familial était différent, avec à bord une ado de 15 ans et une autre grande de douze ans qui se seront couchées souvent après nous. Un Victor, nouvel élève à l'école de sa mère. Toujours aussi gamin, amateur de pierres semi-précieuses et de tout ce qui touche aux sports. Notre petit bonhomme aura commencé ce voyage à reculons, maintenant que la fin approche, il est heureux de sortir son Anglais dès qu'il le peut. What about Mathilda? Baby, baby, beautiful... comme disent chaque jour les indiens qui croisent ses yeux! Pas étonnant qu'elle refuse de grandir, de laisser sa place toute chaude du bébé de la famille. Nous qui faisons beaucoup d'algèbre et de pratiques d'exposant ces temps-ci avec les filles, je vous la décrirais selon la formule suivante : caractère = sa tête dure puissance 2 multipliée par son charme au cube, le tout divisé par un manque de sommeil fréquent. Elle a une première dent qui branle. Tellement qu'il ne serait pas étonnant que son sourire fasse une grimace quand elle rentrera au Canada. Marie aura souffert du manque d'espace que procure un long voyage en famille. Pas toujours facile de vivre à 6 (surtout avec ses parents) dans quelques mètres carrés, tout le temps! Heureusement, dans ses rêves, ses amies lui faisaient des courtes échelles côté bonheur. Combien nous en a t-elle racontés les matins au déjeuner? Le journal qu'elle dédie à ses amies est rempli des pensées que des parents souhaitent pour leurs enfants. Nous sommes fiers d'elle, de sa beauté vive, de tout ce qu'elle comprend déjà de la vie. Elle a des opinions claires sur la justice, l'environnement. Elle aime les gens et les approche facilement. Elle se voit reporter international. Qui sait? Quant à Florence, elle nous rappelle chaque jour que nous sommes au pays de la soie. Son caractère et sa sensibilité auront aidé à atténuer bien des petites frictions produites par tout le mouvement produit par ce voyage. Elle adore la route. Les bijoux, les vêtements, la bouffe. Toujours prête à faire le petit détour pour goûter un peu plus cette Inde dont elle raffole. Clotilde (une lectrice assidue de ce blogue) aura été avec elle en pensée tout au long de ce voyage. Plus que treize dodos avant que ces deux-là ne se reprennent par la main de cette grande amitié qui les unit.

Quant à la maman, l’infirmière, le guide du voyage, elle vient de fermer les yeux. Repos mérité! Le voyage l’épanouit. Comme à la maison, elle a une énergie inépuisable dont elle s’est encore servie durant ce voyage pour provoquer les rencontres, les découvertes, pour trouver les sentiers différents qui mèneront ses enfants à devenir de meilleurs petits humains. Pour son bonheur, et le nôtre par extension espérons, elle nous tire dans un ashram (genre de commune où nous pratiquerons yoga et méditation!?!), hors de notre zone de confort durant quelques jours. Elle a raison, notre voyage aurait été incomplet si nous n’allions pas joindre les mains près du cœur en pratiquant le Om universel. J’irai en pensant à Ghandi, bien qu’encore aujourd’hui, la spiritualité transpire de partout ici en Inde; authentique, colorée, intégrée aux vies des familles

Bon allez. C’est mon tour, je vais me coucher près de celle qui aura multiplié mon destin par son audace et sa fois dans la vie. Seul bémol, je n’attendrai pas encore ces bras ce soir. Un petit trait d’union nommé Mathilde m’en empêchera… Bonheur en banque que je me dis.

Bonne nuit.

Y

2 commentaires:

  1. Anonyme8:36 a.m.

    Entre les belles et les moins belles choses que l'on decouvre en voyage (et j'imagine qu'en Inde, il y a profusion de belles et de moins belles), il y a toujours les petits moments en famille. Les beaux et les moins beaux moments, comme a la maison. Mais on dirait qu'en voyage, les emotions sont amplifies par la proximite, et souvent, par la fatigue...

    Et a propos de la femme qui trouve de nouveaux sentiers, cette image me fait sourire du coin de bien des levres et j'ai l'impression que ce sentiment est partage aussi par les autres Bleau-freres. C'est vrai que les Blelles, elles sont inepuisables...ouf!

    Cher Yves, je te souhaite la plus relaxante des meditations (est-ce qu'ils separent les hommes des femmes a l'ashram?).

    Chere Genevieve, (la tache va etre difficile : ne rien penser, faire le vide) je te souhaite un paisible retour.

    Chere Marie-Laure, je te souhaite la plus grande des libertes dans ton espace plus que restreint. Un autre grand voyage se prepare pour toi...Bientot.

    Chere Florence, rapporte nous plein de belles images.

    Cher Victor, I can't wait to see your discoveries.

    Chere Mathilde, j'ai bien hate de voir tes petits yeux charmants.

    Chere famille, je vous souhaite de vous debarasser vitiment de ces imperturbables bacteries et de revenir en pleine forme, la tete remplie de beaux souvenirs.


    Francois

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  2. Clotilde7:00 p.m.

    Oh mon dieu, comme c'est bien écrit!!! L'Inde a l'air d'un pays magnifique comme l'est votre famille. Je vois Yves organisé la famille jaune;), je vois Geneviève courir partout même si elle n'a plus a faire les lunch à faire de ses 4 enfants, je vois Marie dans sa crise d'adolescente profiter (en secret) des bons moments avec sa famille, je vois Florence rêvasser dans toute les couleurs de l'Inde, je vois Victor jouer au hockey "a la Inde" et je vois Mathilde attiré les regards de tout les garçons déjà a son âge!
    Et bientôt , je vous verrai en chair et en os mais avant profitez au maximum!!!

    De votre lectrice assidue,Clotilde

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